Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Coronavirus : la communication du gouvernement brouille les pistes
Par Alizé Boissin
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Depuis le début de l’épidémie du Covid-19, la méfiance des Français envers l’État ne cesse d’augmenter… jusqu’à atteindre des sommets. Selon un sondage Elabe, publié le 1er avril, seulement 41% des Français font confiance au pouvoir pour « lutter efficacement contre l’épidémie ». C’est 18 points de moins en deux semaines. Mais plus impressionnant encore, près de deux Français sur trois pensent que le gouvernement leur ment sur la gestion de l’épidémie : 63% estiment qu’on leur « cache des choses », selon un sondage OpinonWay datant du 30 mars ; 70% que l’État ne dit pas la vérité aux Français (étude Odoxa).
Un discrédit qui n’étonne pas François Patriat, chef du groupe La République En Marche au Sénat : « Il y a toujours eu de la méfiance à l’égard des politiques, rien de nouveau ».
Double discours
Pour le sénateur de la Haute-Saône, Alain Joyandet (LR), la cause de la défiance vient avant tout de mesures contradictoires dictées par le gouvernement : « On dit aux gens de se confiner le samedi et en même temps d’aller voter pour le premier tour des municipales le lendemain, ça laisse des traces sur la population. » Un constat que partage un autre sénateur de la majorité, François Grosdidier (Moselle) : « Du côté de Bercy, on est encouragé à aller travailler, de l’autre on prône le confinement ». Interrogé sur ce sujet, François Patriat défend une politique « évolutive, qui sait s’adapter ».
Pour le communicant Philippe Moreau-Chevrolet, la parole politique pâtit de « l’extrême mauvaise communication du gouvernement au début de la crise ». Selon lui, la défiance actuelle est alimentée par un double phénomène : « Avoir minimisé la crise au début et cacher la réalité sur nos moyens disponibles ».
Le spécialiste pointe du doigt la multiplication désordonnée des prises de parole, et ça dès le début : « Il y a une véritable indiscipline dans la prise de parole. Tout le monde communique dans son coin en disant n’importe quoi ». Une kyrielle d’interlocuteurs qui laisse place aux dérapages. La semaine dernière, les propos du Préfet de police Didier Lallemant, sur un soi-disant lien entre les admissions en réanimation et le non-respect du confinement, a alimenté ce cafouillage : « Je ne comprends pas qu’on puisse laisser le préfet de police Didier Lallemant s’exprimer sur ce dossier » explique Philippe Moreau-Chevrolet. Autre exemple pour le communicant, la prise de parole du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, annonçant la pire récession économique en France depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale « et de l’autre côté, Édouard Philippe assure soutenir l’économie et pense déjà à l’après crise ».
Pour la gauche sénatoriale, la défiance actuelle est plus profonde. Certains tirent la conclusion des mesures mises en place par le quinquennat d’Emmanuel Macron : « ce sont tous les principes macronistes qui sont remis en cause : la réduction des dépenses publiques, la diminution des contributions fiscales, les économies sur le service public. Le libéralisme technocratique est remis en cause avec cette crise » explique le sénateur socialiste Rémi Féraud.
Volte-face
Un manque de crédibilité difficile à assumer pour l’exécutif au moment où il doit convaincre la population de respecter les gestes barrières sur le long terme. L’opposition critique notamment la volte-face du gouvernement concernant le port du masque. Au début de la crise, ils n’étaient jugés utiles que pour les malades et les soignants, désormais les autorités encouragent l’ensemble de la population à en porter : « Ce genre de revirement nous laisse penser qu’on ne nous dit pas la vérité (…) le gouvernement paye sa contradiction. » conclut François Grosdidier.
Du côté du parti La République en marche, on reconnaît, sous couvert d’anonymat, des manques sur ce sujet. « Imaginez si on avait dit aux gens que la pandémie allait créer une apocalypse, qu’on manquait de masques, ça aurait été incapable à gérer ! » s’exclame un sénateur macroniste, avant de se désoler : « En période de crise, il y a toujours des boucs émissaires »
Humilité
Pourtant depuis quelques jours le gouvernement a changé de stratégie politique et prône désormais la clarté et « la transparence ». Le Premier ministre a multiplié les prises de parole. Face à l’Assemblée nationale, Édouard Philippe a joué cartes sur table en affirmant : « Nous ne savons pas tout ». Autre illustration, le 2 avril, sur TF1, il a reconnu des « vraies difficultés » auxquelles se heurte la France pour s’approvisionner en masques, ainsi que « des tensions très fortes » sur certains médicaments. Une nouvelle méthode de communication à double tranchant. Pour le politologue Jean Petaux : « L’État qui se montre incertain, comme le fait Édouard Philippe lors de sa dernière allocution, peut être salué mais la conséquence perverse c’est l’inquiétude créée pour les gouvernés (…) on se demande s’il y a un capitaine à bord ».
Pour le communicant Philippe Moreau-Chevrolet, ce changement de stratégie est bénéfique : « Il faut mieux adopter cette stratégie que de mentir et c’est relativement nouveau chez les élites françaises d’adopter ce genre de comportement ». Il reste optimiste « Ce changement de communication arrive un peu tard mais cela paiera par la suite. »
Du côté de la gauche, on regrette que ce « discours d’humilité » ait tardé. Si les sénateurs de tous bords rappellent que l’heure est à l’unité nationale : « Le moment du bilan sera nécessaire, une fois la crise passée » conclut Rémi Féraud.