Les élections législatives, un enjeu financier important pour les partis politiques

Les élections législatives, un enjeu financier important pour les partis politiques

Le financement des partis et mouvements politiques dépend essentiellement des élections législatives. Le volume de la dotation, fixée pour cinq ans, dépend du nombre d’élus mais aussi du nombre de voix.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Il y a d’abord l’espoir de former un groupe, voire de conquérir le maximum de sièges à l’Assemblée nationale. C’est l’objectif premier des prochaines échéances électorales, mais pas l’objectif unique. Bataille politique, les élections législatives de juin sont également une étape importante qui va déterminer une grande partie des recettes des partis politiques pour les cinq années à venir. Les scores réalisés par les formations politiques au premier tour conditionnent l’essentiel de l’aide publique accordée par l’État. L’enveloppe globale représente pour l’année 2022 environ 66 millions d’euros.

Il existe deux volets, de poids à peu près égaux. Le premier financement est directement lié au nombre de voix réalisées : chaque électeur rapporte 1,53 euro au parti concerné. Il y a toutefois une condition pour y prétendre. Il faut au minimum récolter 1 % des suffrages exprimés, et ce, dans au moins 50 circonscriptions de France métropolitaine (une règle spécifique s’applique pour l’Outre-mer). En 2017, 16 partis étaient dans ce cas de figure. Rappelons qu’il y a au total 577 circonscriptions électorales aux élections législatives.

À lire aussi » Elections législatives : 6 points pour comprendre

On le voit, cette règle peut constituer un frein à la formation d’alliances et à la présentation de candidats communs. Pour maximiser leurs revenus, les partis ont donc intérêt à présenter le plus de candidats possibles. Aborder les législations législatives avec un nombre réduit de circonscriptions peut sérieusement hypothéquer ses chances de succès à l’avenir. Moins de fonds, c’est moins de moyens pour communiquer, agir, mener campagne. Le financement de la vie publique est donc une donnée à prendre en compte dans la répartition des circonscriptions électorales entre alliés.

1 % de voix minimum dans 50 circonscriptions

Un exemple concret. Dans un courrier transmis le 15 avril aux écologistes, aux communistes et au Nouveau Parti anticapitaliste, la France insoumise a proposé une répartition sur la base de « celle établie par les électeurs au premier tour de l’élection présidentielle ». Si chaque parti présente un nombre de candidats à hauteur du poids de son score, l’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon (7,71 millions de voix) serait présente dans les trois quarts des circonscriptions (427), ne laissant que 90 circonscriptions aux écologistes (Yannick Jadot a réalisé 1,63 million de voix), et seulement 44 au Parti communiste (802 000 voix au premier tour) et 15 au NPA (269 000 voix). Dans ces mêmes conditions, le PS (616 000 voix) serait logé à la même enseigne que les communistes. Les deux partis seraient théoriquement exclus du premier volet du financement de la vie publique, s’ils n’étaient pas présents dans au moins 50 circonscriptions.

Cette dotation liée au nombre de voix a été très bénéfique aux gros partis en 2017. Ayant réuni 6,15 millions de voix au premier tour des législatives, La République en marche a été de loin le premier bénéficiaire, avec un versement de 10,1 millions d’euros cette année. Le Rassemblement national a touché 4,9 millions d’euros (2,97 millions de voix), Les Républicains 3,9 millions, La France insoumise 3,7 millions, et le Parti socialiste 2,6 millions. À noter que l’enveloppe est réduite lorsque la parité sur le nombre d’hommes et de femmes n’est pas respectée. Les Républicains ont été privés de 1,8 million d’euros et la France insoumise de 252 000 euros, selon le décret de répartition du 31 janvier 2022.

37 400 euros par parlementaire

Deuxième volet des subventions : une dotation annuelle d’environ 37 400 euros par parlementaire rattaché au parti. La règle fonctionne à l’Assemblée nationale (577 parlementaires) comme au Sénat (348 membres). Le volume par parti peut parfois évoluer à la marge, puisque les parlementaires réalisent chaque année une déclaration de rattachement, en décembre. Là aussi, cette source de financement est un élément que les différents états-majors des partis ont à l’esprit, lorsqu’il est question de négocier des circonscriptions. Une circonscription « gagnable » offre donc un supplément de revenus aux partis. Un groupe de 26 députés représente tout de même environ un million d’euros par an.

Pour l’année 2022, La République en marche est là encore le premier bénéficiaire, avec une dotation d’environ 10,9 millions d’euros, puisque le mouvement présidentiel compte 272 députés et 19 sénateurs. Grâce à leur implantation locale, qui leur assure un nombre important de représentants au Sénat, les Républicains ont également une solide dotation : 9,1 millions d’euros. C’est le produit de leurs 141 sénateurs et 103 députés. Le parti joue donc gros lors des législatives de juin. Pour le deuxième volet, le Parti socialiste a touché 3,3 millions d’euros en 2022, une somme du même ordre que celle encaissée par l’UDI ou encore le MoDem. Peu représentés au Parlement, le RN et LFI ne touchent en revanche que 299 000 euros et 636 000 euros, respectivement.

La dotation publique du Parti socialiste divisée par 4 après 2017

La dotation versée aux partis politiques en fonction de leurs poids au Parlement et de leur nombre de voix aux législatives illustre le reflux de certaines familles politiques au moment des législatives de juin 2017. Le Parti socialiste est ainsi passé de 24,8 millions d’euros par an à 5,9 millions. Face à ses difficultés financières, le parti s’est résolu à vendre son siège de la rue de Solférino (Paris 7e) en 2018, pour s’installer à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Quant aux Républicains, leur dotation annuelle a un peu mieux résisté, passant de 18,7 millions à 13.

La part de l’aide publique dans le budget total varie fortement d’un parti à l’autre. En 2020, à La République en marche, il représentait 89,7 % des recettes, et 80,3 % pour la France insoumise, deux jeunes formations. L’aide publique constituait à la même époque 60,89 % des revenus des Républicains, et 55,1 % des moyens du Rassemblement national. Au Parti socialiste, où l’enveloppe a brutalement fondu, la part n’était plus que de 32,5 %, bien en dessous des 42 % que constituent les cotisations des élus et les cotisations des adhérents. Pour Europe Ecologie-Les Verts, la part du financement public ne pesait que 22,94 % des revenus du parti. Un bon score aux élections législatives est donc primordial pour les finances d’un parti politique.

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Les élections législatives, un enjeu financier important pour les partis politiques
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Les élections législatives, un enjeu financier important pour les partis politiques
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le