Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Comment Patrick Kanner a été élu à la tête du groupe PS du Sénat
Par Public Sénat
Publié le
Pas de révolution de Palais au Sénat. L’ancien ministre des Sports, Patrick Kanner, a été élu président du groupe PS de la Haute assemblée, avec 47 voix contre 25 pour Laurence Rossignol, sénatrice de l’Oise. Une large victoire au sein de ce groupe de 78 sénateurs, qui a limité la casse aux dernières sénatoriales. C’est aussi une forme de continuité. Le sénateur du Nord avait le soutien des élus proches de Didier Guillaume. L'ancien patron des sénateurs PS a annoncé la semaine sa démission surprise, un peu plus de trois mois après sa réélection, entrainant une campagne interne expresse. Jean-Marc Todeschini, qui avait été tenté d’y aller si tout le monde acceptait de se ranger derrière lui (voir notre article), et Jean-Pierre Sueur, ont finalement renoncé à se présenter.
« Je vais m’y consacrer à fond »
« C’est une très forte responsabilité » avec « un vote net », a réagi à la sortie Patrick Kanner. « Je vais m’y consacrer à fond ». Regardez (voir la vidéo, images de Samia Dechir) :
C’est à Lille qu’il s’engage en politique dans le sillon de Pierre Mauroy. Il sera par la suite un soutien de François Hollande. Au sein du PS local, il s’oppose à Martine Aubry. De 2011 à 2014, il dirige le conseil départemental du Nord, avant de faire son entrée au gouvernement Valls en tant que ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, de 2014 à 2017. En septembre dernier, il est élu sénateur du Nord aux sénatoriales.
Les candidats ont eu peu de temps pour mener campagne. Ce qui a pu aussi être favorable au sénateur du Nord. « C’est pas mal de préparer les choses sur un temps court » souligne un socialiste. Ce qui laisse moins de temps pour faire bouger les lignes. Patrick Kanner n’a cependant pas ménagé sa peine. Il a contacté tous les sénateurs du groupe, ou presque. Il n’a manqué que deux sénateurs à son tableau de chasse. Ce qui fait « 75 sénateurs contactés en trois jours ». Reste que son élection peut surprendre quand on connaît les habitudes de la Haute assemblée, où les présidents de groupe ne se trouvent pas dans les nouveaux arrivants. « C’est une situation quasi historique » se réjouit Patrick Kanner.
Laurence Rossignol : « C’est comme le football. A la fin, c’est toujours un homme qui gagne »
L’élection d’une femme à la tête du groupe aurait aussi été une première. Mais Laurence Rossignol, qui avait déjà échoué face à Didier Guillaume en septembre dernier, totalisant 22 voix, n’a pas réussi son pari. « C’est comme le football. A la fin, c’est toujours un homme qui gagne » lâche l’ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, en quittant la salle. Regardez :
Résultat qui a entraîné ces tweets ironiques de la sénatrice de Paris, Marie-Pierre de la Gontrie. Celle qui a soutenu Laurence Rossignol ne cache pas son mécontentement.
Pour Patrick Kanner, aujourd’hui à la tête d’un groupe qui compte 50 hommes pour 28 femmes, l’argument n’est pas valable. « Le vote ce matin, ce n’est pas un vote de type un homme contre une femme. (…) Il y a eu un choix qui n’a pas porté sur le sexe, du moins je l’espère, mais sur le projet politique, la personnalité, les propositions que j’ai pu faire. (…) Je n’ai pas considéré que c’était un combat de sexe, mais une compétition politique » soutient le nouveau président de groupe. Il souligne que son deuxième vice-président du groupe est une vice-présidence, avec Laurence Harribey, sénatrice de Gironde. Mais son premier vice-président est un homme : Jean-Pierre Sueur.
« Réunion de cadrage » d’une quarantaine de sénateurs
Un dispositif arrêté mardi matin, avant la réunion de groupe, lors d’une première « réunion de cadrage » avec une quarantaine de sénateurs de la « ligne centrale ». Le principe d’une primaire interne, pour départager Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur notamment, avait même été évoqué hier. Mais l’idée a été écartée. « On a senti que Jean-Pierre Sueur pensait se porter candidat. On a fait en sorte qu’il n’y ait pas de division. On s’est parlé en amont » raconte un participant de cette réunion. La tendance social-démocrate du groupe s’est souvenue qu’en raison de sa division, les deux postes de vice-présidents du Sénat, réservés au PS, avait été après les sénatoriales remportés par Marie-Noëlle Lienemann et David Assouline, deux représentants d’une ligne plus à gauche.
Après la réunion de groupe, Didier Guillaume, qui va prendre les rênes de l’organisation de la Coupe du monde de Rugby dans sa nouvelle vie, ne s’attarde pas. Il salue juste « un très bon successeur ». Après les fortes tensions internes de la rentrée, liées à sa position constructive envers l’exécutif, une sénatrice apprécie « le bel état d’esprit. Ça change d’une situation pas si éloignée que cela ».
« Le lobby des présidents de conseils départementaux »
Un sénateur s’essaie à l’analyse du scrutin. Il voit dans l’élection de Patrick Kanner la conjonction « de multiples facteurs » et autres réseaux : « Des amitiés anciennes. C’est beaucoup une question de personnalité. Il est agréable quand Laurence a un peu un côté papier de verre ». Certains lui reprochent en effet d’être parfois clivante ou trop tranchante ; « le lobby des présidents de conseils départementaux », « la géographie aussi » et « en plus, un peu le côté hollandais ».
La « lignée », en effet, ne fait pas de doute : entre Jean-Pierre-Bel, François Rebsamen, Didier Guillaume puis maintenant Patrick Kanner, le groupe PS du Sénat continue de placer à sa tête des hollandais, même si les courants ont aujourd’hui moins de sens. L’intéressé, lui, corrige :
« Vous n’avez pas devant vous un hollandais, vous avez un président de groupe qui souhaite rassembler les différentes sensibilités ».
Pour le reste, Patrick Kanner ajoute : « Je vous rassure, il n’y a pas de complot des anciens présidents de départements. Mais il y a des histoires, du respect ».
« Il faudra peser dans les instances nationales du PS »
Pour rassembler tous les sénateurs socialistes, Patrick Kanner continuera de s’appuyer sur la ligne arrêtée en octobre. Si elle manque de clarté, elle a l’avantage de rassembler. « Dans l’opposition à la majorité sénatoriale, même si parfois nous pouvons nous retrouver comme sur la situation des bayeurs sociaux. (…) Vis-à-vis du gouvernement, (…) il est clair, nous nous opposerons quand nous estimons que les mesures sont contraires à l’intérêt du pays, (…) quand on creuse les écarts entre Français par la fiscalité par exemple. En même temps, nous serons attentifs à d’autres positions qui peuvent être conformes aux intérêts du pays » explique le sénateur du Nord.
Patrick Kanner était même encore plus ouvert à Emmanuel Macron il y a quelques mois. Dans un entretien donné à « l’Agence Presses Jeune » et daté du 7 mai dernier, soit deux jours après l’élection du Président, il se disait prêt à faire partie du gouvernement d’Emmanuel Macron, « sous réserve, bien sûr, que le projet politique ne soit pas contraire à (ses) valeurs », lui souhaitant de « réussir ». « Mais je pense que l’hypothèse est très faible. Il faudra aussi voir la nomination du premier ministre » affirmait-il. Regardez :
Des propos tenus avant la nomination d’Edouard Philippe, avant les ordonnances sur le code du travail et avant la réforme de l’ISF. Et avant d’être élu président du groupe PS du Sénat. Aujourd’hui, celui qui a annoncé son soutien à Stéphane Le Foll a décidé de se mettre en retrait du congrès. Ce qui n’empêche pas d’avoir des ambitions pour la rénovation de son parti dans les années à venir. Après le congrès, il souhaite que le groupe PS du Sénat y « prenne toute sa place », « il faudra peser dans les instances nationales du PS. (…) Il faut, y compris par la personnalité du président de groupe, l'équipe qui l'entoure, peser sur cette reconstruction de nos valeurs, sur cette rénovation, cette incarnation dont nous avons naturellement besoin ».