Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Fiscalité des « riches » : « A force de pousser à droite, Macron contribue à réveiller la gauche »
Par Public Sénat
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Emmanuel Macron a réussi à déstructurer la gauche. Ses mesures fiscales vont-elles la ressouder ? Plus de cent parlementaires signent un appel dans Libération, ce mercredi, pour demander au gouvernement de « rendre public l'impact de ses mesures fiscales sur les Français les plus riches ».
Si la gauche, dans son ensemble, n’est pas d’accord sur ce qu’elle veut, elle sait à peu près ce qu’elle ne veut pas : supprimer l’ISF. L’appel est aussi l’occasion d’entretenir la petite musique sur Emmanuel Macron, « Président des riches ». Image qui pourrait bien devenir le bouclier fiscal d’Emmanuel Macron : la mesure de début de mandat qu’il traînera, tel un boulet, durant tout son quinquennat.
« Pour y voir plus clair, Libération a lancé un appel ouvert à tous les parlementaires et citoyens pour que le gouvernement ouvre enfin son livre de comptes et fasse la lumière sur ce secret bien gardé », explique le quotidien, alors que le budget 2018 est examiné à l'Assemblée. « Nous, députés et sénateurs, demandons au gouvernement de rendre public l'impact de ses mesures fiscales et budgétaires sur les contribuables les plus aisés et sur les 100 Français les plus riches », est-il écrit.
« A quoi peut bien servir de signer un chèque aux Français les plus aisés de 4,5 milliards d’euros (c’est-à-dire le coût de la réforme de l’ISF et de l’introduction d’une « flat tax » de 30% sur les revenus du capital) ? » demande encore le quotidien de gauche.
Bariza Khiari : « Je m’étonne de cet attelage singulier »
Cette réforme fiscale « a réveillé l’opposition de gauche » souligne Libération. Pour preuve, on retrouve parmi les signataires autant des députés et sénateurs PS, que des communistes ou des députés de la France insoumise. Une diversité qui surprend Bariza Khiari, membre de la direction provisoire de La République En Marche. « Je m’étonne de cet attelage singulier. Certaines personnes sont peut-être en manque de visibilité, alors que ces questions passent par la commission des finances » souligne l’ex-sénatrice socialiste. Elle récuse le procès fait à Emmanuel Macron, taxé d’être le « Président des riches ». Elle en veut pour preuve le doublement des classes de CP en zone prioritaire, « l’augmentation du minimum vieillesse » ou la revalorisation de l’allocation adulte handicapé.
Le sénateur PS Jérôme Durain, signataire de l’appel, se réjouit au contraire de voir la gauche retrouver un terrain d’entente. « Monsieur Macron, à force de pousser à droite, contribue à réveiller la gauche. Et ça va même beaucoup plus loin, puisque même le Modem est très partagé sur la mesure. Le FMI dit lui que l’imposition des plus riches est importante, que ce n’est pas défavorable à la croissance. (La réforme de l’ISF) est une mesure complètement injuste et inefficace ». Le sénateur de Saône-et-Loire, proche d’Arnaud Montebourg, ajoute : « Emmanuel Macron, c’est le Président ni de gauche, ni de gauche, et de droite et de droite » (voir la première vidéo. Images : Clément Perrouault).
Plus de la moitié du groupe PS du Sénat
Dans le détail, on compte 31 députés socialistes du groupe Nouvelle Gauche, dont Olivier Faure, les ex-ministres Delphine Batho et le hollandais Stéphane Le Foll, aux côtés – miracle – du frondeur Régis Juanico, ou encore Luc Carvounas et l'ancienne rapporteure générale du Budget Valérie Rabault.
On trouve 41 sénateurs socialistes, soit un peu plus de la moitié du groupe, mais pas le président Didier Guillaume, qui a tenu un discours constructif à l’égard du pouvoir, depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Frédérique Espagnac ou André Vallini n’ont pas signé non plus. En revanche, les anciens ministres Laurence Rossignol, Patrick Kanner, Jean-Marc Todeschini et Victorin Lurel ont signé, tout comme Marie-Noëlle Lienemann, David Assouline, Rémi Féraud, le numéro 1 provisoire du PS, Rachid Temal, ou encore Jean-Pierre Sueur.
Le président PS de la commission des finances du Sénat demande les informations à Bercy
Le sénateur PS Jean-Yves Leconte a choisi pour sa part de ne pas signer. Il préfère s’appuyer sur la commission des finances du Sénat. « Ce n’est pas une tribune qui va donner le droit à Libération d’avoir ces informations. Alors que le président de la commission a cette capacité » explique-t-il. Regardez :
En effet, le sénateur PS Vincent Eblé, qui vient de prendre la tête de la commission, a le pouvoir d’obtenir de Bercy ces éléments. A défaut, il peut se rendre au ministère pour chercher « lui-même » les informations. Il a décidé d’avoir recours à ce pouvoir. « J’ai signé deux courriers hier : l’un à destination de Bruno le Maire et un pour Gérald Darmanin, leur demandant des éléments circonstanciés. C’est un courrier assorti d’un questionnaire détaillé » annonce-t-il à publicsenat.fr (voir notre article pour plus d’information). Selon le sénateur PS, le secret fiscal ne s’applique en « aucun cas » pour ce dossier, contrairement aux affirmations de Bruno Le Maire.
Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent et… Jean-Christophe Lagarde
L’appel a également été signé par les 17 députés de la France Insoumise, dont Jean-Luc Mélenchon et Eric Coquerel, ainsi que les 16 députés du groupe à dominante communiste, comme André Chassaigne. Les 15 sénateurs du groupe communiste, républicain citoyen et écologiste ont signé : Pierre Laurent, numéro 1 du PCF, la présidente du groupe Eliane Assassi ou l’écologiste Esther Benbassa.
Plus surprenant, un parlementaire du groupe Constructif, le député et président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, a signé. Il soutient pourtant Emmanuel Macron mais certains centristes de l’UDI sont échaudés depuis quelque temps.
La pétition est ouverte aux signatures sur la plateforme change.org. Mercredi, en fin de journée, près de 14.000 personnes avaient signé l’appel.