Les départements peuvent-ils refuser le RSA aux soignants suspendus pour cause de non-vaccination ?

Les départements peuvent-ils refuser le RSA aux soignants suspendus pour cause de non-vaccination ?

Le président du Conseil départemental de la Côte d’Or, François Sauvadet (UDI), a annoncé que le RSA ne serait pas versé aux personnels, dont la rémunération a été suspendue à la suite d’un refus de vaccination contre le covid-19. Les conditions pour en bénéficier sont pourtant clairement listées dans notre législation.
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La controverse sur la solidarité à l’égard des personnels non-vaccinés, privés de leurs ressources, est de retour. Fin octobre, quinze présidents socialistes de départements ont protesté auprès du Premier ministre contre le fait de rendre éligibles « d’emblée » au RSA les salariés suspendus pour avoir refusé de se faire vacciner contre le covid-19. Ils avaient appelé l’État à assumer les conséquences de ses décisions sur les contraintes sanitaires. En plein congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF), François Sauvadet (UDI) qui préside l’association, est revenu à la charge.

« Je ne verserai pas le RSA à des personnes suspendues qui ont refusé de se faire vacciner », a annoncé dans la matinale de Public Sénat le président du conseil départemental de la Côte d’Or. Et de préciser au passage avoir donné des « consignes à [ses] services ». Dans son argumentaire, il souligne que « RSA est un chemin qui est fait pour les personnes qui ont perdu leur emploi », et non pas « la réassurance de ceux qui n’ont pas voulu se vacciner ».

« Les présidents n’ont aucun moyen juridique pour refuser le versement du RSA pour des salariés non vaccinés »

François Sauvadet peut-il agir dans ce sens ? Si le versement des allocations de solidarité comme le RSA fait bien partie des compétences départementales, les conditions pour en bénéficier relèvent de la loi. « Les présidents n’ont aucun moyen juridique pour suspendre, interrompre ou refuser le versement du RSA pour des salariés non vaccinés », explique Amine Elbahi, juriste en droit public, qui a notamment travaillé sur les contentieux en matière de RSA.

Les conditions pour bénéficier du revenu de solidarité active sont détaillées dans le Code de l’action sociale et des familles. Aucune des exceptions formulées dans l’article L262-4 ne s’applique aux soignants suspendus. Ce texte détaille les cas dans lesquels le RSA ne peut être versé : « ne pas être en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité ».

Deuxièmement, l’article R262-13 précise qu’un salarié peut bénéficier du RSA, sans tenir compte de ses revenus durant les trois mois passés, « lorsqu’il est justifié que la perception de ces revenus est interrompue de manière certaine et que l’intéressé ne peut prétendre à un revenu de substitution ». Comme le soulignait l’avocate Michèle Bauer début novembre, les salariés suspendus ne sont pas licenciés et ne peuvent donc prétendre à des allocations-chômage.

Le même article prévoit par ailleurs qu’un président de conseil départemental peut demander à ce que soient étudiées les ressources des trois derniers mois, et donc s’opposer au versement immédiat du RSA, dans un seul cas : quand l’absence de ressource résulte d’une démission.

Le « droit commun » s’applique pour ces personnels suspendus, selon le ministère de la Santé

Après le courrier des présidents de départements fin octobre, le ministère de la Santé avait indiqué à l’AFP que « le droit commun s’appliquait » et qu' « une personne qui est sans ressource doit pouvoir bénéficier de la solidarité nationale, d’un soutien comme le RSA ou un autre minima social ». Il avait démenti avoir mis en place un « dispositif nouveau » pour les personnels suspendus.

Dans un communiqué du 2 décembre, l’ADF avait rappelé de son côté que le RSA était une allocation liée à des objectifs d’insertion par l’emploi. « Elle ne saurait être assimilée à un revenu socle versé sans aucune contrepartie en raison de la volonté individuelle de ne pas se conformer aux obligations sanitaires édictées par l’État », avait souligné l’association. Les obligations en matière d’insertion professionnelle, comme l’obligation de recherche d’activité, ne constituent que des conditions dans le maintien des droits, et non l’attribution.

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