Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Loi séparatisme : quels sont les apports du Sénat ?
Par Public Sénat
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« La loi doit nommer les choses si nous voulons avoir une action efficace […] Le titre (du projet de loi) ne veut rien dire, il faut beaucoup plus le cibler et c’est ce que nous ferons ». Au micro de Public Sénat, le patron du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau annonce la couleur. Sous la plume des sénateurs, le projet de loi confortant les principes républicains changera d’intitulé et « nommera clairement les choses » en mentionnant « le séparatisme islamisme ». Ce sera l’objet d’un amendement du groupe LR lors de l’examen du texte en séance publique à partir du 30 mars.
En attendant, la commission des lois du Sénat vient d’adopter 447 amendements déposés. A ce texte de 55 articles qui couvre un champ très large. Il vise à accroître le contrôle des associations, la transparence des cultes et de leur financement. Il entend lutter contre la polygamie, les certificats de virginité et les mariages forcés, la haine en ligne, ou encore à encadrer plus sévèrement l’instruction à domicile. Il renforce le principe de neutralité dans le service public.
Division au sein de la majorité sénatoriale
A ce sujet, l’examen en commission a commencé, mercredi par une première déconvenue pour la droite sénatoriale qui souhaite durcir le texte. L’amendement des rapporteures, Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien (Centriste), qui visait à étendre le principe de neutralité aux accompagnants des sorties scolaires n’a pas été adopté par la commission des lois. Il permettait notamment d’interdire le port du voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires. Après avoir fait l’objet d’âpres discussions, il a été rejeté suite à une égalité de votes. Des sénateurs centristes et LR s’y sont opposés.
« Il y a eu un peu match nul. Car l’amendement a obtenu 15 voix pour et 15 contre. Donc dans ce cas, il est rejeté. Donc nous redéposerons un amendement qui reprendra le texte que nous avons voté au Sénat, il y a quelques mois, sur les signes ostentatoires », promet Bruno Retailleau.
Cet amendement fait effectivement écho à la proposition de loi de Jacqueline Eustache-Brinio, soutenue par le patron du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau, que le Sénat a adopté (163 voix pour, 114 voix contre) le 20 octobre 2019. Elle vise à assurer la neutralité religieuse des accompagnateurs et des accompagnatrices scolaires.
Quelques mois plus tôt, en mai 2019, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur « l’école de la confiance », les sénateurs avaient adopté un amendement LR, (toujours défendu par Jacqueline Eustache-Brinio) visant à interdire le port du voile pour les accompagnatrices, généralement les mères des élèves, lors des sorties scolaires. La mesure n’avait pas survécu à la navette parlementaire.
Un deuxième amendement, sensiblement identique, défendu par la sénatrice LR Valérie Boyer visait à imposer la neutralité religieuse « aux collaborateurs occasionnels de service publique » a, lui, été rejeté à une voix près.
« On sait que ces sujets-là sont sensibles au sein de toutes les familles politiques »
Au micro de Public Sénat, la rapporteure centriste, Dominique Vérien a indiqué, mercredi, regretter le rejet de ces amendements « qui permettaient de clarifier le droit ». « On sait que ces sujets-là sont sensibles au sein de toutes les familles politiques […] Et comme l’ensemble du texte on parle beaucoup de la neutralité, il y a eu un souhait de dire que l’important était plus de respecter le culte que de respecter la neutralité » explique-t-elle ajoutant que ce point « n’était pas le plus important ».
« C’est une surprise car habituellement, les amendements des rapporteurs sont adoptés étant donné qu’ils font partie de la majorité sénatoriale. Depuis quelques mois, on observe deux lignes au sein de la majorité sénatoriale. Une ligne que je qualifierais « Manif pour tous » et une autre qui hésite entre un soutien plus ou moins appuyé au président de la République sur les questions sociétales » observe le sénateur PS, Didier Marie, membre de la commission des lois.
Retrait d’un amendement imposant le respect du principe de laïcité aux élus locaux
En effet, la rapporteure LR, Jacqueline Eustache-Brinio a dû aussi retirer un amendement lui aussi sujet à controverse. Il imposait aux élus locaux, d’exercer leur mandat dans le respect du principe de laïcité. « Ce principe ne saurait avoir pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté d’opinion ou de vote des élus locaux », était-il précisé. « On parle ici d’élus locaux et non de fonctionnaires. On a été un certain nombre à lui dire que cet amendement ne passerait jamais en séance », rapporte le sénateur centriste, Loïc Hervé.
« Il y a eu une confusion et c’est pourquoi nous l’avons retiré »
« C’était pour dire que les élus devaient respecter la laïcité mais pas la neutralité. Je crois qu’il y a eu une confusion et c’est pourquoi nous l’avons retiré car nous ne voulions pas imposer une quelconque neutralité aux élus », souligne de son côté Dominique Vérien.
Parmi les apports de la Haute assemblée, la commission a supprimé l’article 14 bis du texte. Elle met ainsi fin à l’automaticité du renouvellement de la carte de séjour temporaire aux victimes de polygamie.
Instruction à domicile : le système déclaratif conservé par le Sénat
L’article 21 du projet de loi qui concerne l’instruction en famille a été largement réécrit. La majorité sénatoriale n’est pas favorable à la mise en place d’une autorisation préalable du rectorat, contre une simple déclaration actuellement. « L’instruction en famille était laissée en proie aux abus. […] Nous ne voulons pas en finir avec l’instruction en famille : nous avons été à l’écoute du Conseil d’Etat et des associations, je n’ignore pas l’émotion que cela a pu susciter », avait reconnu Jean-Michel Blanquer devant la commission de la culture du Sénat.
La Haute assemblée conserve le système déclaratif avec un contrôle du rectorat plus resserré « pour conserver cette liberté d’instruction à domicile qui est une liberté reconnue et protégée par notre Constitution », indique Stéphane Piednoir rapporteur LR du texte pour la commission de la Culture saisie pour avis.
« A l’université, on constate des dérives, ça reste très marginal, mais il vaut mieux prévenir que guérir »
Quelques semaines après le lancement d’une enquête « polémique » de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal sur les radicalités à l’université, reprenant le terme « islamo-gauchisme, la Haute assemblée s’empare également du débat. « Le texte qui nous est proposé ne répond pas aux enjeux majeurs de ce séparatisme […] A l’université, on constate des dérives, ça reste très marginal mais il vaut mieux prévenir que guérir et avoir des dispositions qui interdisent, par exemple, de s’approprier des salles d’enseignement pour y faire des prières. Il faut se prémunir contre des prosélytismes ou des propagandes de nature à perturber des activités de recherche et d’enseignement », a estimé Stéphane Piednoir auteur de plusieurs amendements sur ce sujet, adoptés en commission.
Le régime de déclaration des associations assoupli
L’article 27 durcit le régime de déclaration des associations cultuelles de la loi de 1905, imposant une déclaration à renouveler tous les 5 ans auprès du préfet. Les sénateurs ont assoupli le dispositif pour les renouvellements de déclaration. Pour les associations dont la qualité cultuelle aura déjà été reconnue au bout de cinq ans, une simple obligation d’information de l’administration suffira.
L’article 30 vise les associations de loi de 1901 qui ont une activité cultuelle, en leur imposant les mêmes contraintes administratives et comptables que les associations 1905. Là encore, la commission a assoupli le dispositif en faveur « des associations 1901 dans lesquelles l’activité cultuelle n’a qu’un caractère strictement accessoire, comme les scouts ou les établissements privés confessionnels. « Les soumettre à des contraintes disproportionnées par rapport à ces dernières méconnaîtrait le principe d’égalité et la liberté d’association, constitutionnellement protégés », indiquent les rapporteures.
« Les mêmes qui combattent le voile pour les accompagnatrices scolaires sont les mêmes qui défendent les écoles confessionnelles et l’école à domicile », raille le sénateur PS, Didier Marie qui dénonce par ailleurs « un texte patchwork de suspicion et de défiance à l’égard des cultes ».
L’article 8, quant à lui durcit les conditions de reconstitution d’une association dissoute par l’exécutif. Le Sénat a rajouté des sanctions si une association se reconstitue à l’étranger tout en maintenant une activité sur le territoire national.
Une association qui sollicite des subventions publiques devra désormais « s’engager sur un contrat d’engagement républicain, à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de respect de la dignité de la personne humaine ainsi qu’à respecter l’ordre public, les exigences minimales de la vie en société et les symboles fondamentaux de la République ». Le Sénat entend que soit précisé le « caractère laïc de la République ». En cas de manquement, la Haute assemblée raccourcit le délai pour restituer les subventions de 3 mois, au lieu de 6 mois.
Haine en ligne
Si peu d’articles relèvent du ministère de la Justice, on retient néanmoins une nouvelle incrimination pénale à l’article 18 dont la rédaction a été guidée par l’assassinat de Samuel Paty. Il sanctionne de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la mise en danger d’autrui par la diffusion d’informations personnelles, même si cette mise en danger n’est pas suivie de faits. La peine est portée à 5 ans et 75 000 euros d’amende, si la victime est mineure ou dépositaire de l’autorité publique.
Les sénateurs ont aussi souhaité actualiser l’article 35 de la loi de 1905 qui punit « de 2 ans d’emprisonnement la provocation faite par un ministre des cultes « à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres ». Le quantum de la peine est ainsi renforcé à « sept ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ». Ce point avait fait l’objet d’une discussion houleuse entre le garde des Sceaux et le sénateur LR, Philippe Bas il y a quelques jours.
Devant le Sénat, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait annoncé son intention de contrôler « les 89 lieux de culte séparatistes » dans les semaines suivant la promulgation de la loi. Pour ce faire l’article 43, prévoit que toute personne condamnée pour une infraction en matière de terrorisme, ne peut diriger ou administrer une association cultuelle pendant une durée de dix ans à compter de la condamnation définitive. Les rapporteures ont étendu la peine aux associations dites « mixtes » et aux associations accueillant des enfants.