Covid-19 : « L’Etat a été impuissant sur la première partie de la crise » martèle François Baroin
A quelques heures avant l’allocution du président de la République sur les premières mesures de déconfinement, les représentants des maires de France appellent l’Etat à ne pas réitérer les erreurs du printemps dernier.
L’annulation du 103e congrès des maires de France est une décision qualifiée « d’historique » par le président de l’Association des maires de France, François Baroin qui a rappelé que seules les deux guerres mondiales avaient jusqu’à présent motivé un tel choix. En 2015, les attentats du Bataclan et du Stade de France, avaient entraîné le report du congrès de quelques mois.
En cette période de crise sanitaire et quelques heures avant l’allocution du président de la République sur les premières mesures de déconfinement, les représentants des maires ont néanmoins fait entendre leur voix, lors d’une conférence de presse où étaient réunis, François Baroin, André Laignel (vice-président de l’AMF), Philippe Laurent (secrétaire général de l’AMF) et la maire de Paris, Anne Hidalgo.
« Vous êtes mieux informés que les maires »
Premier constat, depuis le début du quinquennat les relations entre le gouvernement et les maires n’étaient déjà « pas terribles » de l’avis même de François Baroin, la crise sanitaire n’aura fait que les aggraver. Comme il l’avait exprimé devant le Sénat la semaine dernière, le président de l’AMF a mis avant « la situation financière dégradée » des collectivités territoriales. « L’Etat a été impuissant sur la première partie de la crise du confinement de manière spectaculaire » a-t-il jugé rappelant les défaillances logistiques entourant l’acheminement des masques et des matériels de protection, que les collectivités ont dû prendre à leur compte.
En ce qui concerne les mesures liées au confinement et au déconfinement, François Baroin déplore que les maires les aient appris par la presse. « Vous êtes mieux informés que les maires » a-t-il lancé aux journalistes présents. Et si les maires ont pris des arrêtés municipaux pour permettre l’ouverture de commerces lors du deuxième confinement, « ils ne l’ont pas fait pour être hors la loi, mais pour être des lanceurs d’alerte » a-t-il souligné.
Faire des collectivités « les acteurs de la campagne de vaccination »
Et c’est bien ça le cœur du message des élus adressé à l’Etat : porter « une ambition décentralisatrice ». Pour ne plus revoir ces décisions prises trop rapidement et entraînent « un sentiment d’iniquité » entre les communes, François Baroin a indiqué qu’il allait écrire au gouvernement et au président de la République cette semaine, pour faire des collectivités « des acteurs de la campagne de vaccination » à venir.
« Aucun éclairage sur la façon dont la dépense Covid exceptionnelle va être traitée »
Autre message fortement porté par les représentants des élus : placer les collectivités au cœur du plan de relance. « Nous avons chiffré et c’est un chiffre bas, les pertes de ressources et les dépenses nouvelles pour les communes et les intercommunalités, à hauteur de 6 milliards […] Nous avons (en 2020) 2500 communes qui vont bénéficier de crédits de fonctionnement à hauteur de 230 millions. A cela s’ajoute en crédits d’investissements, 400 millions de dotations de soutien à l’investissement local » a comparé André Laignel.
« Il n’y aura pas d’investissements si les collectivités au même titre que les entreprises ne sont pas au cœur de cette relance […] Il n’y a pas de temps à perdre. Nous arrivons à la fin de l’année 2020 sans avoir aucun éclairage sur la façon dont la dépense Covid exceptionnelle va être traitée » a complété Anne Hidalgo.
Philippe Laurent a quant à lui constaté que dans le projet de loi de finances pour 2021 « il n’y avait rien sur la possibilité pour l’Etat de compenser la perte de recettes liée à la crise sanitaire » des finances locales. « Le gouvernement nous refuse la possibilité d’avoir une vision de plus de trois mois de nos finances locales ».
Le recul de l’autofinancement des collectivités fait également craindre un rendez-vous manqué avec la relance économique. André Laignel a dénoncé « la fin de toute autonomie fiscale, la nationalisation des impôts à marche forcée » en référence à la suppression de la taxe d’habitation et la baisse des impôts de production des entreprises. « Quand on prive les collectivités locales de la maîtrise sur leurs finances que leur reste-t-il de liberté ? L’Etat considère les budgets des communes comme des budgets annexes de l’Etat » a-t-il martelé.
Loi séparatisme : « Une défiance insupportable pour la totalité des maires »
Le futur projet de loi de lutte contre les séparatismes qui donnera la possibilité au préfet de se subsister au maire sur des décisions entourant la laïcité, est perçu comme « une stigmatisation ». « C’est une défiance insupportable pour la totalité des maires » a réagi André Laignel qui a rappelé que l’AMF est à l’origine d’un vade-mecum de la laïcité. François Baroin a, par ailleurs, indiqué, que l’AMF allait accompagner l’initiative lancée par Anne Hidalgo, d’une semaine de la laïcité.
Fin octobre, quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, la maire de Paris avait proposé qu’une semaine, dans toutes les écoles en France soit dédiée à la laïcité. « Je souhaite, en lien avec les Maires de France, qu’une semaine, dans toutes les écoles, les collèges et les lycées de France, soit dédiée à la laïcité et aux valeurs de la République autour du 9 décembre, journée nationale de la laïcité » avait exposé Anne Hidalgo dans une tribune publiée dans Libération.
La maire de Paris a par ailleurs reproché récemment aux élus EELV de ne pas avoir voté une délibération pour qu’un lieu de la capitale porte le nom de l’enseignant. Ce que contestent les élus écologistes.
Enfin, la maire PS de Paris a réagi aux images de l’évacuation d’un camp de migrant place de la République, lundi soir. « Ce que nous avons vu hier […] est profondément choquant. J’ai écrit au ministre de l’Intérieur pour lui demander des explications » a-t-elle indiqué (voir notre article).
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.