Déconfinement : les syndicats entre volonté de reprise et inquiétudes sanitaires

Déconfinement : les syndicats entre volonté de reprise et inquiétudes sanitaires

Réunis en visioconférence dans l’après-midi, partenaires sociaux et Matignon ont discuté des modalités de la reprise économique après le 11 mai. Globalement favorables à un retour de l’activité, les syndicats ont demandé des clarifications sur de nombreux points.
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Par Jonathan Dupriez

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Le compte à rebours jusqu’au 11 mai est lancé. L’exécutif, sous pression, enchaîne les réunions et les tables rondes pour préciser les modalités du déconfinement à venir avec les élus, et désormais les partenaires sociaux. Dans moins de deux semaines, la France doit en principe entrer dans une phase de « déconfinement progressif » si les conditions épidémiologiques sont réunies. Mais à l’heure où le pays connaît une récession historique, comment remettre les Français au travail sans entraîner une flambée de contagion au coronavirus? Cette quadrature du cercle était au menu des discussions entre Matignon et les organisations syndicales aujourd’hui. Dans un tweet, le Premier ministre a exhorté les organisations syndicales et patronales à « mobiliser le dialogue social à tous les niveaux pour reprendre l’activité dans des conditions garantissant la santé et la sécurité des salariés. C’est une condition nécessaire au retour au travail à partir du 11 mai. »

« Vrai dilemme »

« Il y a un vrai dilemme » reconnaît Cyril Chabanier, président de la CFTC, 5e syndicat français ayant participé à l’échange. « Nous sommes dans un espace intermédiaire » complète François Hommeril, président de la CFE-CGC, « entre une crainte d’ordre sanitaire et une crainte économique et sociale » majeure. Depuis Matignon, Édouard Philippe était entouré d’Olivier Véran, Bruno Le Maire, Muriel Pénicaud, Sibeth Ndiaye ou encore Jean Castex pour répondre aux nombreuses interrogations des syndicats. « Une bonne chose » remarque François Hommeril, président de la CFE-CGC, qui salue au passage les contacts réguliers avec le Premier ministre, le ministère du travail et même le président de la République depuis le début du confinement. De son côté Cyril Chabanier regrette toutefois que cette concertation n'arrive qu'a posteriori de l’exposé du Premier ministre devant la représentation nationale.

Réformistes et patronat affichent « une attitude constructive »

À l’issue de la réunion, CFDT, Medef et CFTC déclarent dans un communiqué commun de 5 pages être favorables à une reprise de l’activité jugée « essentielle » si les conditions sanitaires le permettent. « Les organisations signataires considèrent qu’il est essentiel que la vie économique et sociale de la Nation, durement impactée par cette crise sanitaire, puisse être progressivement restaurée » écrivent les trois organisations, rappelant que « l’avenir du pays » est en jeu.

Rarement côte à côte, les deux centrales syndicales et le Medef souhaitent ainsi afficher une certaine unité face à la crise.« Nous voulions montrer une attitude constructive et prouver que les organisations patronales et syndicales pouvaient s’entendre » reconnaît le leader de la CFTC Cyril Chabanier, soucieux de « mettre en avant l’importance du dialogue social. »

La responsabilité des entreprises au cœur du dispositif de déconfinement

Lors de l’exposé de son plan de déconfinement à l’Assemblée nationale, Édouard Philippe avait prié les entreprises d’agir pour adapter leur fonctionnement en vue du 11 mai. Télétravail tant que possible et horaires décalés pour alléger la pression sur les transports en commun ou encore aménagements des locaux, le Premier ministre laissait au bon vouloir des entreprises les modalités pratiques et organisationnelles du déconfinement. Une orientation qui convient dans l’ensemble au patronat et aux réformistes comme le confirme le communiqué commun : « En concertation avec les salariés et leurs représentants, les entreprises adaptent ainsi leur environnement de travail en mettant en place les mesures organisationnelles, collectives et individuelles qui permettent d’assurer la sécurité sanitaire de tous, et de retrouver ainsi la confiance et la sérénité nécessaires pour travailler. » CFDT, Medef et CFTC mettent également en avant la quarantaine de guides mis au point avec le ministère du Travail pour aider les entreprises à s’adapter.

« Bonnes idées du gouvernement en théorie »

Après « ce sont des bonnes idées en théorie, mais en pratique... » souffle Cyril Chabanier. « En tant qu’organisations syndicales, on est aujourd’hui assaillis de questions des salariés sur le pratico-pratique » poursuit-il, notamment sur le télétravail, ou l’application des mesures barrières dans les transports et même ce qu'implique la reprise de l’école. « Quid des salariés qui ne peuvent pas télétravailler et qui ne souhaitent pas remettre leurs enfants à l’école » s'interroge-t-il. «Leur employeur insistera pour qu’ils reprennent leur activité en présentiel » croit savoir le patron de la CFTC. Des inquiétudes partagées par le syndicat Force ouvrière.

« Inégalités » matérielles

De son côté, François Hommeril a alerté le Premier ministre sur les inégalités qu’implique la mise en œuvre des mesures barrières. « Sur les masques, les gants, les gels, il y a à l’évidence une disproportion entre les entreprises, suivant leurs capacités financières ou pratiques à accéder à ces protections-là, ce sont des sujets qui doivent nous préoccuper » remarque-t-il, plaidant aussi pour une remise en place des comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans les entreprises. « J’ai conscience que ce ne sera pas possible d’un claquement de doigts mais la crise met en évidence combien les CHSCT et leurs expertises étaient importants. »

Les syndicats favorables à une prolongation du chômage partiel

Également au menu des discussions, le dispositif du chômage partiel. Actuellement, 11,8 millions de Français en bénéficient, un salarié du privé sur deux. Le dispositif, très coûteux pour l'État, est censé se terminer au 1er juin. Mais certaines organisations syndicales plaident pour son allongement au moins jusqu’à la fin de la durée de l’état d’urgence sanitaire, amenée à être prorogée jusqu'à la fin juillet. Selon les participants, Bruno Le Maire, autour de la table serait intervenu sur le dispositif : « Le chômage partiel ça ne peut pas durer tout le temps, le travail doit reprendre » aurait-il lancé aux syndicats. « Le chômage partiel devra être prolongé après le 1er juin » objecte Cyril Chabanier en référence aux nombreux secteurs qui seront toujours à l’arrêt à cette date. « Pour le tourisme, l’hôtellerie, la restauration ou l’événementiel, il faut que ça se prolonge » insiste-t-il. Plus globalement, François Hommeril a plaidé auprès du gouvernement pour une renégociation des réformes de l’assurance chômage et de la formation professionnelle des deux années passées. « Il faut que l’on soit convoqués à renégocier tout ou partie de ces dispositions prises dans un climat social et économique qui n’a plus rien à voir avec celui que nous connaissons et que nous allons connaître » a-t-il insisté.

Reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle

Enfin, d’autres sujets ont été abordés comme la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle. Sur le sujet, Olivier Véran a annoncé le 21 avril que la pathologie due au nouveau coronavirus serait reconnue de façon « automatique » comme maladie professionnelle pour les soignants mais pas pour les autres catégories de travailleurs, qui devront se soumettre aux procédures classiques. Mais certains syndicats comme FO, la CFDT ou plus récemment la CFE-CGC réclament l’extension de cette reconnaissance à d’autres catégories. « Ce serait logique, même si le sujet est d’une grande complexité » assure François Hommeril pour qui il apparaît extrêmement difficile de « déterminer ce qu’est une maladie liée au Covid-19. » La CFTC s’y montre également très favorable, tout en mettant des garde-fous : « On ne peut pas limiter aux seuls soignants cette reconnaissance » plaide Cyril Chabanier. « Mais il faut être raisonnable et ne pas ouvrir une boîte de Pandore. » De l’avis des syndicats présents, le gouvernement semblerait favorable à un assouplissement de la mesure.

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