Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Loi asile et immigration : les principales modifications adoptées par le Sénat
Par Public Sénat
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Les débats ont été longs, parfois vifs et passionnés. Le Sénat a terminé l’examen des articles du projet de loi asile et immigration, lundi 25 juin, en fin de journée, après 5 jours de débats. Les sénateurs voteront solennellement sur l’ensemble du texte ce mardi.
Globalement, le projet de loi ressort de la Haute assemblée durci, comparé à la version gouvernementale, pourtant déjà critiquée par les associations pour sa dureté (voir le sujet de Nelson Getten). La majorité LR-UDI revendique être « très ferme » sur l’immigration illégale et rend plus contraignantes certaines dispositions de l’asile, pour mieux intégrer, espère-t-elle, ceux qui y ont droit. Le texte, qui est en procédure accélérée, fera l’objet d’une commission mixte paritaire entre députés et sénateurs. En cas de désaccord, certain pour la plupart des modifications apportées par le Sénat, les députés auront le dernier mot.
L’examen s’est passé sur fond de l’affaire Aquarius, et après les déclarations du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, lors de son audition en commission par le Sénat. Il avait affirmé que « les migrants font du benchmarking » en comparant les pays européens.
Les débats ont souvent traîné, du fait de la multiplication des scrutins publics. Ils permettent de voter pour les absents. Très utile quand un groupe majoritaire se retrouve en minorité dans l’hémicycle. C’est ce qui s’est passé, notamment mardi (à voir ici) et jeudi soir (à voir là). Les bancs LR se sont retrouvés pour le moins clairsemés. Entre des engagements locaux, la forte mobilisation de la gauche ou même le cocktail de fin de session du groupe LR, ce couac s’explique (voir notre article). « C’est comme pour un accident d’avion, ce n’est jamais une cause unique » résume un sénateur LR. Regardez également les explications de Roger Karoutchi :
La gauche, de son côté, a enchaîné les prises de parole pour dénoncer un texte qui multiplie les mesures mettant à mal le droit d’asile. L’occasion pour le sénateur PS David Assouline de passer un sérieux coup de gueule, pour son collègue socialiste Jean-Yves Leconte d’affirmer que « Monsieur Macron n’est qu’un Viktor Orban en bas de soie » ou pour la présidente du groupe communiste, Eliane Assassi, de dénoncer un texte qui vise à « satisfaire l’extrême-droite ».
Le sénateur RN (ex-FN), Stéphane Ravier, a d’ailleurs brillé par son absence lors des débats, ne prenant pas la peine de défendre la plupart de ses propres amendements, excepté jeudi dernier, pour dénoncer ce qu’il nomme le « grand remplacement ».
Retour sur les principales modifications apportées par les sénateurs :
Quotas débattus chaque année au Parlement
La majorité sénatoriale a adopté un article visant à introduire des quotas – sans employer le mot – débattus chaque année par le Parlement, à partir d’un rapport du gouvernement.
Réduction de 120 à 90 jours du délai pour déposer une demande d’asile
Si le Sénat a durci plusieurs points du texte, il est ici en accord avec le projet de loi du gouvernement (voir les explications de Gérard Collomb). Il a ainsi réduit de 120 à 90 jours le délai pour déposer une demande d’asile après l’entrée en France. Au-delà, le dossier peut être traité mais en procédure accélérée.
Asile : le Sénat maintient à 30 jours, contre 15, le délai de recours pour les demandeurs
Le gouvernement souhaite ramener ce délai à 15 jours. Pas les sénateurs. La majorité a maintenu à 30 jours le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile, en cas de rejet d’une demande d’asile. Une position saluée par la gauche. Mais pour la droite, c’est avant tout pour un manque d’efficacité qu’il convient de maintenir ce délai à 30 jours.
Les sénateurs précisent la définition des pays sûrs
Les sénateurs ont précisé la définition de la liste des pays d’origine sûrs. Ils ont fait en sorte qu’un pays ne puisse figurer sur la liste lorsque les personnes transgenres y subissent persécution, torture ou traitements inhumains. La sénatrice PS Laurence Rossignol a regretté de son côté que son amendement visant à inclure le droit à l’avortement dans la définition ne soit pas retenu.
Le Sénat durcit les conditions du regroupement familial
Les sénateurs ont voté l’allongement de 18 à 24 mois de la durée de résidence en France nécessaire pour bénéficier du regroupement familial. Le regroupement familial permet à un étranger en situation régulière d'être rejoint en France par son conjoint majeur et les enfants mineurs du couple, au bout d’une durée de résidence de 18 mois.
Suppression de la carte pluriannuelle de quatre ans
C’est l’une des mesures du texte du gouvernement : une carte de séjour pluriannuelle de quatre ans, puis une carte de résident, pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire (une extension du statut de réfugiés) et les apatrides. Les sénateurs l’ont supprimée.
Restriction de l’aide médicale d’État
La Sénat de droite a modifié l’aide médicale d’urgence (AME), qui permet aux étrangers en situation irrégulière, qui en font la demande, d’accéder à des soins (à condition de résider en France depuis plus de 3 mois et de ne pas dépasser un certain niveau de revenus). Il le remplace par une « aide médicale d’urgence », concentrée sur les maladies graves.
Limitation au droit du sol à Mayotte
Les sénateurs ont instauré une limitation au droit du sol à Mayotte, où l’immigration est forte. Contre l'avis du gouvernement, ils ont adopté un amendement du sénateur LREM Thani Mohamed Soilihi, adaptant les conditions d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol sur cette île de l'Océan indien, dont il est élu.
Immigration irrégulière : le Sénat facilite les expulsions du territoire
Fidèles à la ligne des LR, les sénateurs de la majorité ont adopté plusieurs mesures pour durcir la lutte contre l’immigration illégale. Ils ont adopté des mesures de rétorsion contre les pays qui délivrent difficilement les laissez-passer consulaires pour le retour dans le pays d’origine. Le nombre de visas de long séjour accordés aux ressortissants des pays les moins coopératifs peut ainsi être réduit. Le Sénat a aussi réduit de 30 à 7 jours le délai de départ volontaire accordé aux étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
Rétention administrative conservée à 90 jours mais modalités du contrôle judiciaire revues
Les sénateurs LR-UDI n’ont pas modifié le doublement de la durée de rétention administrative pour les étrangers, portée de 45 à 90 jours, comme le souhaite le gouvernement. Mais les sénateurs ont voulu modifier le séquençage de cette rétention, avec une intervention du juge des libertés de la détention à trois reprises maximum, contre cinq pour les députés et sept pour le gouvernement.
Le Sénat limite à 5 jours la rétention des mineurs étrangers accompagnés
Les sénateurs ont limité à 5 jours la rétention d’un étranger s’il est accompagné d’un enfant, alors que dans le projet de loi, la durée maximale de rétention est portée de 45 à 90 jours. « En moyenne, les familles avec enfants sont détenues 4 jours, c’est pourquoi le Sénat a prévu une durée maximale de 5 jours » a expliqué le rapporteur LR du texte, François-Noël Buffet. Les sénateurs ont aussi voté pour l’interdiction de la rétention des mineurs étrangers isolés.
Suppression de l’assouplissement du délit de solidarité
Lors de l’examen du texte à l’Assemblée, les députés avaient assoupli le délit d'aide à l'entrée et au séjour des étrangers en situation irrégulière, ou « délit de solidarité ». Les sénateurs sont revenus en commission sur cette décision pour conserver le droit actuel.
Mineurs non accompagnés : le Sénat adopte la création d’un fichier national
Pour éviter qu’un mineur étranger non accompagné ne se présente dans deux départements, les sénateurs ont adopté la création d’un fichier national biométrique des étrangers reconnus majeurs. Le gouvernement veut lui aller plus loin, avec un fichier de tous les demandeurs. Les départements, qui ont la charge des mineurs non accompagnés, réalisent des examens, notamment des tests osseux, pour déterminer si le jeune étranger est mineur ou pas, et s’il peut ainsi bénéficier de l’aide sociale à l’enfance.
Lutte contre les mariages « blancs »
Un amendement LR a été adopté afin de lutter contre les mariages dits « blancs », en obligeant les élus à signaler au procureur de la République tout mariage d’un étranger en situation irrégulière, alors qu’il ne s’agit actuellement que d’une faculté.