L’ombre de François Hollande plane sur la campagne d’Anne Hidalgo
Ce week end, François Hollande a semé le doute autour d’un possible retour en politique face aux difficultés actuelles de son camp, par une phrase pour le moins ambiguë dont il a le secret. En s’exprimant ainsi, le Président de la République ne facilite pas la campagne d’Anne Hidalgo, candidate pourtant investie par son parti.
« Pour l’instant je ne suis pas candidat, mais comme ça ne va pas bien … » Une petite phrase qui aurait pu passer inaperçue, mais dans la bouche d’un ancien Président de la République, dont le parti a déjà désigné sa candidate, la sortie a de quoi interroger. Dans un reportage de France 3, François Hollande fait du Hollande en employant une formule très alambiquée autour d’une potentielle candidature : « On pourrait se dire ‘est-ce qu’une candidature de plus serait utile ?’ Je ne pense pas d’ailleurs. Je défends les mêmes idées qu’avant et un ancien Président peut très bien refaire de la politique et être candidat à l’élection présidentielle. Je vais prendre la parole bientôt. » En résumé : « La campagne n’avance pas, mais ce n’est pas une bonne idée, mais en même temps c’est déjà arrivé. » L’ancien Président de la République devrait prendre la parole courant février en se montrant plus clair, mais au-delà d’une candidature potentielle – qui paraît peu probable – c’est tout de même un sacré coup porté à la campagne d’Anne Hidalgo, qui n’avait pas forcément besoin de ça.
« La nuque raide » d’Anne Hidalgo
Les sénatrices et sénateurs du groupe socialiste ne semblent pas rancuniers, ou en tous cas ne souhaitent pas tacler l’ancien Président de la République. Rémi Cardon, porte-parole d’Anne Hidalgo, met cette sortie sur le compte de la sagacité si particulière de François Hollande : « Pas d’inquiétude, on sait très bien que notre cher ancien Président a beaucoup d’humour, il faut relativiser. » Rémi Cardon a le compliment facile aujourd’hui, et surtout plein d’euphémismes, parce que la prise de parole de François Hollande n’est pas un cadeau pour l’état-major socialiste. Au groupe parlementaire du Sénat, on rit jaune des mauvais tours que joue François Hollande à la campagne d’Anne Hidalgo : « Il nous fait une Royal, on comprend pourquoi ils se sont aimés », lâche même un conseiller. D’ailleurs, sur le fond, même Rémi Cardon reste circonspect : « Je ne sais pas ce qu’il va dire donc j’avoue que je ne peux pas déterminer si ce sera bien ou mal. Il définit un rendez-vous sur une prise de parole, attendons-la. » En attendant, donc, Anne Hidalgo et son équipe « continuent la campagne, comme le dit Anne Hidalgo, ‘la nuque raide’. »
Il nous fait une Royal, on comprend pourquoi ils se sont aimés.
L’expression a beau venir de François Mitterrand, elle revêt une tonalité un peu funeste dans le contexte actuel. La nuque est raide pour encaisser les coups, certes, mais aussi pour passer sur le billot. « Tout le monde voit bien que nous avons des difficultés, les sondages sont ce qu’ils sont » concède ainsi le sénateur Jean-Pierre Sueur (PS). Pour autant, le sénateur du Loiret ne désespère pas : « Anne Hidalgo a dit qu’elle était déterminée et qu’elle irait jusqu’au bout. Il ne faut pas être intoxiqué par les sondages. Les élections sont toujours un moment important et qui maturent dans l’esprit des gens. Je ne pense pas que la plupart des Français soient obsédés par l’élection présidentielle. Rien n’est joué pour le moment, il faut garder confiance. »
« Sa parole est forte »
La « nuque raide » pour regarder droit devant, en somme. Mais il y en a un dont le regard biaise peut-être un peu. Après sa sortie énigmatique de ce week-end, François Hollande se retrouve ce mercredi dans le Canard enchaîné, qui annonce que l’ancien Président de la République voudrait se présenter aux législatives en Corrèze. Ce n’est peut-être pas exactement ce qu’on avait en tête quand il rappelait qu’un « ancien Président peut refaire de la politique. » Et en l’occurrence, c’est en effet « déjà arrivé » puisque Valéry Giscard d’Estaing était retourné sur les bancs de l’Assemblée nationale jusqu’en 2002.
Mais comment s’articulerait cette candidature à la députation avec la campagne présidentielle d’Anne Hidalgo ? L’ancien Président de la République n’a jamais fait de mystère sur le peu d’enthousiasme qu’il avait à l’égard de la campagne de la maire de Paris. Sur notre antenne en octobre dernier, dans l’émission ExtraLocal, il « conseillait » même à Anne Hidalgo de ne pas « enchaîner un catalogue de mesures catégorielles » en réaction à ses propositions sur le salaire des professeurs. Difficile de croire à un revirement lors de cette prochaine « prise de parole », or les sénateurs socialistes le savent bien, dans un camp social-démocrate en manque de repères, la parole de François Hollande compte. « Sa parole est forte et sera précieuse, parce qu’il a été Président de la République » explique notamment Jean-Pierre Sueur, rejoint par Marie-Arlette Carlotti, sénatrice (PS) et ancienne ministre de François Hollande : « Il a un rôle à jouer, il a une parole forte, il est entendu parmi un électorat, mais aussi parmi la population toute entière. Peut-être peut-il porter une parole d’espoir. »
« On a quand même le droit de constater que les choses ne vont pas très bien »
Une parole d’espoir, très bien, mais d’espoir pour qui ? Alors que l’état-major du PS chancelle aussi sous la pression de la « primaire populaire » – avec une numéro 2 du parti, Corinne Narassiguin, qui y voit un « succès indéniable » – une prise de parole de François Hollande en février pourrait être décisive. Notamment pour les deux candidates qui pourraient plus ou moins se réclamer de l’héritage politique de l’ancien Président de la République : son ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira, et la candidate investie par son parti, Anne Hidalgo. C’est finalement plutôt une primaire sauvage que populaire qui pourrait se jouer au sein de la social-démocratie française, et François Hollande pourrait bien en être le juge de paix.
Au groupe socialiste du Sénat, personne ne veut tirer sur l’ambulance, mais le constat est là : « Il y a un malaise vis-à-vis de l’électorat, les sondages ne sont pas très bons. Anne Hidalgo est la candidate du Parti Socialiste aujourd’hui, dont acte » lâche Marie-Arlette Carlotti. Une candidature de fait, c’est rarement ce qui suscite « l’espoir » qu’attend l’ancienne ministre de François Hollande … « On a quand même le droit de constater que les choses ne vont pas très bien » se défend la sénatrice des Bouches-du-Rhône. On a le droit, en effet, et ce n’est pas François Hollande qui va se priver.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.