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Le garde des Sceaux, patron du parquet? Oui… et non
Par Public Sénat
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Le garde des Sceaux sortant François Bayrou a souvent dit, y compris mercredi lors de sa conférence de presse consacrée à son départ du gouvernement, que les procureurs n'étaient pas "sous ses ordres." Ce n'est pas si simple.
En s'exprimant mercredi alors que son parti, le MoDem, est visé par une enquête judiciaire, François Bayrou a évoqué "les magistrats du parquet dont on prétend à tort qu'ils sont sous (les) ordres" du ministre de la Justice.
Hasard du calendrier, quelques heures auparavant, l'Union syndicale des magistrats a contesté devant le Conseil d'Etat la tutelle du ministre de la Justice sur les procureurs. Et s'est heurtée à la résistance d'une représentante de la Chancellerie, qui a évoqué une "tradition républicaine".
Une ordonnance du 22 décembre 1958 prévoit que les "magistrats du parquet sont placés sous l'autorité du garde des Sceaux."
Cette spécificité du parquet à la française est critiquée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui estime depuis 2010 que les procureurs ne sont pas une autorité judiciaire indépendante.
Ces dernières années, le lien entre les parquets et la Chancellerie s'est toutefois distendu.
Dans les textes d'abord: une loi de 2013, portée par la ministre de la Justice d'alors Christiane Taubira, a interdit à la Chancellerie de donner des "instructions individuelles" pour éviter toute ingérence politique dans des dossiers particuliers.
Le garde des Sceaux continue toutefois à donner des consignes générales, conformément à l'article 30 du code de procédure pénale. Dans sa circulaire de politique pénale du 2 juin 2016, l'ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas avait par exemple mis un accent particulier, entre autres priorités, sur la répression des violences intrafamiliales.
Le ministre est par ailleurs destinataire de "remontées d'informations" depuis les parquets généraux.
Pour les nominations de procureur, il y a lieu de distinguer les textes et la pratique.
La France fait une distinction entre les magistrats du parquet ou "ministère public", qui poursuivent; et ceux du "siège", qui jugent.
Le gouvernement est tenu de suivre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), composé de magistrats et de personnalités extérieures, pour nommer des juges. Il peut au contraire passer outre pour nommer des procureurs.
En 2007 par exemple, dix procureurs avaient été nommés contre l'avis du CSM.
Mais depuis huit ans, dans les faits, l'exécutif suit généralement l'avis du CSM pour les parquetiers. Avant de quitter la Chancellerie, François Bayrou avait promis de verrouiller une bonne fois pour toutes cette pratique, ce qui implique de réviser la Constitution.