Déclaration de Macron post-grand débat : des annonces et peu de surprises

Déclaration de Macron post-grand débat : des annonces et peu de surprises

Selon le texte de l’allocution d’Emmanuel Macron sur la sortie du grand débat, le chef de l’Etat prévoit de baisser les impôts des classes moyennes, de réindexer les retraites sur l’inflation, un nouvel acte de décentralisation et le retour de la réforme constitutionnelle. Un mélange de pistes évoquées et de mesures déjà dans les cartons.
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Pour l’effet de surprise, c’est raté. Annulée au dernier moment lundi en raison de l’incendie de Notre-Dame de Paris, l’allocution d’Emmanuel Macron en guise de conclusion du grand débat a fuité dans la presse. Plusieurs médias ont donné peu ou prou les mêmes informations, avant que l’AFP s’y mette à son tour et lâche le projet d’allocution du chef de l’Etat. L’Elysée n’a ni confirmé, ni infirmé ces informations. On ne sait toujours pas quand l’allocution est reportée.

Pour « l’effet waouh » et les « mesures puissantes », on repassera en revanche. S’il faudra attendre de voir l’allocution définitive, les nombreuses pistes évoquées ces dernières semaines par les ministres ou le Président lui-même, tout comme les sujets exclus d’emblée, ont asséché tout effet de surprise. Certaines mesures n’en restent pas moins importantes, car synonymes d’une hausse du pouvoir d’achat.

Baisse des impôts pour « les classes moyennes »

Selon les extraits diffusés par l’AFP, Emmanuel Macron souhaite « baisser les impôts des classes moyennes » dès le début d’année prochaine. Reste à voir comment et si cela passera bien par l’impôt sur le revenu. Cette baisse serait financée par « la nécessité de travailler davantage et des réductions de notre dépense publique ». Pour le temps de travail, il faut voir s’il s’agira de supprimer un ou des jours fériés ou si la durée hebdomadaire du travail sera révisée. Sujet sensible…

Autre financement : la « suppression de certaines niches fiscales ». Autrement dit, ce sont des hausses d’impôt, qui pourraient toucher les plus fortunés, qui financerait en partie la baisse d’impôts pour la majorité. Ce serait une manière de se défaire de l’image de « Président des riches ». Mais Emmanuel Macron n’entend pas, comme prévu, revenir sur la suppression de l’ISF. Le Président demande cependant une « évaluation objective » de l'ISF dès le début de l'année 2020, à partir de laquelle il s’engage « à apporter toutes les modifications et corrections nécessaires ». Ce n’est pas une nouveauté. Cette évaluation, annoncée par le ministre Bruno Le Maire dès l’automne 2018, a été relancée en novembre dernier face aux débats sur l’ISF.

Le texte évoque aussi la prime exceptionnelle de 1.000 euros défiscalisée et sans cotisations sociales, décidée fin décembre 2018 avec d’autres mesures d’urgence. Elle va être « pérennisée » et ouverte aux employeurs « chaque année ».

Retraites de moins de 2.000 euros à nouveau indexées sur l’inflation

Le chef de l’Etat est attendu sur les retraités. Son projet d’allocution propose pour les retraites de moins de 2.000 euros la réindexation sur l'inflation, à partir du 1er janvier 2020. L’absence de suivi du niveau des retraites sur la hausse des prix était concrètement synonyme de baisse de pouvoir d’achat. Le gouvernement revient ainsi totalement sur une mesure annoncée qui avait provoqué notamment le courroux de la droite. Fin 2019, Emmanuel Macron avait déjà lâché du lest sur ce terrain, annonçant renoncer pour 2019 à la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros.

« Nouvel acte de décentralisation »

Alors que la crise des gilets jaunes est venue notamment de la France péri-urbaine et rurale, le texte s’emploie à répondre aux problèmes des territoires. Emmanuel Macron s’engage à ne plus décider « aucune fermeture d'école et d'hôpital jusqu'à la fin du quinquennat », « sauf demande des maires ». Prenant acte que « beaucoup de nos concitoyens ont le sentiment que leur territoire est abandonné », le chef de l'État souhaite « assurer la présence des services publics » et « ouvrir un nouvel acte de notre décentralisation ». Cela passerait par « plus de fonctionnaires sur le terrain ». Là aussi, ce n’est pas une surprise. La révision de la loi NOTRe, qui a organisé les grandes régions actuelles, était dans les cartons dès le début du grand débat.

« Nous allons dans chaque région lancer un travail profond avec les élus et les forces vives afin de simplifier le millefeuille de notre organisation selon le modèle adapté à chacun », précise-t-il, sans dire si le retour du Conseiller territorial, évoqué ces dernières semaines, était confirmé. Un « nouveau projet de décentralisation et de différenciation » est attendu « d'ici à la fin de l'année ».

Le retour de la réforme constitutionnelle avec un RIC local

Du côté institutionnel, là non plus, le chef de l’Etat ne propose pas un grand bing bang. Il propose toujours la baisse du nombre de parlementaires et « un scrutin plus juste et significativement plus proportionnel ». Deux promesses de campagne qui étaient déjà prévues dans la première version de la réforme constitutionnelle, examinée en partie l’été dernier.

La surprise du chef vient du Référendum d’initiative citoyenne (RIC). Dès le début du grand débat, Emmanuel Macron avait exclu d’accepter cette demande des gilets jaunes, y voyant une menace pour la démocratie représentative. Le chef de l’Etat reprend pourtant à son compte cette idée de RIC dans son allocution, mais limitée à « certains sujets d'intérêts locaux ». Mais ce RIC local risque d’être un effet d’annonce, car il existe déjà la possibilité pour les collectivités d’organiser des référendums d’initiative locale. Comme attendu, le référendum d’initiative partagé (actuellement en cours sur la privatisation d’Aéroports de Paris), dont les modalités rendent quasi impossible son application, sera simplifié.

Autre surprise, bien que parfois évoquée, là aussi : la suppression de l’ENA (Ecole nationale d’administration).

« Convention de 300 citoyens tirés au sort »

Une piste est confirmée : l’organisation d'une convention de citoyens tirés au sort pour permettre aux Français de « participer plus fortement à la décision ». Un principe déjà testé à la fin du grand débat dans les conventions régionales. « Dès le mois prochain », « une convention de 300 citoyens tirés au sort » serait installée. Elle sera chargée de « travailler à la transition écologique et aux réformes concrètes à prendre ». Un choix habile de la part du chef de l’Etat, qui laisse les citoyens trancher en partie le sujet très sensible de la fiscalité carbone.

Le projet de réforme constitutionnel, stoppé l’été dernier pour cause d’affaire Benalla, va donc reprendre. « Cette réforme constitutionnelle recentrée sur la participation des citoyens et notre organisation territoriale sera soumise par le gouvernement au Parlement à l'été. J'attends des assemblées qu'elles puissent trouver un aboutissement cette année », dit Emmanuel Macron dans le texte.

Pour aller au bout, la réforme de la Constitution doit être adoptée soit par référendum, soit par la majorité des 3/5 des suffrages exprimés au Parlement réunis en Congrès. Il faut au préalable que l’Assemblée nationale et le Sénat s’accordent sur le même texte, ce qui complique les choses, comme on l’a vu ces derniers mois.

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