Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Keller ouvre la porte à « une coalition » ou « un accord sur certaines mesures » avec Macron
Par Public Sénat
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Les frontières bougent. La recomposition à gauche, comme à droite, est à l’œuvre, après l’arrivée d’Emmanuel Macron en tête du premier tour de la présidentielle. Sa possible accession à la présidence de la République pourrait chambouler le paysage politique, surtout si le leader d’En marche ! n’a pas de majorité à lui seul, après les législatives.
Chez Les Républicains, on tente de rester uni mais en réalité, le parti se divise sur la marche à suivre pour le second tour (voir notre article). Dans ce contexte, que vont faire les amis d’Alain Juppé ? Ils se réunissent ce soir aux Initiés, bistrot du Ier arrondissement de Paris, pour faire le point. Au-delà de l’appel à voter Macron contre Le Pen, l’hypothèse d’une coalition ou d’accords à la carte avec « En marche ! » est aujourd’hui clairement mis sur la table. Fabienne Keller, sénatrice LR du Bas-Rhin, ancienne porte-parole du maire de Bordeaux lors de la primaire, évoque tout haut cette éventualité à laquelle d’autres pensent sans oser en parler publiquement.
« Alain Juppé souhaite infléchir les orientations du seul candidat que nous soutenons désormais, Emmanuel Macron, candidat républicain »
« Nous allons nous retrouver ce soir autour d’Alain Juppé qui a donné une ligne claire : soutenir la candidature d’Emmanuel Macron mais aussi exiger, essayer d’influer sur le programme, notamment la libération de la création d’emplois, l’avenir des jeunes, la question européenne, tellement centrale. Alain Juppé souhaite infléchir les orientations du seul candidat que nous soutenons désormais, Emmanuel Macron, candidat républicain, pour essayer d’avoir un projet conforme aux intérêts de long terme de la France » affirme Fabienne Keller à Public Sénat (voir la vidéo, images de Cécile Sixou). Hier sur son blog, Alain Juppé a expliqué qu’il « incombait maintenant à Emmanuel Macron de réussir le large rassemblement des Français(es) ». Il attend « qu’il précise son programme de réformes ».
Faut-il aller jusqu’à se préparer à une possible coalition ? « Bruno Le Maire a évoqué ce matin l’idée de travailler avec, dans le respect des idées de chacun. C’est trop tôt, il nous faut attendre le résultat des législatives. Mais nous ne pourrons pas ignorer le résultat de la présidentielle et nous opposer sur tout, ce serait destructeur au moment où la France a besoin de réformes. Donc l’idée d’une coalition, mais qui n’est pas la tradition française, plutôt la tradition germanique. C'est-à-dire un accord de gouvernement, un accord sur certaines mesures. Nous souhaiterions qu’Emmanuel Macron infléchisse son projet notamment dans le domaine de l’économie et de l’emploi, la priorité absolue » répond la sénatrice du Bas-Rhin.
« Des personnes qui sont prêtes très clairement à appeler à voter Macron dans une forme d’opposition constructive, des gens qui seraient prêts à travailler avec lui »
Fabienne Keller précise les contours que pourraient prendre ce nouveau mode de majorité : « Chacun resterait dans son mouvement, mais (il y aurait) une coalition, un accord sur des thèmes très concrets, sur l’Europe, sur l’économie, sur les économies budgétaires ou les recettes nouvelles indispensables, qui pourra être trouvé dans le seul intérêt de la France. Mais pour la clarté du débat politique il faut que chacun reste dans son mouvement. Et nous avons bien senti hier soir au bureau politique des Républicains qu’un mouvement humaniste, libéral, centriste était en train d’émerger. Des personnes qui sont prêtes très clairement à appeler à voter pour Macron dans une forme d’opposition constructive, des gens qui seraient prêts à travailler avec lui ». Dit autrement, il s’agit de « ne pas être dans une obstruction systématique et être prêt à accepter de travailler sur des sujets qui étaient au cœur de notre projet pour la France ». « Emmanuel Macron a une sensibilité européenne, une volonté de redresser la France en termes économiques » ajoute Fabienne Keller, « même s’il faut préciser les choses ».
La recomposition est-elle en cours ? Fabienne Keller acte du moins les divergences profondes qui traversent et fissurent le parti :
« C’est la réalité de notre mouvement des Républicains, aujourd’hui, qui a montré hier qu’il y avait des sensibilités très différentes et que ce qui nous rassemblaient était désormais peut-être moins fort que ce qui nous distingue ».
Reste à voir si tous les juppéistes sont prêts dans leur ensemble à apporter leurs voix au Parlement à Macron, en cas de besoin. « Nous le confirmerons ce soir autour d’Alain Juppé » explique Fabienne Keller, « mais cette idée européenne, cette idée autour de l’économie, cette question de la priorité des enjeux éducatif, nous l’avons partagée très largement pendant la campagne avec Alain Juppé. Et notre vision aussi d’une France ouverte, tolérante, accueillante, exigeante mais généreuse ».
Cette idée de majorité à géométrie variable, selon les sujets, Fabienne Keller l’a vécue au Sénat. Entre 2011 et 2014, la Haute assemblée était à gauche, mais avec seulement six petites voix d’avance. Selon les textes, des majorités ou des oppositions parfois baroques, entre UMP et communistes, ont pu exister. Mais ces majorités étaient plus de circonstances, pas d’idée. Dans le cas d’Emmanuel Macron, les choses seraient différentes. Il pourrait rassembler le centre gauche et le centre droit sur des majorités plus cohérentes ou l’essentiel des valeurs est partagé. Reste quand même, avant le grand chamboule-tout, à remporter la présidentielle.