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Le sénateur Claude Raynal réclame des explications sur le Fonds Marianne : « Il ne peut pas y avoir de non-réponse »
Par Romain David
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Il demande des comptes au gouvernement. Le président de la commission des Finances du Sénat, le socialiste Claude Raynal, a écrit vendredi au ministère de l’Intérieur, réclamant une série de documents concernant le fonctionnement du Fonds Marianne et l’utilisation des sommes allouées. Une demande qui fait suite à différentes révélations sur le pilotage de ce portefeuille destiné à financer des dispositifs de lutte contre le séparatisme.
Ce lundi, l’élu de la Haute-Garonne n’avait pas encore reçu de réponse de la part de l’exécutif. Son courrier réclame un retour d’ici le mercredi 19 avril prochain à 18 heures. « Il est d’usage de laisser trois jours ouvrés au gouvernement pour répondre. S’ils nous font savoir qu’ils ont des difficultés ou qu’ils manquent de temps pour réunir les documents réclamés, nous pourrons éventuellement attendre jusqu’à la fin de la semaine », précise Claude Raynal à Public Sénat. « C’est une demande de droit. Un président de commission et un rapporteur peuvent exiger tout document ayant trait à l’utilisation des deniers publics. Il ne peut pas y avoir de non-réponse », souligne le sénateur, qui indique également que ce genre de demande est tout à fait « habituelle ». « Nous avions demandé à Bruno Le Maire le rapport confidentiel sur la surrentabilité des concessions autoroutières, et nous l’avons eu », rappelle l’élu.
« Nous avons toujours la possibilité de nous rendre sur place »
Le président de la commission des finances nous explique avoir formulé quatre demandes. Il souhaite dans un premier temps connaître les critères de sélection des 47 dossiers qui ont été jugés recevables à la suite d’un appel d’offres lancé début 2021 par le Fonds Marianne, 17 ayant finalement été retenus par un comité de sélection pour recevoir une subvention. Il veut connaître le montant de ces subventions et réclame des informations sur le fonctionnement du comité de sélection. Enfin, Claude Raynal interroge l’exécutif sur une éventuelle action de suivi et de contrôle de la manière dont les sommes allouées ont été dépensées. « Si le ministère tarde à nous répondre, nous avons toujours la possibilité de nous rendre sur place, pour consulter directement les pièces », avertit Claude Raynal.
Un fonds de 2,5 millions d’euros
En avril 2021, six mois après la mort de Samuel Paty, un professeur d’histoire-géographie assassiné pour avoir montré en cours des caricatures de Mahomet, Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté, annonce la création d’un fonds destiné à financer des actions contre le séparatisme. À la même période, le Parlement vient d’adopter le projet de loi « confortant le respect des principes de la République ». « Je lance un fonds qui s’appellera le Fonds Marianne pour la République, qui est un fonds qui vise à financer des personnes et des associations qui vont porter des discours pour promouvoir les valeurs de la République et pour lutter contre les discours séparatistes, notamment sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne », explique Marlène Schiappa au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV et RMC.
Le fonds est doté d’une enveloppe de 2,5 millions d’euros. Un appel à projets est lancé le 20 avril. « Cet appel à projets a pour but de soutenir des actions en ligne, à portée nationale, destinées aux jeunes de 12 à 25 ans exposés aux idéologies séparatistes qui fracturent la cohésion nationale et abîment la citoyenneté. Cet appel à projets s’adresse aux structures constituées de professionnels et/ou de bénévoles, de type associatif ou non », détaille le communiqué publié à l’époque par le gouvernement. Il définit deux objectifs : proposer une « riposte à la propagande séparatiste ainsi qu’aux discours complotistes en ligne », et défendre les valeurs républicaines, notamment « de liberté, de conscience et d’expression, d’égalité et de laïcité ».
Une suspicion de fraude
Ces dernières semaines, des enquêtes de France 2, de l’hebdomadaire Marianne et du site Mediapart ont pointé la gestion opaque des sommes du Fonds Marianne. Elles auraient été essentiellement captées par quatre associations. Le principal bénéficiaire en serait l’« Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire » (USEPPM), à hauteur de 355 000 euros. L’argent alloué aurait été utilisé pour lancer un site internet et diffuser des contenus sur les réseaux sociaux, avec de faibles résultats d’audience selon France 2, mais également pour rémunérer deux responsables de la structure, en contradiction avec les statuts de l’association.
Selon Mediapart, une autre association, « Reconstruire le commun », bénéficiaire du Fonds Marianne pour 300 000 euros, aurait été créé seulement 13 jours après la mort de Samuel Paty. Surtout, entre janvier et août 2022, elle aurait publié sur Youtube une cinquantaine de vidéos à l’encontre d’opposants à Emmanuel Macron. Parmi les personnalités ciblées : la maire socialiste de Paris, et ancienne candidate à la présidentielle Anne Hidalgo, ainsi que Mathilde Panot, cheffe de file des députés insoumis. Les deux ont annoncé sur Twitter avoir saisi la justice.
« Mon problème en tant que président de la commission des finances est qu’il y a une suspicion de fraude. Je ne remets pas en doute la valeur des enquêtes journalistiques sur cette affaire, mais il me revient d’aller chercher les informations et de les vérifier, cela s’inscrit dans le cadre de la mission de contrôle des parlementaires. En attendant d’en savoir plus, je ne vais pas au-delà », poursuit Claude Raynal. « Qu’elle soit satisfaisante ou non, je ferai état de la réponse du ministère au président Gérard Larcher, et lui indiquerais si des éléments me paraissent suffisamment constitutifs d’une infraction. Ce sera à lui de décider des suites que le Sénat entend donner à cette affaire », ajoute le sénateur.
Vers l’ouverture d’une enquête parlementaire
Plusieurs groupes politiques réclament l’ouverture d’une enquête parlementaire sur le Fond Marianne. À Assemblée nationale, les députés du Rassemblement national ont déposé jeudi 13 avril une demande de résolution en ce sens. Du côté du Sénat, ce sont les socialistes et les écologistes qui poussent pour l’ouverture d’une commission d’enquête. « La représentation nationale est en droit, c’est dans ses missions, de demander une commission d’enquête pour qu’on puisse comprendre ce qui s’est passé. Qu’on sache qui a fait quoi, qui a attribué les subventions et sur quels critères de sélection, comment sont utilisés les financements, quel mode de contrôle sur ce qui a été attribué », expliquait à Public Sénat Rachid Temal, sénateur PS du Val-d’Oise, le département où Samuel Paty a été assassiné. « Si le gouvernement est pleinement rassuré sur l’utilisation du Fonds Marianne, il n’y a pas de sujet. Mais on pense qu’on est plus proche du scandale d’État qu’autre chose, au regard de tous les éléments que nous avons », ajoute l’élu.
« En urgence, on a demandé l’audition de Marlène Schiappa. Cela nous paraissait la moindre des choses. Ensuite, c’est sûr, que vu la gravité des faits, une commission d’enquête paraît nécessaire », a également réagi, toujours auprès de Public Sénat, Guillaume Gontard, le chef de file des sénateurs écologistes.
Deux mécanismes permettent à la Chambre haute d’ouvrir une enquête parlementaire : le dépôt d’une proposition de résolution, qui est soumise au vote des élus. Ou bien par droit de tirage annuel. À gauche de l’hémicycle, les communistes, les écologistes et les socialistes ont déjà exercé leur droit de tirage, c’est donc la première option qui devrait être privilégiée, obligeant la gauche à aller glaner des soutiens du côté de la droite.
Le ministère se défend
Réagissant aux accusations de favoritisme à des fins politiques, le secrétariat d’État chargé de l’Économie sociale et solidaire et de la vie associative s’est défendu de toute irrégularité dans un communiqué publié le 7 avril. « Parmi toutes les candidatures reçues dans le cadre de l’appel à projets du Fonds Marianne, dix-sept ont été retenues par un comité de sélection, dont le choix s’est fait via l’administration à la manœuvre dans le respect de toutes les procédures. Affirmer à tort qu’il s’agissait d’une décision ad hominem de Marlène Schiappa est totalement faux et démenti par la procédure, tout comme il est totalement faux de prétendre qu’il s’agirait d’amis de la ministre. Ces allusions sont sans aucun fondement. »
Le communiqué précise toutefois qu’à la suite de contrôles exercés sur les 17 lauréats, « des mesures ont été prises vis-à-vis de la seule structure qui n’a pas donné satisfaction », via une saisie de l’inspection générale de l’administration et du Procureur de la République sur la base de l’article 40 du Code de procédure pénale. Rappelons que dans le cadre du respect de la séparation des pouvoirs, le Parlement ne peut pas enquêter « sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ».
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