Le Sénat retire l’objectif de 20% de produits bio dans les cantines

Le Sénat retire l’objectif de 20% de produits bio dans les cantines

Lors de l’examen du texte agriculture et alimentation en commission des Affaires économiques, les sénateurs ont retiré l’objectif de 20% de produits issus de l’agriculture biologique dans les repas de la restauration collective publique. Une mesure nécessaire pour préserver en toutes circonstances, selon eux, un objectif d'approvisionnement local.
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Il s’agit de l’une des mesures les plus marquantes du projet de loi sur les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, que les députés ont adopté le 30 mai dernier. Le projet de loi, traduction des États généraux de l’alimentation qui s’étaient tenus en 2017 et d’un engagement de campagne, prévoyait d’imposer un minimum de 50% de produits de qualité, labellisés, et issus de filières locales ou durables dans les repas servis en restauration collective publique au plus tard le 1er janvier 2022.

À l’intérieur de cet objectif censé promouvoir « l’accès à une alimentation saine » était niché un deuxième but à atteindre : celui d’un minimum de 20% de produits issus de l’agriculture biologique. Actuellement, si 75% des cantines des établissements scolaires servent du bio dans leurs assiettes, ces produits ne représentent que 4% du volume de leurs achats (selon les dernières données de l’Agence Bio).

« Faire venir du bio qui a fait 1.000 km, ça n’a pas de sens », considère le sénateur LR Daniel Gremillet

L’article 11, l’un des 18 articles réécrits en commission des Affaires économiques, conserve le seuil de 50% de produits de qualité et labellisés, mais ne comporte plus l’objectif sur le bio, à ce stade de la discussion du texte. Conséquence de l’adoption d’un amendement, cosigné par 30 sénateurs du groupe Les Républicains. Le sénateur LR des Vosges, Daniel Gremillet, qui a porté l’amendement, estime que ce pourcentage de 20% pourrait se heurter aux capacités de production et même se révéler contre-productif par rapport aux autres objectifs du projet de loi, comme le soutien aux productions locales.

« Il ne s’agirait pas que localement, parce qu’on met ce seuil de 20%, on soit obligé d’importer du bio issu d’autres pays de l’Union européenne […] Si on fait venir du bio qui a fait 1000 kilomètres parce qu’il faut respecter les 20%, ça n’a pas de sens », explique l’ancien président de la Chambre d’agriculture des Vosges.

« Ne pas opposer les produits locaux entre eux »

« L’idée, c’est de ne pas opposer sur un territoire les produits locaux entre eux », poursuit-il. « Ce qui est important, c’est que, grâce à ce texte, l’assiette de nos enfants et des restaurations collectives réponde à des productions plus locales, alors qu’auparavant un grand nombre des produits venait de l’extérieur », résume Daniel Gremillet, en citant l’exemple de la viande.

« Si localement, vous avez des produits bio qui sont capables de fournir 50% du marché, rien n’interdit que l’on soit, non pas à 20, mais à 50% », fait remarquer le sénateur, pour qui aucune solution unique ne devrait être imposée aux territoires.

Agriculteur de profession, l’élu met aussi en avant la « responsabilité » vis-à-vis des familles. « Il faut qu’elles soient capables de payer la résultante de notre politique. On ne peut pas décider les choses depuis Paris et les mettre en situation de ne plus être en mesure de payer ces repas. »

Les arguments et le lien entre circuits courts et alimentation de qualité rappellent en tout cas les débats qui s’étaient tenus en 2016 au Sénat autour de la proposition de loi de la députée (EELV) Brigitte Alain, visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation.

L’écologiste Joël Labbé met en cause l’influence de la FNSEA dans le groupe LR

Joël Labbé, sénateur écologiste siégeant au groupe à majorité radicale RDSE, n’a toujours pas digéré cette journée et demie de discussion en commission. « Je suis dépité, limite en colère. On retombe dans les mêmes logiques que dans la loi Brigitte Alain. Ils sont restés sur les mêmes postures, ce sont des arguments qui ne tiennent pas. »

Sur Twitter, la Coordination Agrobiologique des Pays de la Loire fustige elle aussi « l’argument fallacieux » sur le risque des importations. « Le problème réside dans la logistique, le prix et l’engagement des collectivités », estime ce réseau régional.

Le sénateur du Morbihan ne décolère pas et accuse les « Républicains d’être sous l’influence de la FNSEA ». « Les têtes pensantes de l’agriculture chez les Républicains ont une influence énorme sur le groupe. Il y a une discipline de groupe qui me gêne », déplore-t-il.

Sur la question du seuil de 20% de produits bio, comme sur d’autres « amendements marqueurs », l’écologiste veut imposer des scrutins publics lors des débats en séance du 26 au 28 juin. Ces derniers ont pour particularité de détailler les votes, sénateur par sénateur. « Que chacun puisse s’exprimer en son âme et conscience et puisse assumer son vote », espère Joël Labbé, qui militera mardi, en réunion hebdomadaire, pour que son groupe en fasse la demande. « Je ne sais même pas si mon groupe l’acceptera, ce sera peut-être un autre groupe ».

La rapporteure centriste du texte sur une autre ligne

À gauche, les sénateurs socialistes de la commission proposaient même d’inscrire dans la loi un objectif encore plus ambitieux : celui d’un minimum de 30% de produits bio au plus tard au 1er janvier 2024.

L’article 11 semble même faire débat au sein même de la majorité sénatoriale de la droite et du centre. La rapporteure Anne-Catherine Loisier (Union centriste) avait tenté de fixer l’objectif de 20% de bio uniquement dans le texte, alors que le projet de loi sorti de l’Assemblée nationale laissait ce point à un décret gouvernemental.

Les débats sur l’article 11 s’annoncent passionnés.

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