Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Européennes : à peine dévoilée, l’opposition raille la liste LREM
Par Public Sénat
Publié le
La liste était attendue pour fin février. C’est avec quelques semaines de retard que La République en marche a dévoilé ce mardi les 30 premiers noms de sa liste pour l’élection européenne du 26 mai prochain. Une liste menée par la ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau. Une désignation qui entrainera un mini-remaniement.
Pascal Canfin et Jérémy Decerle, président des Jeunes agriculteurs
On sait maintenant qu’elle sera secondée par Pascal Canfin, ancien ministre de François Hollande, président de l’ONG environnementale WWF. Une prise qui marque, avec celle de l’eurodéputé sortant Pascal Durand, ancien numéro 1 d’EELV, la liste du sceau de l’écologie. Mais dans le « en même temps » cher à Emmanuel Macron, on trouvera sur la liste Jérémy Decerle, président des Jeunes agriculteurs, syndicat proche de la FNSEA, en numéro 4. La directrice de la Maison de l'Europe à Rennes, Marie-Pierre Vedrenne (MoDem) est en troisième position.
Comme nous l’évoquions début novembre, Bernard Guetta, ancien journaliste de France Inter (et frère du célèbre DJ David Guetta) se retrouve bien sur la liste et en position éligible (8e place). On trouve aussi l’ancien conseiller de Macron et directeur de la campagne, Stéphane Séjourné, tout comme la sénatrice Fabienne Keller (en 7), membre du parti allié de centre droit, Agir. Gilles Boyer, juppéiste et conseiller d’Edouard Philippe, occupe la 12e place.
Cette liste porte le nom de « renaissance », issu du titre de la tribune d’Emmanuel Macron « pour une renaissance européenne ». Sa composition a été validée à l’unanimité par le bureau exécutif de LREM, ce mardi, en début d’après-midi.
Marc Fesneau : « Une liste très conforme à l’esprit de la présidentielle, au-dessus des étiquettes »
« C’est une liste largement ouverte à la société civile, de renouvellement, d’expérience, d’engagement et de professionnalisme, qui couvre l’ensemble des territoires, y compris ultramarins. Sociologiquement, c’est très intéressant, avec des gens de toutes les professions. Ça va aussi bien d’un agriculteur, à une oncologue, une DRH ou une spécialiste de la mer, avec une balance forte sur l’environnement » souligne auprès de publicsenat.fr François Patriat, président du groupe LREM du Sénat (voir aussi la réaction du sénateur LREM André Gattolin dans le sujet vidéo de Jonathan Dupriez). Il salue la présence de « Pascal Canfin, qui a été ministre et représente l’écologie engagée, pas régressive, et qui fait autorité au WWF. Et en même temps, il a pris des engagements d’être bien sur la ligne de notre mouvement. C’est un vert qui va jouer le jeu ». Reste que les signaux pourront paraître contradictoires avec la présence du responsable des Jeunes agriculteurs… « Ils vont d’abord défendre la France en Europe et la position du gouvernement, qui est sur une sortie des pesticides, une agriculture ambitieuse qui relève le défi de la production et de la qualité » répond François Patriat.
Le ministre chargé des Relations avec Le Parlement, Marc Fesneau, salue de son côté une liste « très conforme à l’esprit de la présidentielle, au-dessus des étiquettes, axée sur la compétence, avec la représentation des territoires ». « Les Modem sont bien représentés. Bernard Guetta est proche de nous » se satisfait ce membre du parti de François Bayrou, interrogé par publicsenat.fr avant les questions d’actualité au Sénat. Sur les 30 noms, 7 viennent des rangs du MoDem. Quant à la cohabitation Canfin/Decerle, « c’est plutôt sein » selon Marc Fesneau, « vous ne faites pas avancer la société les uns contre les autres ».
« Liste sans couleur et sans saveur »
La campagne des européennes devrait maintenant prendre davantage d’ampleur. Les autres partis avaient pris eux de l’avance sur le casting. Chez les LR, dont la tête de liste François-Xavier Bellamy a fait largement débat, notamment en raison de son opposition personnelle à l’IVG, on raille aujourd’hui cette liste du parti présidentiel.
« C’est quoi cette liste ? C’est effrayant. Pour éviter de trancher entre des gens connus, ils ont pris pour l’essentiel des inconnus. C’est une liste sans couleur et sans saveur » pour le sénateur LR Roger Karoutchi, membre de la commission d’investiture qui a planché sur la liste LR.
« Nathalie Loiseau a le charisme d’une huître » (un sénateur LR)
« Nathalie Loiseau a le charisme d’une huître. C’est une techno. A croire qu’ils ne comprennent rien au peuple » tacle un autre sénateur LR. « On s’en fiche de la liste LREM. Les deux premiers sont totalement inconnus. Il n’y a pas de raison que le troisième soit plus connu. Ça n’a aucune importance. Ce sera plus sur Macron que ça va se jouer. Alors que nous, ce n’est pas sur Wauquiez que ça se décide » veut croire de son côté Pierre Charon, sénateur LR de Paris.
François-Xavier Bellamy n’est pourtant pas plus connu. Mais à droite, après des débuts difficiles, on se rassure. « François-Xavier Bellamy fait campagne. Et ça se passe bien. Dans les territoires, on n’a que des bons retours » se réjouit Pierre Charon. « C’est vrai que ce n’était pas gagné du tout » reconnaît le sénateur à l’origine sarkozyste, « il réussit ses émissions, il faut être beau joueur. Ça grimpe dans les sondages et tant mieux ». « Bellamy est capable de parler avec le cœur » ajoute François Grosdidier, qui espère sortir « du piège de l’espèce d’alternative entre Macron et l’extrême droite ». Une rencontre est organisée, ce soir à 19 heures au siège du parti, entre François-Xavier Bellamy et les députés et sénateurs LR.
Le sénateur PS Xavier Iacovelli « n’exclut pas de voter blanc » aux européennes
A gauche, où la division marque cette élection européenne, on préfère pointer l’arrivée de Pascal Canfin sur la liste LREM. « Ça me fait rire. Je rappelle que Pascal Canfin était sorti du gouvernement sous François Hollande car nous n’étions pas assez à gauche. Maintenant, il va sur une liste En marche. Ça me paraît un peu incohérent » note Xavier Iacovelli, sénateur PS des Hauts-de-Seine.
Mais ça ne le rassure pas pour la liste PS-Place publique. Le sénateur fait partie de ceux qui souhaitaient une tête de liste PS. La décision d’Olivier Faure lui reste encore au travers de la gorge. « On a 5-6 % dans les sondages avec une liste uniquement socialiste. Même score avec Raphaël Glucksmann, mais avec seulement 50% de socialistes. Or je ne vois pas pour l’instant le gain pour le PS ». Le sénateur socialiste craint aussi le « recasage » de perdants des législatives sur la liste. Le bureau national du parti doit se pencher sur la composition de la liste ce soir. On évoque notamment le nom de Jean-Marc Germain, proche de Martine Aubry, qui a soutenu le choix d’Olivier Faure…
Au final, Xavier Iacovelli menace, dans ces conditions, de ne pas voter pour la liste PS aux européennes. « Pour moi, le rendez-vous est manqué. Et je me resserve le droit de voter cette liste ou pas en interne pour le vote des militants le 2 avril. (…) Je ne vois pas pourquoi je voterai pour une liste qui ne me convient pas. Je n’exclus pas de voter blanc » le 26 mai, annonce-t-il à Public Sénat. Regardez :
« Il y a une tentative de brouillage. On ne voit pas où sont les progrès sociaux et environnementaux »
Dans la galaxie de la gauche divisée, Génération.s n’a guère le vent en poupe non plus. Sophie Taillé-Polian, sénatrice du jeune parti de gauche, reproche à LREM de « s’arroger le terme de progressiste ». « Il y a une tentative de brouillage. On ne voit pas où sont les progrès sociaux et environnementaux » souligne cette membre du parti de Benoît Hamon, dont la campagne pour les européennes peine à décoller. La faute aux médias, « comme France 2 », qui refuse d’inviter le candidat, dénonce Sophie Taillé-Polian. Mais l’arrivée de la porte-parole de Generation.s sur la liste PS-Place publique n’arrange rien.
Face à ces multiples listes – on peut ajouter LFI, EELV, le PCF – la gauche risque d’être explosée façon puzzle le soir du 26 mai. « C’est une catastrophe » lâche un sénateur. Un résultat que tout le monde voit arriver. Mais sans trop bouger.