La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Circulaire Castaner : le seuil de la discorde des élections municipales
Par Public Sénat
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« Nous apprenons que le Conseil d’État, devant le sérieux du recours que j'ai initié contre la circulaire Castaner, avec deux élus locaux de l'Ain, a décidé de passer en formation collégiale, composée de plusieurs magistrats. L'audience a par conséquent été décalée au 29 janvier ». Sur Twitter, le président du groupe LR de l’Assemblée nationale, Damien Abad ne cache pas son optimisme sur les chances de voir la circulaire polémique du ministère de l’Intérieur être annulée.
Transmis aux préfets en décembre, le document provoque l’indignation des partis d’opposition qui fustigent « une manipulation » des résultats des élections municipales.
Comme nous l’expliquions la semaine dernière, cette circulaire donne instruction aux préfets d’arrêter de donner une attribution politique aux maires nouvellement élus qui n’auront pas donné d’étiquette politique lors du dépôt de leur liste dans les communes de moins de 9 000 habitants. « Un travail de nuançage » qui offre la possibilité au préfet de rechercher un certain nombre d’éléments (connaissance historique des candidats, programme du candidat, investiture ou soutien reçu NDLR) qui permettent de donner une attribution politique ne serait donc plus appliqué dans près de 97% des 35 382 communes de France.
Lors de ses vœux devant la presse parlementaire, Gérard Larcher, le président du Sénat, l'avait jugée « non conforme aux valeurs démocratiques. Joignant le geste à la parole, le parti LR, par l’intermédiaire de deux élus de l’Ain, a saisi le Conseil d’État d’un recours en suspension de cette circulaire.
« Une circulaire ne peut abroger les dispositions d’un décret antérieur »
Contacté par publicsenat.fr, le président de la Haute Autorité de LR, l’avocat à la cour, Me Henri de Beauregard, qui porte cette requête devant le juge administratif, pointe tout d’abord un problème de hiérarchie des normes. Il rappelle que jusqu’à présent, c’est un décret qui fixe les seuils à partir duquel les préfets procèdent au « nuançage » des listes et des candidats. De 3.500 habitants en 2008, il a été abaissé à 1.000 en 2014. « Or, ce décret de 2014 n’a toujours pas été abrogé. Il a été pris après avis du Conseil d’État et consultation de la CNIL (Commission nationale informatique et libertés), car le nuançage touche à des données à caractère personnel et participe à l’information des citoyens. Dans les communes de 1000 à 9000 habitants, les citoyens n’auront plus cette information. Vous avez là deux textes contradictoires. Et une circulaire ne peut abroger les dispositions d’un décret antérieur. À partir du moment où cette circulaire a des effets réglementaires, nous pensons être fondés à demander sa suspension devant le Conseil d’État » explique Henri de Beauregard.
Lors des questions d’actualité du 9 octobre dernier, Christophe Castaner avait justifié ce prochain changement de seuil dans l’attribution politique des candidats car selon lui, ce système n’était pas adapté aux plus petites communes. Il envisageait, à l’époque, un nouveau seuil compris entre 3 500 (comme lors des municipales de 2008) et 9 000 habitants.
« Dans les communes entre 3 500 et 9 000 habitants, il y a une expression souvent politique »
L’exécutif a finalement choisi la fourchette haute et c’est bien tout le problème. « C’est une aberration. Autant j’aurais compris si la circulaire concernait les communes de moins de 3 500 habitants, où effectivement il y a peu ou pas de listes politiques. Mais dans les communes entre 3 500 et 9 000 habitants, il y a une expression souvent politique (…) Considérer que dans ces communes, on fait ce qu’on veut et on occulte les sensibilités politiques… La réalité, elle est simple. C’est que M. Castaner sait très bien que les listes En Marche, s’il y en a, dans les communes de moins de 9 000 habitants, elles ne feront quasi rien. Et donc, on verra clairement l’absence de maillage dans les territoires d’En Marche. Ce n’est pas acceptable pour la démocratie » juge le sénateur LR des Hauts de Seine, Roger Karoutchi.
« Le seuil de 9 000 habitants correspond à l’obligation pour le candidat de déclarer un mandataire financier. Mais quel est le rapport avec la nuance politique ? » s’interroge le président de la Haute autorité de LR.
« 3 500 habitants ou 9000, je m’en fiche »
Dans un communiqué, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) a salué la circulaire de Christophe Castaner qui « met un terme aux pratiques d’un autre temps des services préfectoraux, chargés pour l’État d’affubler toutes les listes d’une étiquette politique en attribuant une nuance politique aux candidats ayant déposé une liste sans étiquette. L’AMRF rassemble les élus des communes de moins de 3500 habitants, raison pour laquelle, contacté par Public Sénat, Michel Fournier, premier vice-président de l’AMRF confie : « 3 500 habitants ou 9000, je m’en fiche. Ce qu’on ne veut pas c’est que le préfet nous accole absolument une nuance politique alors qu’on n’en veut pas. Par contre, je peux vous dire que s’il y avait une nuance MCT, pour Mouvement de Considération pour les Territoires, beaucoup de candidats y seraient classés ».
Les associations d’élus locaux ne sont en effet pas tous sur la même ligne sur cette question de seuil. La semaine dernière, André Laignel, vice-président socialiste de l’Association des maires de France avait qualifié cette circulaire de « médiocre manœuvre politique ».
Autre sujet de polémique contenu dans cette circulaire, la grille de nuances de classement (une vingtaine) transmise aux préfets. Elle va de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par gauche, droite ou centre. Mais la nouvelle nuance, LDVC (liste divers centres) ne cesse de crisper l’opposition. Elle concerne « les listes d’union entre plusieurs partis dont au moins LREM ou le Modem » ainsi que les « listes de candidats qui, sans être officiellement investies par LREM, ni par le Modem, ni par l’UDI, seront soutenues par ces mouvements ». Un maire sortant LR ou PS, qui bénéficie du soutien, mais pas de l’investiture de LREM, et qui n’a pas de liste de la majorité présidentielle face à lui, pourrait ainsi se retrouver comptabilisé du côté de la majorité (voir notre article)
« Cette nuance veut transposer au niveau local, une supposée majorité présidentielle » considère le président de la Haute autorité de LR qui pointe une « grave atteinte à l’égalité des formations politiques ».