Le droit du travail à l’épreuve de la crise

Le droit du travail à l’épreuve de la crise

Temps de travail, chômage partiel, jours de congés payés, face à la crise sanitaire due au Covid 19, le gouvernement légifère par ordonnance pour modifier le droit du travail. Les partenaires sociaux veillent à ce que ces mesures restent exceptionnelles, une préoccupation au centre des discussions avec l’exécutif vendredi dernier lors d’une réunion en visioconférence.
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Par Flora Sauvage

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A l’image des premiers mois du quinquennat, le gouvernement réécrit le code du travail en recourant à des ordonnances. Objectif : limiter l’impact de la crise sanitaire en favorisant l’activité dans les secteurs dits « essentiels ».

Durée du travail

Pour les secteurs « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale » dont la liste doit être précisée par décret dans les prochains jours, la durée quotidienne du travail peut être portée à 12 heures, de jour comme de nuit. La durée du repos quotidien peut être réduite à 9 heures (contre 11 actuellement). Quant à la durée hebdomadaire du travail, elle peut être portée à 60 heures dans le cas général, 48 heures pour les exploitations agricoles et 44 heures pour les travailleurs de nuit. Hors période de confinement, la durée de travail effectif hebdomadaire ne doit pas dépasser 48 heures sur une même semaine et 44 heures par semaine en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives.

Mesures dérogatoires

Ces mesures dérogatoires sont valables jusqu’au 31 décembre 2020. Et c’est bien cette date que critiquent les organisations syndicales. Elles l’ont fait savoir à la ministre du travail Muriel Pénicaud. « Nous avons été extrêmement surpris par cette date, ce n’est pas du tout ce qui avait été annoncé par la ministre initialement », explique Cyril Chabanier de la CFTC. Depuis la publication le 26 mars des ordonnances au Journal officiel et en attendant les décrets d’application, les partenaires sociaux craignent que ces mesures « donnent des mauvaises idées à certains chefs d’entreprise », affirme Cyril Chabanier. « Ces dérogations au droit du travail doivent rester tout à fait exceptionnelles et provisoires », insiste le président de la CFTC. « Nous comprenons que dans certains domaines, pour la fabrication de masques par exemple où il y a actuellement une suractivité, il faille travailler jusqu’à 60h, mais dans d’autres domaines comme l’agroalimentaire ou le transport routier, travailler aussi longtemps peut entraîner un risque pour les salariés », explique Cyril Chabanier (CFTC).

Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, cherche à rassurer les syndicats. La date qui mettra fin aux dérogations au droit du travail sera précisée secteur par secteur dans les décrets d’application qui seront publiés dans les prochains jours. Pour Yves Veyrier, secrétaire général de Force Ouvrière, « cette date du 31 décembre a semé le doute sur le caractère sanitaire de l’urgence ».

Flexibiliser le travail

Selon FO, « la volonté de flexibiliser le travail n’est pas nouvelle, nous allons surveiller de près les décrets. Pour nous, ces ordonnances n’avaient pas lieu d’être, il suffisait de faire confiance au dialogue social dans les entreprises ». Autre critique émise par les syndicats, l’identification des secteurs dits essentiels. Une liste des secteurs stratégiques réclamée par Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT qui ne comprend pas pourquoi des salariés continuent à travailler dans certains secteurs comme l’aéronautique, « il n’y a pas besoin de fabriquer des bateaux, des avions, des voitures aujourd’hui », selon lui. Mais selon Sophie Primas, présidente (LR) de la commission des affaires économiques du Sénat, la sortie de crise va être très compliquée. Il faudra remettre notre économie sur les rails tout en mettant en place un plan de relance.

« Solidarité entre les Français »

« Construire des avions ne semble pas essentiel aujourd’hui mais on ne peut pas arrêter toute la production, sinon la reprise à la sortie du confinement va être extrêmement compliquée », explique Sophie Primas. Et pour la présidente de la commission des affaires économiques, la question « de la solidarité entre les Français se posera, ceux qui auront beaucoup travaillé pendant le confinement devront être relayés par ceux qui auront été au chômage partiel, ce qui explique que dans les prochains mois certaines mesures dérogatoires au droit du travail soient prolongées sur une période limitée ».

Une opinion partagée par Eric Chevée de la CPME : « J’ai dû fermer du jour au lendemain mon magasin d’ameublement, mais j’avais 2 mois de carnet de commande, à la reprise il va falloir que je livre très rapidement ce carnet de commande. Certains secteurs auront besoin de plus de facilités jusqu’à fin juillet, d’autres comme pour la production de masques devront pouvoir déroger au droit du travail plus longtemps, peut être jusqu’à fin décembre ».

Congés payés

Yves Veyrier (FO) se félicite toutefois d’avoir réussi à imposer que la prise de congés payés imposée par l’employeur soit liée à un accord d’entreprise ou de branche. L’ordonnance permet à un accord collectif de branche ou d’entreprise d’autoriser l’employeur à imposer la prise de congés payés ou à modifier les dates d’un congé déjà posé, dans la limite de six jours ouvrables, en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc. L’employeur pourra imposer le fractionnement des congés payés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié. Il pourra également imposer ou modifier sous préavis d’un jour franc les RTT, les jours acquis en forfait jour, et les jours déposés sur le compte épargne temps. Le nombre maximal de jours de repos que l’employeur peut supprimer ou imposer est de dix. Autant de dérogations au droit du travail qui ne nécessitaient pas de passer par des ordonnances selon FO, la CGT ou la CFTC. Pour les organisations syndicales, il fallait faire confiance au dialogue social dans les entreprises.

Sortie de crise

Enfin Sophie Primas s’inquiète des mesures liées au chômage partiel. 220 000 sociétés ont déjà déposé une demande. Un coût que la sénatrice LR des Yvelines estime à « 8 milliards d’euros par mois au minimum pour l’Etat ». Une somme importante pour les comptes publics au regard du plan de relance qui va devoir être mis en place. Les partenaires sociaux ont tous les yeux rivés sur la sortie de crise, il faudra une reconnaissance des métiers, selon Cyril Chabanier de la CFTC : « beaucoup des métiers en première ligne dans la crise comme les caissières, ou les éboueurs sont des métiers peu rémunérés ». Il faudra par ailleurs une nouvelle orientation économique selon Sophie Primas. Pour la présidente de la commission des affaires économiques, « il faudra revenir aux valeurs du gaullisme, et déterminer les secteurs stratégiques » pour que le pays soit prêt pour la prochaine crise sanitaire.

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