Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Le gouvernement a-t-il augmenté les taxes sur l’essence pendant le quinquennat ?
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Alors que les prix des carburants explosent, la question de la fiscalité sur les produits pétroliers revient au-devant de la scène, et notamment de la campagne présidentielle. Alors que Jean Castex a annoncé une remise de 15 centimes le litre pendant 4 mois à partir du 1er avril, certains candidats proposent de réduire les taxes sur les carburants pour faire baisser le prix à la pompe. Mais quelle est la part de responsabilité de la fiscalité dans l’augmentation actuelle des prix à la pompe ? Le gouvernement a-t-il participé à cette explosion des prix en augmentant les taxes ?
La TICPE, la TVA… et la TVA sur la TICPE : quelle part dans les prix à la pompe ?
La majeure partie de la fiscalité sur les carburants provient de la TICPE, une taxe sur les divers produits pétroliers (fioul, essence, gazole), qui les impacte proportionnellement au volume, et pas au prix. Concrètement, la TICPE est fixée tous les ans dans le budget de l’Etat à X centimes par litre ou kg pour chaque type de produit pétrolier, et la valeur de cette taxe est répercutée sur les prix à la pompe. Aujourd’hui, elle est d’environ 69 centimes le litre sur l’essence (SP95) et de 61 centimes sur le gazole. Les recettes de l’Etat liées à la TICPE n’augmentent donc pas avec les variations de prix, elles sont fixées chaque année et dépendent seulement du volume de produits pétroliers consommés. Que le litre soit à 1 ou à 2 euros, l’Etat récupérera de toute façon environ 69 centimes par litre d’essence acheté en France. La hausse actuelle des prix à la pompe n’a donc pas fait augmenter le produit de la TICPE, au contraire, l’effet désincitatif des prix pourrait faire baisser la consommation, et donc les recettes dues à la TICPE.
À la TICPE s’ajoute la TVA sur les produits pétroliers, qui est au taux « normal » de 20 %. En l’occurrence, le produit de la TVA augmente bien avec les prix à la pompe, puisque le taux est proportionnel. Sur un litre d’essence à 2 euros le litre, la TVA atteint environ 20 centimes le litre, alors qu’avec un litre à 1,5 euro, les recettes de TVA pour l’Etat s’élèvent seulement à 15 centimes le litre. Ainsi, la TVA s’applique aussi à la part de TICPE comprise dans le prix de l’essence et une partie de la TVA récupérée par l’Etat sur les produits pétroliers est donc une taxe sur une taxe. À titre d’exemple, sur du SP95 à 1,97 euro le litre, la part de TVA sur la TICPE – la taxe sur la taxe – est d’environ 14 centimes (20 % des 69 centimes de TICPE).
Le gouvernement a augmenté la TICPE en 2017, mais a gelé cette augmentation en 2018 face au mouvement des Gilets Jaunes
La TICPE représente donc une recette importante pour l’Etat, estimée à 18,4 milliards d’euros dans le budget 2022, ce qui en fait la 4ème source de recette pour l’Etat loin derrière la TVA (97,5 milliards d’euros), l’impôt sur le revenu (82 milliards d’euros) et l’impôt sur les sociétés (39,5 milliards d’euros). Mais en plus de ces 18,4 milliards, une part de la TICPE est affectée aux collectivités locales, soit environ 11,1 milliards d’euros dans le budget 2022. Les recettes liées à la TICPE sont bien en hausse par rapport à 2021 (17,5 milliards), mais surtout 2020 (6,9 milliards). Pourtant cette hausse n’est pas due à une augmentation de la TICPE par l’Etat, simplement les mesures de confinement et de restrictions de l’activité économique liées à la crise sanitaire ont drastiquement fait baisser le volume d’essence consommé, et donc les recettes liées à la TICPE. C’est donc la reprise économique qui a en quelque sorte fait reprendre leur niveau « normal » aux recettes de TICPE, à mesure que les volumes de produits pétroliers consommés revenaient, eux-aussi, à la normale.
En revanche, le gouvernement avait bien augmenté la TICPE lors du PLF 2018, premier budget du mandat d’Emmanuel Macron, qui prévoyait une montée en charge progressive de la TICPE sur le quinquennat (+ 12,73 centimes sur l’essence et + 25,16 centimes sur le gazole entre 2017 et 2022). Cette augmentation progressive avait été gelée l’année suivante face à la crise des Gilets Jaunes. Le Sénat – du LR Jean-François Husson à l’écologiste Ronan Dantec – avait d’ailleurs alerté l’exécutif dès 2017 sur les tensions sociales que pourrait provoquer une telle hausse. Finalement, une seule année d’augmentation de la TICPE a donc eu lieu, avec des augmentations qui varient selon les carburants et les régions (régimes particuliers pour la Corse, moins taxé, et l’Île-de-France, plus taxée) entre environ + 4 centimes sur l’essence et + 7 centimes sur le gazole.
La part des taxes dans les prix à la pompe est même en train de diminuer
Mais depuis cette augmentation stoppée nette par le mouvement des Gilets Jaunes, la part de la fiscalité dans les prix des carburants a même récemment eu tendance à diminuer à mesure que le prix du baril augmentait. La TICPE étant fixée à un nombre de centimes déterminé, sa part dans des prix à la pompe diminue mécaniquement à mesure que les cours du pétrole augmentent. L’explosion récente des prix à la pompe n’est donc pas liée à une augmentation des taxes – qui sont fixes entre 60 et 70 centimes le litre – mais bien d’abord à la reprise économique, et ensuite à la guerre en Ukraine.
La TVA augmente bien, elle, proportionnellement aux prix à la pompe, puisqu’elle est fixée à 20 % du prix de vente, mais le gouvernement n’en a jamais changé le taux et la TICPE représente la majeure partie de la fiscalité sur les carburants. Ainsi, les taxes représentaient un peu plus de 60 % du prix à la pompe en 2017, pour 45-50 % aujourd’hui selon les carburants et les majorations régionales. Si l’on peut imputer la hausse de janvier 2018 à la politique du gouvernement, les variations des prix à la pompe sont depuis liées à des évènements internationaux, tant à la baisse pendant la crise sanitaire qu’à la hausse depuis la reprise économique et la guerre en Ukraine.