Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
La gauche retrouve le chemin de l’unité sur les retraites… sans Mélenchon
Par Public Sénat
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Dans le face à face entre syndicats et gouvernement sur les retraites, on l’oublierait presque. C’est la gauche. Les stigmates de la présidentielle sont encore présents, mais elle est pourtant là. Mieux, grâce à la réforme des retraites, elle retrouve le chemin de l’unité. Un meeting commun contre la réforme le 11 décembre, à Saint-Denis, a rassemblé une affiche peu commune : PCF, PS, LFI, EELV, GRS, Génération.s et même NPA avec Olivier Besancenot, sur la même estrade (voir la photo). Impensable, il n’y a pas si longtemps.
Maintenant, on parle même de contre-projet sur la réforme des retraites. En réalité, on n’y est pas encore tout à fait. Mais ils veulent y croire. « Il y a un intergroupe parlementaire avec des députés et des sénateurs de l’ensemble des groupes de gauche qui y travaille. Car la retraite, c’est un combat commun » s’enthousiasme ce jeudi 19 décembre Stéphane Troussel, président PS du département de Seine-Saint-Denis, invité de la matinale de Public Sénat. Regardez :
« Edouard Philippe a réussi à nous rassembler »
Mercredi, à l’initiative de Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste et député du Nord, (presque) toute la gauche s’est ainsi réunie à l’Assemblée pour plancher sur les retraites. « On est dans une démarche de construction d’une opposition qui fait des propositions » explique Patrick Kanner, patron des sénateurs PS, présent à la réunion, comme Olivier Faure, numéro 1 du PS. « C’est une démarche qui montre qu’il y a dans le pays une alternative à gauche possible. Et notre objectif commun, c’est le retrait de la réforme » ajoute Éliane Assassi, présidente du groupe communiste du Sénat, présente aussi autour de la table, tout comme la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann pour la GRS (Gauche républicaine et socialiste) et la sénatrice Sophie Taillé-Polian, membre de Génération.s. « La retraite à points du gouvernement, c’est pour maquiller un changement de calcul pour la retraite pour passer des 25 meilleures années à la carrière complète » dénonce cette dernière.
Ce n’est pas la première fois, depuis l’élection d’Emmanuel Macron, que les gauches se souviennent qu’elles peuvent avoir des combats communs. La privatisation d’Aéroport de Paris leur a permis déjà, via la demande de référendum d’initiative partagée, de jouer la même partition. Rebelote sur les retraites. « Edouard Philippe a réussi à nous rassembler, à la fois pour contester son projet et imaginer dès maintenant une réforme juste, équitable, durable » raille Fabien Roussel.
« On peut avoir un certain nombre de divergences mais on a aussi beaucoup de convergences »
En réalité, le tableau n’est pas si rose – ou rouge, ou vert, c’est selon. Car les formations ne sont pas exactement sur la même ligne, encore. L’union est un combat de longue haleine. Rien ne dit qu’il y aura une seule proposition à la sortie. « Avoir un contre-projet est l’hypothèse… ou plusieurs contre-projets, si nous ne nous mettons pas d’accord. On aura peut-être des conclusions différentes les uns les autres » explique Patrick Kanner.
Surtout que Valérie Rabault, son homologue de l’Assemblée, s’est prononcée dans Libération en faveur du principe de la retraite par points. Histoire d’être clair, le président du groupe PS du Sénat ajoute :
On n’est pas en train de refaire le programme commun et l’union de la gauche. Mais sur les réformes sociales du gouvernement, on doit être capable de se parler et faire des propositions communes
« On peut avoir un certain nombre de divergences mais on a aussi beaucoup de convergences » tempère Sophie Taillé-Polian.
« On a réussi à mettre le PS à 6%, on ne va pas s’allier sur un compromis boiteux »
Mais pour compliquer cette tentative de rassemblement, il manquait hier une composante de poids, au sein de la gauche : La France Insoumise. LFI était certes présente pour le meeting de Saint-Denis. Mais pour la suite, ce sera sans la formation de Jean-Luc Mélenchon, qui fait bande à part. Le leader de LFI tenait d’ailleurs meeting à Paris mercredi soir.
« On a refusé d’aller à l’intergroupe » assume Eric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis. « On est venu à Saint-Denis car c’était un meeting de mobilisation, il y avait les syndicats et tout le spectre, le NPA et d’autres » explique-t-il. Leur prise de distance aujourd’hui, « ce n’est pas par plaisir de se distancier » assure le député, « mais on n’est pas d’accord avec l’idée de préparer dans la foulée un débouché politique en faisant l’union de la gauche revisitée, et l’économie de ce qui nous sépare depuis des années du PS, comme si on avait le même projet de société ». Eric Coquerel n’oublie pas que « le PS a fait en réalité une politique libérale avec Hollande, qui a débouché sur Macron ». S’il reconnaît qu’« un parti seul ne peut l’emporter à gauche », il ferme clairement la porte :
L’avenir de la gauche ne passe pas uniquement par un retour des cartels des gauches et la reconstitution de ligue dissoute, alors que les questions de fond sont toujours posées
« Jean-Luc Mélenchon était seul hier soir quand l’ensemble des autres formations de gauche, y compris des représentants de LFI, choisissaient d’être ensemble en meeting à Beauvais » répond Stéphane Troussel. Le socialiste évoque le meeting contre la réforme des retraites, autour de la candidate de la gauche aux municipales dans la préfecture de l’Oise, Roxane Lundy (ex-présidente du MJS, membre de Génération.s). « On avance mais on tend la main à LFI » répond, plus magnanime, Sophie Taillé-Polian.
Reste que pour Eric Coquerel, le PS ne sera véritablement fréquentable que « s’il est capable d’avoir un véritable aggiornamento mais pour le coup radical ». Le député LFI ajoute : « On a réussi à le mettre à 6%, on ne va pas s’allier sur un compromis boiteux, ou lui redonner un rôle majeur qu’il n’a plus ». Pour l’union de toute la gauche, c’est pas gagné…
« On ne va pas tout régler en 15 jours. Il y a un passif quand même, mais c’est déjà un énorme pas »
Les autres formations comptent bien avancer, avec ou sans LFI. Une boucle de mails a été mise en place et tout le monade doit se revoir après les fêtes de fin d’année. « L’objectif est de sortir des propositions communes dans le courant du mois de janvier » précise Sophie Taillé-Polian. « Il faut montrer qu’une alternative sur les retraites est possible, et peut-être au-delà… » glisse cette ancienne socialiste.
La sénatrice du Val-de-Marne semble vouloir y croire : « On a travaillé ensemble sur ADP. C’est très bien. On travaille maintenant sur les retraites, très bien. On est prêts, à Génération.s, à travailler ensemble sur tous les sujets ». « On ne va pas tout régler en 15 jours. Il y a un passif quand même », rappelle la communiste Eliane Assassi, « mais c’est déjà un énorme pas ».