À quoi reconnait-on une situation « préoccupante » ? Lorsqu’Olivier Véran est dépêché sur place. Ce vendredi, le ministre de la Santé s’est rendu en Moselle pour s’entretenir avec les élus locaux et procéder à une visite de terrain. Dans le département, un nombre important de cas de variants sud-africains et brésiliens du covid-19 ont été détectés, risquant de mettre à mal la relative stabilité du pays sur le plan épidémiologique. En Moselle, « plus de 300 cas de mutations évocatrices de variants sud-africains et brésiliens » ont été identifiés au cours des quatre derniers jours, a annoncé Olivier Véran jeudi lors d’un point de presse hebdomadaire sur la crise sanitaire. « Il y avait déjà 200 cas supplémentaires identifiés les jours précédents », a-t-il ajouté.
Au-delà de la présence des deux variants, la Moselle est également l’un des départements métropolitains avec le taux d’incidence le plus élevé : 290 cas positifs pour 100 000 habitants entre le 2 et le 8 février, contre une moyenne de 201 pour la France.
Les sénateurs mosellans sont très inquiets mais divisés sur les mesures à prendre. Jeudi soir, le préfet a tenu une réunion avec tous les élus locaux. « La patronne du Centre hospitalier régional nous a alertés comme pour la première vague. Tout le monde était inquiet. Les élus médecins alertaient sur la dangerosité de ces variants. On a des écoles qui ferment », rapporte Jean-Marc Todeschini, sénateur socialiste de Moselle. Il y a une semaine déjà, le président LR de la région Grand-Est alertait sur la situation sanitaire mosellane. « Aujourd’hui, je ne comprends pas les chiffres de la Moselle. Je ne sais pas pourquoi des endroits brûlent plus que d’autres. Cela justifierait un renforcement des mesures très localisées », insistait-il chez Public Sénat le 5 février.
Débat sur le reconfinement
Quitte à mettre en place un confinement local ? Le maire (Les Républicains) de Metz, François Grosdidier, s’y est dit jeudi sur BFM-TV favorable. Depuis, l’ancien sénateur pousse avec vigueur dans ce sens. « Si ça se confirme avec ces centaines de cas et en plus avec les variants africains, brésiliens, sur lesquels le vaccin est manifestement inopérant, oui il faut prendre ces mesures, a-t-il ajouté. Même sur un plan économique, social et moral, il vaut mieux des mesures fortes, mais courtes, que des mesures qui se prolongent dans le temps et qui sont sans effet », expliquait-il. Jean-Marc Todeschini est lui aussi plutôt favorable à un reconfinement local. « On voit bien que le pari du couvre-feu ne fonctionne pas, il est perdu. Si on n’a pas d’autres solutions, il faut reconfiner », souffle-t-il. Lui qui a passé deux mois sous oxygène après avoir été atteint du covid-19, observe que beaucoup d’élus partagent cet avis.
D’autant que la situation reste inexplicable. « Je vous mets au défi de trouver quelqu’un qui me l’explique. Les 300 cas n’ont pas voyagé. On n’a pas d’explication », constate Jean-Marc Todeschini. Jeudi, Olivier Véran affirmait n’avoir « pas d’explication à cet élément ». Les cas en Moselle ne peuvent pas tous être reliés à des foyers de contagion groupés (clusters), à des voyages à l’étranger ou à des contacts avec des personnes ayant voyagé, ce qui pourrait indiquer un début de diffusion non maîtrisée de ces variants dans la population, a-t-il précisé. Les autres départements français sont beaucoup moins touchés par ces deux variants, avec une proportion « de l’ordre de 4 % à 5 % » de l’ensemble des cas positifs à l’échelle du pays.
Plusieurs scénarios ont été discutés jeudi soir à la préfecture, dont un couvre-feu avancé le week-end et la fermeture, dès lundi, des établissements scolaires, ce qui reviendrait à avancer d’une semaine les vacances, censées débuter dans cette zone le samedi 20 février. Patrick Weiten (Union des démocrates et indépendants), le président du conseil départemental de la Moselle, a estimé vendredi sur BFM-TV que « le confinement ne suffira pas ». Il plaide plutôt pour une vaccination massive. Sénatrice apparentée centriste du département, Christine Herzog va plutôt dans ce sens. « On entend beaucoup les maires de grandes villes. Mais je ne suis pas d’accord pour les fermetures de classes et un confinement pour les petites communes. C’est très flou. Encore une fois le gouvernement n’est pas clair », tance-t-elle. Elle préconise d’accélérer la vaccination. « Il faut vacciner les actifs. Et confiner les plus fragiles, les personnes âgées. La plupart ce sont des personnes âgées qui sont hospitalisées », souligne-t-elle.
L’élue reste en désaccord total sur la nécessité d’un reconfinement. Comme son collègue sénateur centriste Jean-Marie Mizzon. « Je suis favorable à ce qu’on intensifie la vaccination sur les secteurs les plus touchés dans le département. On pourrait bénéficier à titre dérogatoire de doses supplémentaires. Le confinement, ça fait beaucoup de dégâts », remarque-t-il. Tous deux proposent que les vacances scolaires soient « anticipées d’une semaine ».
« 2000 doses supplémentaires de vaccins supplémentaires »
Les mêmes discussions se sont poursuivies ce vendredi après-midi avec le ministre. « Tout le monde a dit ce qu’il avait à dire, mais on n’en sait pas plus », rapporte Christine Herzog. « Il y a eu une grosse discussion sur un confinement ou non. Le président du conseil départemental est pour un couvre-feu à 16 heures. François Grosdidier a beaucoup insisté sur un confinement total ». Selon elle, l’avancement des vacances a fait l’unanimité. Les écoles pourraient donc fermer dès lundi.
À la sortie de la réunion, Olivier Véran s’est exprimé. « L’essentiel des cas concerne le nord de la Moselle. Certaines contaminations correspondent à des clusters. Mais beaucoup sont des contaminations individuelles et ce ne sont pas des gens qui ont voyagé », a-t-il de nouveau précisé. Du reste, le ministre a annoncé l’intensification de la politique de test et le renforcement de la politique de vaccination en Moselle. « 2000 doses supplémentaires de vaccins Moderna seront mises à disposition dans les prochains jours », a-t-il assuré. Quant à des mesures restrictives supplémentaires, il n’y a pas de « consensus », donc « la consultation continue ». Selon Christine Herzog, une décision sur un éventuel reconfinement local doit être arbitrée dans la soirée à l’Elysée.