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Lettre ouverte de généraux : « Cela pose un problème, surtout pour l’image que cela renvoie des militaires », juge Jean-Marc Todeschini
Par Jules Fresard
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C’est une France « en péril », en proie aux « hordes de banlieue » et à la « guerre raciale » qu’ils décrivent. Face à cette situation, une seule réponse possible, « l’éradication de ces dangers » avec une armée qui serait prête à soutenir les personnalités politiques engagées dans une démarche de « sauvegarde de la nation ». Si rien n’est fait, « l’explosion » est prédite avec l’intervention de militaires dans une « mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles ».
Signée par plus de 1 000 militaires dont 20 généraux à la retraite, cette lettre ouverte, d’abord publiée sur le site Place d’Armes, géré par Jean-Pierre Fabre-Bernadac, ancien officier de l’armée de terre, avant d’être publiée par l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, a massivement été relayée sur les réseaux sociaux ce week-end, décrite par Jean-Luc Mélenchon comme un « appel factieux ».
« Pas de coup d’Etat en préparation »
Hélène Conway-Mouret, sénatrice socialiste des Français établis hors de France et rapporteuse défense de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, tient cependant à relativiser. « C’est une tempête dans un verre d’eau » estime la sénatrice. « C’est important de relativiser les choses, dans un monde où chaque petit écart est vu comme un bouleversement. Il n’y a pas de coup d’Etat en préparation » continue-t-elle.
Mais en choisissant une plateforme comme Valeurs Actuelles, « dont on connaît le positionnement », les signataires « avaient un message à faire passer » analyse-t-elle. « Je crois que socialement, il est important d’écouter ce que ce groupe de personnes et cette classe sociale ont à dire, et ce que cela dit de la société ».
La tribune dénonce pêle-mêle un « certain antiracisme » qui créerait « un mal-être, voire une haine », les « théories décoloniales » qui pourraient amener à une « guerre raciale », la multiplication de zones de « non-droit » sur le territoire, alors que des Gilets Jaunes exprimant « leur désespoir » sont réprimés par des « agents supplétifs et boucs émissaires », eux-mêmes malmenés par des « individus infiltrés et encagoulés [qui] saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre ».
Les termes et théories relayés par cette tribune ne laissent guère de doute quant à l’orientation politique de ses auteurs et signataires. Elle n’est pas non plus s’en rappeler l’entretien fleuve de Philippe de Villiers, qui dans le même Valeurs Actuelles en appelait « à l’insurrection » le 17 avril dernier.
Et parmi les généraux signataires figure en bonne position l’ancien général Christian Piquemal, radié des cadres de l’armée en septembre 2016 après avoir organisé une manifestation interdite contre les migrants.
Le devoir de réserve en question
Des éléments qui font dire à Jean-Marc Todeschini sénateur socialiste de Moselle et ancien secrétaire d’Etat chargé des Anciens combattants, que la situation est plus dommageable qu’elle n’y parait. « Cela pose un problème, surtout sur l’image que cela renvoie des militaires ».
Car au cœur de cette lettre ouverte, la question du devoir de réserve auxquels sont normalement soumis les militaires vient interroger. Bien qu’ils soient à la retraite, « on peut considérer que des généraux en retrait ont une liberté d’expression, mais ils ont également un devoir de réserve. Ils ne peuvent pas menacer de prendre les armes, si les politiques ne réagissent pas. S’ils ont une liberté d’expression, ils ont également un devoir moral », analyse l’ancien secrétaire d’Etat.
Cédric Perrin, sénateur LR du Territoire de Belfort, partage ce constat. « Il y a un problème sur l’obligation de loyauté, qui a été bafouée ». « Quand on fait valoir sa fonction pour défendre ses idées, cela n’est pas possible. Si les militaires veulent faire de la politique, il faut qu’ils se présentent en tant que Français, et non pas en tant que militaires », continue le sénateur de droite.
Tentative de capitalisation du RN
D’autant que dans leur missive, les militaires se disent « disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation ». Une déclaration allant à l’encontre de leur devoir de neutralité. Un appel en tout cas entendu par Marine Le Pen, qui deux jours plus tard, publiait une réponse dans Valeurs Actuelles, toujours, intitulée « Messieurs les généraux, rejoignez-moi dans la bataille pour la France ».
Avec en substance, ce message, « généraux, je vous ai compris ». Engagée dans la course à la présidentielle, Marine Le Pen voit là l’occasion de se présenter une fois encore comme la vigie d’une société française au bord du gouffre. « Comme vous, je crois qu’il est du devoir de tous les patriotes français, d’où qu’ils viennent, de se lever pour le redressement et même, disons-le, le salut du pays » écrit-elle.
« Je vous invite à vous joindre à nous pour prendre part à la bataille qui s’ouvre », estime la députée du Nord, en éludant un élément. Pas question de mentionner la possible tentative de passage à l’acte présentée par les militaires. Marine Le Pen candidate « présidentiable » nuance, exhortant les militaires à atteindre leur but par la voie démocratique. « Je vous invite à vous joindre à notre action pour prendre part à la bataille qui s’ouvre, qui est une bataille certes politique et pacifique, mais qui est avant tout la bataille de la France. ».
Un appel du pied reçu en demi-teinte par les signataires du courrier. Dans une réponse à la lettre de Marine Le Pen, publiée cette fois-ci uniquement sur le site Place d’Armes, les militaires estiment que la présidente du RN « a parfaitement la légitimité d’attirer à elle des généraux », tout en soulignant qu’il est « pour le moins maladroit d’effectuer une opération de « racolage » pour des objectifs électoraux ». Et ce qu’ils jugent comme sa « méconnaissance totale du monde militaire », car n’ayant adressé son courrier qu’aux généraux signataires. Une tentative de capitalisation qui s’apparente donc plus pour l’instant à un coup d’épée dans l’eau.
« Malgré cette espèce de démenti publié sur Place d’Armes, tout cela me semble très bien organisé. La tribune sort, Marine Le Pen répond deux jours après. Et parmi les signataires, on compte de nombreux élus du Rassemblement National », constate Cédric Perrin.
Une réponse jugée tardive du gouvernement
De l’autre côté de l’échiquier politique, Jean-Luc Mélenchon s’est fait lui particulièrement présent sur les réseaux sociaux tout le week-end, s’insurgeant de la non-réaction du gouvernement face à la lettre, article de loi à l’appui. Le leader de la France Insoumise évoque même une possible action en justice.
Mais après cinq jours de silence, Florence Parly, la ministre des Armées, a réagi en décrivant ce qu’elle appelle être comme une « tribune irresponsable », « signée par des militaires à la retraite qui n’ont plus aucune fonction ». Sur France info, la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher a évoqué lundi un « quarteron de généraux en charentaises ». Au gouvernement, mot est donc de tasser la controverse.
Des réactions jugées insuffisantes par Jean-Marc Todeschini, voyant cette tribune comme ayant jeté « un peu plus le trouble dans une société française très fragmentée ». « La ministre a réagi a minima, c’est insuffisant ». D’autant que comme il le rappelle, des généraux qui tiennent des propos d’extrême droite, rien de bien nouveau. « Sauf que sous le mandat de François Hollande, des militaires en retrait avaient été sanctionnés pour avoir tenu de telles positions », se rappelle l’ancien secrétaire d’Etat.