Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Le blasphème existe-t-il dans notre droit ?
Par Héléna Berkaoui
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« Laissez tout attaquer, à condition qu'on puisse tout défendre... Je dirai même : laissez tout attaquer afin qu'on puisse tout défendre ; car on ne peut défendre honorablement que ce qu'on peut attaquer librement », plaidait Georges Clemenceau, alors député de Montmartre, au sujet du délit de blasphéme lors de la discussion sur la loi de 1881 au Palais Bourbon. C’est dans cet esprit que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse a abrogé l'article 1er de la loi du 25 mars 1822 faisant délit de l'outrage aux religions reconnues par l'État « par voie de presse ou par tout autre moyen de publication ».
L’actualité récente, des attaques meurtrières visant la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo à l’assassinat d’un professeur qui avait montré des caricatures de Mahomet à ses élèves, constitue une remise en cause du droit au blasphème par des actes terroristes. Le droit au blasphème est, dans ces sinistres circonstances, revenu sur le devant du débat public. Mais de quoi parle-t-on ?
« Le blasphème n’est pas une notion juridique »
Selon la définition du dictionnaire Larousse, le blasphème se définit comme une parole ou un discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ou sacré. « Le terme blasphème, lui-même, est un terme religieux, c’est le ressenti de croyants. Le blasphème n’est pas une notion juridique », souligne Jean Baubérot, historien, sociologue et professeur émérite spécialiste de la sociologie des religions.
Annabelle Pena, constitutionnaliste, va, elle, un peu plus loin. Selon elle, le droit au blasphème est un non-sens au regard de l’article 1 de la Constitution qui affirme que la France est une République indivisible et laïque. « Parler de droit au blasphème revient à dire qu’on intègre cette notion dans le débat public. La question, en France, ne se pose parce que nous sommes dans un État laïc, nous n’avons pas de religion d’État », soutient la constitutionnaliste, spécialisée dans le domaine des droits fondamentaux.
La France est une République laïque et dans ce cadre le droit ignore effectivement le délit de blasphème, en revanche, il est amené à l’envisager sous l’angle de la liberté d’expression et des limites qui peuvent y être apportées. « Il est possible d’insulter une religion, des symboles religieux, en revanche, il n’est interdit d’insulter les adeptes d’une religion », résume Annabelle Pena.
Les limites de la liberté d’expression face à la liberté religieuse
Tout comme la liberté d’expression, la liberté de religion est une liberté fondamentale. « Ces droits ne sont pas absolus et le Juge peut les mettre en balance », souligne Clara Delmas, docteur en droit privé et spécialiste des questions relatives à l’appréhension du religieux par les tribunaux judiciaires. « Si le délit de blasphème a été supprimé en 1881, et en 2017 en Alsace et en Moselle, cela ne veut pas dire que le sentiment religieux ne bénéficie pas d’une protection juridique sous l’angle de la liberté religieuse », développe-t-elle.
Le droit français, encore une fois, ne connaît aucune répression du blasphème mais les infractions (diffamation, injure, provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence) à l’encontre des croyants peuvent, elles, être réprimées. C’est la loi Pleven qui, en 1972, amende la loi de 1881 en créant les délits d’injure, de diffamation et de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance à une race, une ethnie, une nation ou une religion.
À titre d’exemple, le polémiste Éric Zemmour a été condamné en septembre dernier pour injure et provocation à la haine après les propos qu’il a tenus à la Convention de la droite. Le tribunal a considéré que ces propos « constituent une exhortation, tantôt implicite tantôt explicite, à la discrimination et à la haine à l’égard de la communauté musulmane et à sa religion ». La juridiction a ainsi estimé que ces faits « outrepassaient les limites de la liberté d’expression puisqu’il s’agit de propos injurieux envers une communauté et sa religion ». Si le mot de blasphème n’est jamais employé par le Tribunal, on voit bien ici l’équilibre choisi pour à la fois préserver la liberté d’expression et la liberté religieuse.