Ça urge. Adopté fin décembre par l’Assemblée et la semaine dernière par le Sénat, le projet de loi relatif à l’« orientation et à la réussite des étudiants » a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire (CMP), ce mardi à la Haute assemblée, d'après nos informations. Les sept députés et sept sénateurs ont trouvé un terrain d’entente sur un texte commun. La réforme, présentée fin octobre par le premier ministre, introduit le nouveau système Parcoursup, qui remplace la plateforme APB, largement décriée, pour l’accès à l’université.
Le projet de l’exécutif permet à chaque université de traiter les demandes d’inscription de manière personnalisée et de vérifier sur les candidats répondent aux « attendus » de la filière, c'est-à-dire les compétences exigées. A défaut, les universités pourront les orienter vers une remise à niveau voire les refuser, si les capacités d’accueil sont atteintes. Une forme de sélection qui ne dit pas son nom.
« Compromis » sur la prise en compte de l’insertion professionnelle
Contacté par publicsenat.fr avant le début de la CMP, le sénateur LR Jacques Grosperrin, rapporteur du texte au Sénat, était déjà très confiant sur la bonne issue qui se profilait. Dans la version sénatoriale du texte, les sénateurs ont adopté un amendement du rapporteur qui définit les capacités d'accueil en licence en fonction du taux de réussite et de l'insertion professionnelle. Députés et sénateurs ont trouvé un « compromis » sur ce point. « Il y a la prise en compte de l’insertion professionnelle, des souhaits des étudiants et du projet des établissements dans la détermination des capacités d’accueil » explique Jacques Grosperrin. Les sénateurs laissent en revanche tomber leur amendement autorisant les universités à augmenter les droits d’inscription pour les étudiants étrangers.
Autre point : si les étudiants n’ont pas satisfaction dans leur choix, le texte du gouvernement prévoit que le recteur ait le dernier mot, alors que les sénateurs veulent le laisser au chef d’établissement. « Sur la question du véto du chef d’établissement, on le supprime au profit d’une obligation pour le recteur de respecter la capacité d’accueil, donc à ne pas mettre sous tension les établissements » explique le rapporteur. Les établissements auront la possibilité de proposer aux candidats des formations alternatives plus adaptées.
« La réussite de cette CMP est due à la collaboration et à l’écoute entre le rapporteur de l’Assemblée (le député LRM Gabriel Attal, ndlr) et moi-même. Il y a eu un gros travail ensemble. Je l’en remercie » salue Jacques Grosperrin. La majorité a donc fait en sorte de mettre de l’huile entre les deux assemblées sur ce texte.
« Contraire à la loi »
Cette bonne volonté de l’exécutif vis-à-vis de la majorité sénatoriale LR et UDI s’explique. Afin d’appliquer sa réforme dès la rentrée prochaine, l’exécutif a pris le risque de contorsionner le droit. Pour permettre aux futurs étudiants de commencer à faire leurs vœux pour la rentrée, le gouvernement a déjà pris le décret nécessaire à la mise en place de Parcoursup, avant même que la loi soit adoptée…
Les sénateurs du groupe communiste ont décidé fin janvier de déposer un recours devant le Conseil d’Etat, qui pourrait tout arrêter. Or le Conseil pourrait rendre sa décision la semaine prochaine. D’où l’urgence pour adopter définitivement le texte, histoire d’éviter tout risque juridique.
« Le gouvernement a fait passer son arrêté sur Parcoursup alors que le processus législatif n’est pas achevé. C’est complètement contraire à la loi. On ne peut pas inverser comme ça la hiérarchie des normes. Il y a d’abord la loi, puis le décret. Pas l’inverse » pointe le sénateur PCF Pierre Ouzoulias. Le sénateur des Hauts-de-Seine ajoute :
« C’est une course contre la montre. Comme le gouvernement a une épée de Damoclès sur la tête, il est prêt à tout lâcher en CMP. La majorité sénatoriale se retrouve en position de force ».
« Agir en concertation avec le gouvernement, sans mettre tous les étudiants dans la rue »
Le rapporteur du texte au Sénat reconnaît au gouvernement la volonté d’avancer. Mais plus que la décision à venir du Conseil d’Etat, « ce qui nous a mis en position de force, c’est surtout que nos amendements étaient justifiés » estime Jacques Grosperrin. Mais il reconnaît qu’il fallait « pouvoir agir en concertation avec le gouvernement, sans mettre tous les étudiants dans la rue ». Raison pour ne pas tarder, surtout avec un début de mobilisation qui n’a pas vraiment pris. Il ne faut pas laisser le temps qu’elle puisse s’installer.
Autre raison qui explique qu’il « faille aller vite : s’il n’y avait pas d’accord en CMP, ça repoussait d’un mois la loi et ça poserait problème dans le traitement des données » pour les futurs étudiants. Conclusion du rapporteur : « Il faut que la loi soit votée ».
Probable recours de la gauche devant le Conseil constitutionnel
Autre preuve de la célérité qui s’exerce sur ce texte, les lectures des conclusions de la CMP sont prévues dès jeudi au Sénat. Mais les opposants au texte n’entendent pas lâcher. Selon Pierre Ouzoulias, « il y aura sans doute un recours des trois groupes de gauche de l’Assemblée nationale devant le Conseil constitutionnel ».