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Emmanuel Macron veut mettre plus de liberté à l’école primaire : une réforme qui interroge
Par François Vignal
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A un peu plus d’une semaine du premier tour des législatives, Emmanuel Macron cherche à mettre en musique ses priorités. Après la santé, mardi à Cherbourg, le chef de l’Etat s’est rendu à Marseille, ce jeudi. Un déplacement sous le signe de l’école, en compagnie de son nouveau ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye.
Au cours d’une visite dans une école primaire de la ville, Emmanuel Macron a annoncé la généralisation sur tout le territoire, « à partir de l’automne », de l’expérimentation de « l’école du futur », testée à Marseille depuis septembre 2021. L’idée : donner plus de moyens et « plus de liberté pédagogique aux enseignants, en lien avec les parents d’élèves, le périscolaire, les élus ». « Notre ambition avec Monsieur le ministre, c’est dans les prochains mois de pouvoir généraliser cette approche », a annoncé le chef de l’Etat. Une réforme d’esprit libéral que le Président avait mis sur la table durant la campagne présidentielle.
« Il ne s’agit pas que les directeurs d’école fassent leur propre mercato »
Dans cette nouvelle école où semble souffler un esprit d’entreprise, Emmanuel Macron souhaite que les directeurs puissent aussi recruter les enseignants. « Il ne s’agit pas que les directeurs d’école fassent leur propre mercato. Cela ne marchera pas », a précisé le chef de l’Etat. Il s’agit plutôt de « donner la possibilité que l’enseignant recruté partage ces projets. C’est très important ».
59 écoles de la Cité phocéenne se sont portées volontaires pour le test. L’Etat a prévu des moyens supplémentaires avec une enveloppe de 2,5 millions d’euros. Les projets sur lesquels ont travaillé les écoles sont variés : mathématiques, français, sport, arts, culture, musique ou encore le développement durable.
La question du salaire est aussi sur la table. « Il y aura une partie d’amélioration de la rémunération des enseignants inconditionnelle » et « il y aura un pacte nouveau qui sera proposé aux enseignants », a-t-il rappelé, comme il l’avait avancé pendant la campagne. Une partie de la hausse des rémunérations sera conditionnée à de nouvelles missions.
Emmanuel Macron annonce le retour des maths « en option » en première dès la rentrée
Emmanuel Macron a par ailleurs annoncé le retour des mathématiques, mais « en option ». « Comme je m’y étais engagé en campagne, nous réintroduirons en classe de première la possibilité de choisir les mathématiques en option », a dit le chef de l’Etat.
« Il y aura toujours la spécialité maths, mais il y aura la possibilité offerte à tous les élèves de choisir hors de la spécialité l’heure et demie de mathématiques qui avait été sortie du tronc commun », a ajouté Emmanuel Macron, précisant que cet enseignement « ne sera (it) pas obligatoire dès cette première année », afin de « le faire vite ».
Crainte d’une école à deux vitesses chez les syndicats
C’est surtout la généralisation de « l’école du futur » qui devrait mal passer. Pour les syndicats, c’est un pavé dans la mare. Toucher à la question du recrutement, qui se fait selon un système de barème et de points que les enseignants acquièrent tout au long de leur carrière, est sensible. « L’Education nationale n’est pas une somme de start-ups », rétorque auprès de l’AFP Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa.
« Cette expérimentation remet gravement en cause le caractère national de l’école publique, le statut de fonctionnaires d’Etat des enseignants, l’égalité de traitement des personnels dans leur demande de mutation », dénonce la Fédération FO de l’Enseignement (FNEC FP-FO). C’est au fond une école à deux vitesses, que craignent les détracteurs de la réforme.
Max Brisson (LR) « favorable à ce qui donne plus de liberté aux équipes de professeurs, aux écoles »
Du côté du Sénat, le sénateur LR Max Brisson, qui suit les questions d’éducation au groupe LR, ne voit pas d’un mauvais œil le principe. « Sur le fond, je ne peux qu’être favorable à ce qui donne plus de liberté aux équipes de professeurs, aux écoles, qu’on s’adapte aux réalités de terrain », salue-t-il. Mais le sénateur des Pyrénées-Atlantiques juge en revanche « la méthode exécrable ». « Tout cela se travaille et ne doit pas se décider en juin, sans passer par la concertation », qu’Emmanuel Macron a pourtant promise, pointe Max Brisson, « ça devient la caricature de la démocratie ».
Le timing et la thématique ne sont pas anodins, selon le sénateur LR. « Annoncer ça à Marseille, comme par hasard, à huit jours des législatives, c’est de la com’, c’est l’école prise en otage », lance Max Brisson, qui ajoute :
C’est une annonce électoraliste, une démarche qui vise à essayer de contrer la NUPES, voilà, c’est tout. On n’est pas obligés de tomber dans le panneau.
Sur le fond, s’il « entend les critiques » sur le risque d’une école à deux vitesses, il juge qu’il « faut des garde-fous » et « une méthode de dialogue ». « Le système actuel est faussement égalitaire. Il se pare d’égalité mais génère des inégalités », selon Max Brisson, qui défend tout autant « la possibilité de choisir » les enseignants pour les directeurs : « C’est ce qui existe dans la fonction publique territoriale mais ça ne choque personne ».
La crise de recrutement, « la priorité des priorités » selon Céline Brulin (PCF)
Pour la sénatrice communiste Céline Brulin, Emmanuel Macron ne fait que du « recyclage de promesses déjà faites ». Surtout, il ne répond pas aux enjeux. « Aujourd’hui, on vit une terrible crise de recrutement. Il n’y a pas de candidat dans les concours, on craint tous d’avoir un début de pénurie d’enseignants. Ce qui est renforcé par le fait qu’Emmanuel Macron a enfin entendu l’opinion publique sur la nécessité que tous les élèves puissent continuer à faire des maths dès la première. Mais ça nécessite des enseignants en face des élèves. La priorité des priorités, c’est celle-là », recadre Céline Brulin.
La sénatrice PCF de Seine-Maritime craint la liberté de recruter, qui mettra « les écoles en concurrence ». « Vous pensez vraiment que cette concurrence va apporter plus de liberté ? C’est exactement le contraire qui risque de se produire et on risque d’avoir une école à deux vitesses », pointe du doigt Céline Brulin. Elle ajoute encore :
On risque d’avoir des déserts scolaires, des territoires seront plus attractifs que d’autres. On aura la même situation que ce qu’on connaît en terme de toubibs.
A l’inverse, pour le sénateur LREM Xavier Iacovelli, il n’y a rien à craindre de la réforme. Et promis, il assure qu’il y aura du « dialogue avec les enseignants ». « Je voudrais les rassurer. Il y a une volonté de travailler avec eux pour l’amélioration de notre système scolaire », a affirmé le sénateur, membre de Territoires de progrès (aile gauche de la macronie), invité de la matinale de Public Sénat jeudi. Après les « quelques frustrations et incompréhensions entre le gouvernement et enseignants lors du précédent quinquennat », Xavier Iacovelli assure qu’« il y a une volonté du Président de reprendre ce dialogue ». Reste que les discussions ne devraient pas être une récréation.