Le Sénat débutait, hier, l’examen du projet de loi « Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme », censé renforcer le droit commun pour assurer une sortie de l’État d’urgence au 1er novembre prochain. Porté par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, le texte provoque la colère des défenseurs des libertés qui y voient une « banalisation de l’État d’urgence. » Parmi les nouvelles mesures : les assignations à résidence, la mise en place de périmètres de sécurité ou encore les perquisitions administratives, pudiquement rebaptisées « visites et saisies. » Des mesures permises par l’état d’urgence qui seront désormais instaurées dans le droit commun avec quelques garde-fous supplémentaires. Par exemple, les assignations à résidence seront étendues à la commune et les « visites » ne seront possibles qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention. Pas de quoi rassurer les opposants. « En réalité, ce nouvel ‘état permanent’ du droit n’offre pas plus de garanties mais ne pourra plus être justifié par le caractère exceptionnel et temporaire » critiquait le Défenseur des droits, Jacques Toubon, dans le Monde du 23 juin dernier.
Depuis, la commission des lois du Sénat s’est attelée à « rééquilibrer » le texte, comme l’explique le rapporteur du projet de loi, l’ancien ministre de la Justice, l’UDI Michel Mercier qui rappelle « que le Sénat est aussi attaché au respect des libertés publiques. » La semaine dernière, les sénateurs ont donc en partie remanié le texte pour accroître le pouvoir du juge judiciaire mais aussi pour donner plus de cohérence à certaines mesures. Le projet de loi souhaitait ainsi que les assignés à résidence pointent tous les jours au commissariat. La commission préfère trois fois par semaine, comme c’est le cas des djihadistes français, de retour sur le territoire national. De la même façon, le texte impose aux suspects de transmettre les identifiants (mais pas les mots de passe) qu’ils utilisent en ligne. La commission a supprimé cet article. Sur ces deux points, le gouvernement a bien tenté de rétablir son texte mais ses amendements ont été retoqués lors d’une nouvelle réunion de la commission des lois, ce mardi matin.
En revanche, l’exécutif n’est pas revenu sur l’apport majeur du Sénat : l’instauration d’une « clause d’autodestruction » sur les trois mesures emblématiques. Ainsi, l’assignation à un périmètre géographique (en l’occurrence la commune), les dispositions individuelles de surveillance (le bracelet électronique) et les « visites » (perquisitions administratives) ne seront que des mesures expérimentales, autorisées jusqu’au 31 décembre 2021. Un rapport parlementaire annuel évaluera l’efficacité de ces mesures et surtout sur leur utilité. « S’il s’avère que ces mesures sont inutiles, le Parlement n’aura pas à les reconduire » souligne le président de la commission, Philippe Bas, dans un communiqué.
Le Sénat vote une "clause d'autodestruction" pour la loi Terrorisme
C’est d’ailleurs le pari des sénateurs. « Ce projet de loi, ce sont avant tout des mesures d’affichage » analyse un membre de la commission, sous couvert d'anonymat. « Elles seront très peu utilisées. » En l’occurrence, les mesures permises par l’état d’urgence « étaient rarement utilisées » souligne-t-il. En février dernier, l’ex-président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Dominique Raimbourg (PS), soulignait au Monde que « l’activité judiciaire classique a désormais pris le pas sur ces mesures, grâce à une plus grande efficacité des procédures et une meilleure coopération des services qui permettent de judiciariser plus rapidement des dossiers. » Pour les sénateurs, cette constatation devrait suffire à rendre la nouvelle loi inutile d’ici 4 ans, façon pour eux de rétablir à terme ces libertés publiques.
Philippe Bas évoque le rôle du Sénat dans l'examen du projet de loi sur le terrorisme
Cette nuit, en séance publique, l'ensemble de la droite sénatoriale LR et centriste, majoritaire, mais aussi les sénateurs En Marche et ceux du RDSE, à majorité PRG, soit 229 élus, ont voté en première lecture pour ce texte qui sera débattu en octobre à l'Assemblée nationale. En revanche 106 ont voté contre: les socialistes, les communistes et deux anciennes membres du groupe écologiste désormais disparu, Aline Archimbaud et Esther Benbassa.