Un drame de plus. Une nouvelle fusillade endeuille les Etats-Unis. Mardi, un homme âgé de 18 ans, Salvador Ramos, s’est introduit dans une école primaire d’Uvalde au Texas. L’homme a fait feu sur des enfants tuant au moins 19 enfants et 2 adultes. Plus d’une douzaine d’enfants ont aussi été blessés.
« Il est temps de transformer cette douleur en action », a fermement réagi le président des Etats-Unis, Joe Biden lors d’une adresse à la Nation. « Nous devons bien expliquer cela à tous les élus de ce pays : il est temps d’agir » pour mieux réguler les armes en Amérique, a-t-il déclaré. Et de dénoncer « ceux qui empêchent ou repoussent ou bloquent des lois de bon sens sur les armes à feu ».
« Quand, pour l’amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes ? », s’est écrié le président des Etats-Unis alors que la NRA (National Rifle Association) tiendra, vendredi, sa conférence annuelle à Houston (Texas) avec pour invité d’honneur, Donald Trump.
« A chaque fois ces velléités de réformes se heurtent au contexte juridique et politique »
Cette attaque, comme les précédentes, ramène dans le débat public la question de la régulation des armes à feu. « A chaque fois, on se dit que ça va être la goutte d’eau qui va faire déborder le vase mais à chaque fois ces velléités de réformes se heurtent au contexte juridique et politique », observe Marie-Christine Bonzom, journaliste et politologue spécialiste des Etats-Unis. Journaliste à Voice Of America et correspondante de la BBC à Washington de 1989 à 2018, Marie-Christine Bonzom a malheureusement couvert d’autres fusillades de ce genre.
Ce drame rappelle ainsi la fusillade à l’école primaire de Sandy Hook, survenu en 2012 dans le Connecticut, où un déséquilibré âgé de 20 ans avait tué 26 personnes, dont vingt enfants âgés de 6 et 7 ans, avant de se suicider. Un cauchemar répété qui n’a pourtant pas appelé à de profonds changements. En 2021, les Américains ont encore acheté près de 20 millions d’armes à feu, un record. Depuis le début de l’année 2022, 17 194 Américains ont été tués par balle, ce chiffre comprenant 9 570 suicides.
Malgré ces chiffres et ces fusillades à répétition en milieu scolaire, un changement législatif semble donc très peu probable. « Il y a un obstacle purement juridique, il faudrait avoir une majorité de 60 sénateurs sur 100 pour passer des lois au niveau fédéral », indique Marie-Christine Bonzom. Une gageure. Encore moins probable : l’abrogation ou même la modification du 2nd amendement de la Constitution américaine qui consacre le droit du port d’arme.
« Le climat politique actuel n’est pas propice parce que les deux partis (Républicains et Démocrates) ont augmenté le volume en matière de polarisation. Le dialogue est impossible », rapporte la politologue qui précise qu’un accord bipartisan est indispensable pour légiférer au niveau fédéral. Marie-Christine Bonzom considère par ailleurs que la réponse à ces attaques ne repose pas exclusivement sur le plan législatif.
« Il faut une révolution mentale. Chaque Américain doit s’interroger sur son rapport à la violence »
En 1994, le président Bill Clinton a signé le Violent Crime Control and Law Enforcement Act entraînant une interdiction des armes d’assaut pour dix ans. Une interdiction qui n’a pas été reconduite par la suite. C’est pourtant durant cette décennie qu’a eu lieu la fusillade de Columbine dans le Colorado, pointe Marie-Christine Bonzom. « Il faut un déclic et je ne sais pas ce qui peut produire ce déclic mais il faut une révolution mentale. Chaque Américain doit s’interroger sur son rapport à la violence », estime la spécialiste des Etats-Unis.
Lors d’une allocution largement relayée sur les réseaux sociaux, le sénateur démocrate Chris Murphy a pointé la particularité de cette vague de tueries : « Cela ne se passe nulle part ailleurs qu’ici, aux Etats-Unis, et c’est un choix » Marie-Christine Bonzom souligne, elle, le lien singulier qu’entretient ce pays aux armes et à la violence : « La société américaine est née dans la violence, dans la guerre, a fait la guerre quasiment tout le temps depuis sa création ».
L’attachement des Américains au port d’armes ne faiblit pas dans l’opinion publique, même si l’idée d’aller vers un renforcement du contrôle des ventes d’armes fait plus consensus. « La NRA est notamment favorable à l’interdiction du port d’armes pour les personnes atteintes de problèmes mentaux », soulève Marie-Christine Bonzom. Le contrôle de la vente d’armes à feu échappe encore trop aux autorités lorsque ces transactions se font en dehors des circuits traditionnels.
Une partie solution pourrait peut-être naître d’initiatives au niveau des Etats, ce qui existe déjà actuellement. La Californie interdit des armes d’assaut, ainsi que la détention ou le transfert d’une cinquantaine de types d’armes semi-automatiques qui entrent dans la catégorie des armes d’assaut. Reste que, comme au niveau fédéral, ces régulations sont soumises à équilibre politique parfois défavorables à toutes modifications.