« Empire Bolloré » : « Nous avons fait l’essentiel de ce que pouvait faire une commission d’enquête », estime le sénateur David Assouline

« Empire Bolloré » : « Nous avons fait l’essentiel de ce que pouvait faire une commission d’enquête », estime le sénateur David Assouline

Après avoir été insulté par l’animateur Cyril Hanouna, le député (LFI) Louis Boyard demande la mise en place d’une commission d’enquête « relative à la concentration des médias et plus spécifiquement sur les financements de l’empire Bolloré ». Pour David Assouline (PS), rapporteur d’une commission d’enquête au Sénat sur la concentration des médias, il faut surtout légiférer « pour limiter la concentration abusive de l’empire Bolloré ».
Simon Barbarit

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

« Cet incident montre la violence inouïe à laquelle on s’expose, lorsqu’on touche à Vincent Bolloré. Cet homme ne pourrait donc souffrir d’aucune critique. Même le président de la République n’a pas un tel traitement », observe le sénateur socialiste de Paris, David Assouline rapporteur, cette année, d’une commission d’enquête sur la concentration des médias.

La séquence a inondé les réseaux sociaux tout le week-end. Dans l’émission « Touche pas à mon poste » sur C 8 où il officiait naguère en tant que chroniqueur, le député LFI, Louis Boyard est invité à s’exprimer sur l’accueil des migrants par la France du bateau Ocean Viking. Le jeune élu de 22 ans tente alors de faire le parallèle entre la situation des réfugiés et les « cinq personnes les plus riches » de France » qu’il accuse « d’appauvrir l’Afrique » et cite Vincent Bolloré, propriétaire du groupe Canal +, auquel appartient C8.

De quoi provoquer la colère de Cyril Hanouna, un ami fidèle du capitaine d’industrie breton. « Toi t’es une merde », « bouffon », « tocard », lance l’animateur au député qui finira par quitter le plateau sous les huées.

Le député LFI a annoncé ce lundi son intention de porter plainte pour injure publique. Il demande également « l’ouverture d’une commission d’enquête relative à la concentration des médias et plus spécifiquement sur les financements de l’empire Bolloré ».

« Ça me terrifie qu’autant de gens regardent cette émission »

L’initiative parlementaire laisse dubitatif David Assouline. « Je ne suis pas opposé à une nouvelle commission d’enquête. On peut toujours aller plus loin mais nous avons fait l’essentiel de ce que pouvait faire une commission d’enquête. L’état des lieux sur l’empire de Bolloré a été fait. Ce jeune député devrait se renseigner sur nos travaux ». L’élu de Paris n’hésite pas non plus à critiquer « la contradiction » de son collègue du palais Bourbon « qui a été salarié de cette émission » et des élus LFI en général « qui ont alimenté la crédibilité de cette émission ». « Même Jean-Luc Mélenchon a débattu avec Éric Zemmour sur ce plateau », rappelle-t-il.

« De faire de cette affaire une affaire d’Etat, c’est navrant. Ça me terrifie qu’autant de gens regardent cette émission », se désole le sénateur LR membre de la commission, Jean-Raymond Hugonet.

8 mois après la remise de son rapport, David Assouline souhaite surtout « qu’on légifère pour limiter la concentration abusive de l’empire Bolloré ». Les pistes sont à chercher dans le rapport de 380 pages de la commission d’enquête.

Farouches antagonismes entre les sénateurs de droite et de gauche sur la concentration des médias

Mais les travaux de la commission qui se sont déroulés en début d’année 2022 n’ont pas été une promenade de santé pour l’ensemble des élus qui y ont participé. Afin de voir son rapport adopté « et pas jeté à la poubelle », David Assouline avait dû faire des concessions sur les préconisations. La droite sénatoriale s’est notamment farouchement opposée à certaines propositions visant à garantir l’indépendance des rédactions, telle que la mise sous tutelle par l’ARCOM des médias privés, ou encore la création d’un droit de véto des rédactions sur la nomination d’un nouveau directeur de l’information.

Lire notre article : Concentration des médias : divisés, les sénateurs s’accordent malgré tout sur les préconisations du rapport

« Les chaînes d’opinion ne sont pas autorisées par la loi sur l’audiovisuel du 30 septembre 1986. Mais c’est faire preuve d’angélisme de faire croire qu’elles ne peuvent pas être influencées. Beaucoup de gens pensent que le service public est de gauche par exemple et pourtant je ne pense pas que les journalistes reçoivent des ordres tous les matins de l’Elysée », explique Jean-Raymond Hugonet.

De même, David Assouline s’était opposé à la majorité LR sur de mesures visant à limiter la concentration des médias. « Il y a aujourd’hui non seulement des concentrations horizontales, mais aussi des concentrations verticales où les propriétaires de chaînes sont aussi propriétaires des canaux de diffusions. Nous considérons que c’est un frein au pluralisme. Chez LR, certains pensent, au contraire, qu’il faut accélérer les concentrations pour faire face à la concurrence internationale », résume le sénateur.

Dans un communiqué publié le jour de la présentation du rapport, Jean-Raymond Hugonet avait estimé que les auditions n’avaient pas « permis d’établir que la concentration des médias était excessive en France et que le pluralisme de l’information était pleinement respecté ».

De la cinquantaine d’auditions, notamment de grands patrons propriétaires de médias, Bernard Arnault, Arnaud Lagardère, Patrick Drahi, Xavier Niel, Martin Bouygues… Celle de Vincent Bolloré avait illustré l’antagonisme entre la majorité sénatoriale de droite et le rapporteur socialiste. « Vous vous définissez comme démocrate-chrétien, est-ce que le racisme et le négationnisme sont des valeurs démocrates chrétiennes ? Je ne crois pas. Est-ce à votre insu qu’une telle ligne éditoriale s’impose dans les médias que vous contrôlez ? », avait lancé le rapporteur à l’ancien président du conseil de surveillance de Vivendi et du Groupe Canal Plus.

« Quand Vincent Bolloré assurait ne pas avoir le pouvoir de nommer qui que ce soit à l’intérieur des chaînes »

La question avait « choqué » la sénatrice LR, Jacqueline Eustache-Brinio qui avait tenu par la suite à exprimer « son respect » à Vincent Bolloré. Le magnat breton avait d’ailleurs réussi avec facilité à esquiver les questions qui fâchent notamment sur son implication sur la ligne éditoriale de Cnews. Une question qui avait son importance car selon la convention signée par la chaîne et le CSA pour sa diffusion TNT, CNews est définie comme une chaîne « consacrée à l’information » et est soumise à des obligations déontologiques, plus particulièrement de « pluralisme d’expression des courants de pensée et d’opinion ». « Je n’ai aucune idéologie politique. Dans mon ADN […] la seule chose que l’on peut trouver, c’est la liberté », expliquait-il avant d’assurer « ne pas avoir le pouvoir de nommer qui que ce soit à l’intérieur des chaînes ».

«Je n’ai pas le pouvoir de nommer qui que ce soit à l’intérieur des chaînes», assure Vincent Bolloré
02:40

« Nous n’avons pas les mêmes pouvoirs que les commissions d’enquête américaines qui fonctionnent quasiment comme une instruction judiciaire. Quand Vincent Bolloré me dit qu’il n’a aucun moyen d’influer sur ses chaînes, je n’ai pas d’éléments concrets à lui opposer. Je mise sur l’intelligence des gens pour faire la part des choses », se défend David Assouline.

Sans passer par la loi, le sénateur de Paris aimerait que le gendarme de l’audiovisuel et du numérique, accélère dans ses mises en demeure et ses sanctions. Le mois dernier, David Assouline avait saisi l’ARCOM après les propos de Cyril Hanouna à l’encontre d’Anne Hidalgo. L’animateur avait enjoint la maire de Paris « à fermer sa gueule », suite à sa décision de ne pas installer d’écrans géants pour la Coupe du monde de football. « Je pensais qu’après ça, il se serait calmé », confie David Assouline.

 

 

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

« Empire Bolloré » : « Nous avons fait l’essentiel de ce que pouvait faire une commission d’enquête », estime le sénateur David Assouline
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

« Empire Bolloré » : « Nous avons fait l’essentiel de ce que pouvait faire une commission d’enquête », estime le sénateur David Assouline
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le