Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
« Elisabeth Borne renvoie le chèque alimentaire à la Saint-Glinglin », dénonce le socialiste Rachid Temal
Par François Vignal
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C’est le sujet brûlant pour des millions de Français. La hausse des prix, à commencer par celui des produits alimentaires. Pour y répondre, Emmanuel Macron a promis pendant la campagne un « chèque alimentaire ».
L’idée du chèque est issue de la Convention citoyenne sur le climat. La mesure ne figure pourtant pas dans le projet de loi climat. Un simple rapport de faisabilité, remis au Parlement, est alors prévu. Un rapport a bien été transmis, mais au gouvernement. Selon Le Monde, il émet des réserves sur le dispositif, les membres de la mission étant divisés sur son utilité. Le coût est estimé entre 1,5 milliard et 3,5 milliards d’euros annuels, auxquels s’ajoutent 75 à 115 millions d’euros de frais de gestion, selon le quotidien. Un poids sur les finances publiques que regarde de près Bercy, alors que de son côté, la FNSEA demande une mesure « pérenne ».
A l’heure de préciser les choses aujourd’hui, ça se complique. La première ministre a expliqué mardi que le dispositif se ferait « en deux temps ». Une première aide sera versée « à la rentrée » pour les plus modestes. « Dans l’urgence, avec l’inflation, ce sera une aide versée directement sur le compte en banque, en une fois, tenant compte naturellement du nombre d’enfants dans la famille », a-t-elle expliqué sur France Bleu. Elle pourrait être de 100 ou 150 euros. Pour ce qui est du chèque alimentation proprement dit, « une réflexion » sera lancée sur « un dispositif ciblé pour permettre à tous les Français d’accéder à des produits de qualité, des produits bio ». On comprend que la mesure est repoussée.
« Nous n’avons abandonné aucune ambition », assure Olivia Grégoire
« Nous n’avons abandonné aucune ambition », assure ce mercredi midi la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, à l’issue du Conseil des ministres, qui rhabille la première aide en « indemnité alimentaire d’urgence », qui sera votée cet été par le Parlement et versée « à la rentrée ». Mais si celle-ci est versée directement sur le compte, les familles pourront l’utiliser comme bon leur semble…
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Pour ce qui est du chèque alimentaire, l’exécutif fait en réalité face à une certaine complexité, qu’a résumée le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Il démonte au passage, et sans vraiment de pincette, la promesse d’Emmanuel Macron… « Je suis prêt à regarder toutes les propositions mais il faut tout simplement qu’elles tiennent la route, c’est-à-dire qu’elles puissent être utilisées immédiatement par les Françaises et les Français », a prévenu le locataire de Bercy sur BFM TV/RMC. « Notre grande difficulté », c’est de « cibler sur les produits agricoles français », reconnaît Bruno Le Maire, « donner de l’argent public pour payer des produits alimentaires qui ont été fabriqués en dehors de France et qui vont aller à des producteurs en dehors de France, cela ne m’intéresse pas trop ». Pour l’heure, le ministre n’a pas trouvé la formule gagnante.
Xavier Iacovelli (Renaissance) veut « des mesures ciblées qui ne soient pas une usine à gaz »
Un certain flou qui n’arrange pas les candidats de la majorité présidentielle, à quatre jours des législatives. « Je préférerais qu’on sache. Ce serait plus simple pour expliquer… » lâche un candidat d’Ile-de-France, qui espère encore avoir quelques nouveaux arguments à mettre en avant pour mobiliser :
Si on peut avoir une bonne nouvelle avant la fin de campagne, ce serait bienvenu.
Pour le sénateur Renaissance (nouveau nom de LREM), Xavier Iacovelli, il faut surtout « des mesures ciblées qui ne soient pas une usine à gaz. Une mesure, plus elle est complexe, moins elle est appliquée ou applicable ». « Il faut trouver un système simple, efficace et ciblé », ajoute l’élu des Hauts-de-Seine. Mais selon celui qui est aussi délégué général de Territoires de Progrès, à l’aile gauche de la macronie, « ça peut aller beaucoup plus vite qu’on peut penser. Si on a une solution dès juin, ça peut faire partie du package, dès cet été ».
Selon Xavier Iacovelli, ce chèque alimentation pourrait être moins ciblé, concernant l’origine des produits. « Le but, c’est aussi de soutenir notre agriculture, mais après, il ne faut pas être naïf », soutient-il. Il rappelle que « les plus modestes iront vers le moins cher. Il faut être pragmatique sur cette question. L’idée, c’est d’aider les gens à remplir le frigo ». Autrement dit, le chèque ne doit pas « uniquement soutenir les produits Français », sauf à « faire en sorte qu’ils soient moins chers. Sinon, ça ne fonctionnera pas », selon le sénateur macroniste.
« Le chèque alimentaire profitera à des producteurs étrangers », met en garde le sénateur LR Laurent Duplomb
Des propos qui devraient hérisser le sénateur LR Laurent Duplomb. Dans la lignée de Bruno Le Maire, cet éleveur de Haute-Loire met en garde sur les effets pervers d’un chèque. Ce qui justifie à ses yeux, d’y renoncer. « Le chèque alimentaire profitera à des producteurs étrangers. Ce qu’on ne regarde pas, c’est que notre agriculture n’est plus compétitive, à force de mettre des contraintes, des normes », selon Laurent Duplomb, « et comme les prix augmentent, car elle n’est plus compétitive, on veut mettre un chèque. Mais si on subventionne les produits venant d’ailleurs, on aura amplifié le déclin de notre agriculture ».
Illustration de cette perte de compétitivité : « Une pomme française coûte 1,18 euro à produire. Et une pomme polonaise 53 centimes. Le coût du travail est trois fois plus cher en France qu’en Pologne. Et sur 450 substances utilisables en Pologne, en France, on en a supprimé 150 en surtransposant la réglementation. Donc il en reste 300. Ce sera dans mon rapport sur la ferme France », sur lequel Laurent Duplomb travaille. Le sénateur termine en ce moment ses auditions. Son rapport sénatorial est attendu « début septembre ». « On a pris cinq produits emblématiques : la pomme, la tomate, le blé, le lait et le poulet », précise le sénateur LR. Pour Laurent Duplomb, « l’erreur principale, c’est qu’en France, on ne veut regarder l’alimentaire que par la montée en gamme » et « on ne produit plus l’entrée de gamme », que cherchent beaucoup de consommateurs qui ne peuvent se payer le bio ou la qualité.
Autre difficulté : les questions européennes. Le sénateur de la Haute-Loire craint que le chèque « entre totalement en concurrence avec l’aide de la PAC. L’Europe dira vous aidez votre agriculture, pourquoi continuer les aides de la PAC ? » « Soit vous passez par des aides directes. C’est la PAC. Soit vous faites un chèque alimentaire, à la méthode américaine. Mais il faut protéger votre marché. Quand les Etats-Unis donnent un chèque alimentaire, ils obligent à acheter chez eux, ils font fermer totalement les frontières ou appliquent des mesures douanières ou sanitaires. Mais en fait, c’est un peu politique », détaille Laurent Duplomb.
« Je souhaite un quoi qu’il en coûte pour sauver les Français »
De son côté, le socialiste Rachid Temal voit le sujet sous un angle plus politique. Et s’étonne du timing. « Emmanuel Macron a été réélu le 17 avril. Nous sommes un mois après. Pourquoi aucune mesure n’a été prise depuis un mois ? Comme ce n’est pas une priorité, ce n’est pas appliqué », dénonce-t-il. « C’est la carotte après l’élection », pointe le sénateur du Val-d’Oise. « Finalement, tout ça est décalé. Sauf que pour les Français concernés, les problèmes pour faire manger leurs enfants et la famille, c’est au jour le jour », rappelle Rachid Temal, qui ajoute : « Elisabeth Borne renvoie le chèque alimentaire à la Saint-Glinglin. La seule façon d’y mettre fin, c’est de voter à gauche dimanche ».
Le socialiste s’étonne que le gouvernement doive encore travailler sa copie sur ce chèque. « Quand vous devez aider les plus riches, il n’y a pas de sujet. La flat tax, l’ISF, c’est allé très vite. Là, on n’a pas dit "faut mesurer, analyser". C’était "paf", tout de suite ! » « Emmanuel Macron considère que la capacité des Français à manger n’est pas une priorité. Le pouvoir d’achat n’est pas une priorité », attaque encore Rachid Temal. Et de conclure : « J’ai soutenu le quoi qu’il en coûte pour sauver l’économie. Je souhaite un quoi qu’il en coûte pour sauver les Français ». Et si possible, pas de chèque en bois.