Chasse à courre : vers une interdiction ?

Chasse à courre : vers une interdiction ?

Alors que 84% des Français s’opposent à la chasse à courre, la sénatrice Laurence Rossignol a déposé, le 22 novembre, une proposition de loi visant à interdire cette pratique.
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Par Jules Duribreu

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En octobre, la poursuite d’un cerf durant une chasse à courre dans une forêt de l’Oise avait conduit l’animal à se réfugier dans le jardin d’un riverain. Le cerf avait été alors abattu dans un jardin privé. La scène, filmée et diffusée par des militants anti-chasse, avait créée une vive émotion, tout en relançant le débat sur cette pratique interdite dans plusieurs pays d’Europe.

Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, avait dénoncé « une pratique d’une autre époque » tandis que l’ancienne présidente du Medef, Laurence Parisot, s’était publiquement prononcée pour l’interdiction de la chasse à courre.

La chasse à courre est un mode de chasse consistant à poursuivre, à l’aide d’une meute de chien, un animal sauvage jusqu’à l’épuisement, la mise à mort étant faite à la dague ou à l'épieu. Si les partisans avancent une tradition séculaire se rapprochant le plus de la prédation naturelle, ses opposants dénoncent « des conditions de fatigue et de stress ne permettant pas une mort rapide et sans souffrance pour l'animal. »

Sur ce point, François Patriat, président du groupe LREM du Sénat et membre du groupe d’étude Chasse, rappelle que « contrairement à la caricature qu’on voudrait en faire, la chasse à courre est une chasse qui tue peu, qui laisse une chance à l’animal, une chance de s’échapper et de s’en sortir. »

« Une pratique d’une grande brutalité »  selon la sénatrice Laurence Rossignol

Cependant, le débat reste visiblement d’actualité puisque le 22 novembre, la sénatrice PS Laurence Rossignol a déposé une proposition de loi visant à interdire la chasse à courre en France, à compter du 1er juin 2018.

L’ancienne ministre de François Hollande souligne la « grande brutalité de cette pratique » estimant que la chasse à courre « n'est qu'un jeu barbare pratiqué par quelques initiés. » Un constat partagé par le porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, Christophe Marie : « La chasse à courre est une pratique de quelques-uns, qui est un pur loisir avec aucune vocation de régulation des populations comme peut le faire la chasse traditionnelle »

Une souffrance accrue pour l’animal

Loin d’une mise à mort rapide de l’animal, cette méthode de chasse, selon la sénatrice socialiste, générerait « des douleurs pour l'animal poursuivi. Les examens biochimiques effectués sur des échantillons de muscle et de sang de cerfs victimes sont caractéristiques d'un grand stress et de souffrances spécifiques. »

Des relations problématiques avec les riverains et les promeneurs

Outre la question du bien-être animal, la sénatrice PS pointe aussi les conflits entre chasseurs et promeneurs, « L'occupation des routes et des chemins forestiers par les équipages de chasse provoque également des différends sérieux avec les promeneurs et les automobilistes. »  mais surtout entre chasseurs et riverains, lorsque l’animal acculé se réfugie sur une propriété privée. « Les conflits entre les veneurs et les riverains ne sont pas rares. Les cerfs vont se réfugier dans les jardins, et les habitants qui tendent à vouloir protéger l’animal se heurtent aux veneurs qui font valoir leur droit de suite. »   

« Le droit de cuissage est aussi une tradition séculaire »  

Et face à ceux qui verraient dans la chasse à courre une tradition séculaire, Laurence Rossignol estime l’argument peu recevable : « Le droit de cuissage, les combats de chiens, les lancers de nains, sont aussi des traditions séculaires à ce niveau là. Tous les loisirs de l’homme, fussent-ils séculaires, ne sont pas à automatiquement légitimes. »

Les Français massivement opposés à la chasse à courre

Enfin, à l’appui de sa proposition de loi, Laurence Rossignol avance une évolution notable de la société et des mentalités. Ainsi, selon un sondage de l’IFOP, publié ce jeudi, 84% des Français se prononcent pour l’interdiction de la chasse à courre, chiffre en hausse de 11 points par rapport à la précédente enquête de 2005.

Une diminution du nombre des chasseurs

De plus, la pratique de la chasse classique, au fusil, connaît également un déclin : le nombre de chasseurs ne cesse de diminuer en France, passant de 2 à 1.3 millions en moins de trente ans, et cela malgré les facilités d’obtention de permis de chasse. Si en nombre d’adhérents, la chasse reste le deuxième “sport” après le foot, 79 % des Français sont favorables à la réduction de sa durée et 82 % des sondés se prononcent en faveur du dimanche comme journée non chassée.

A l’inverse, le nombre de personnes pratiquant  la chasse à courre, lui, augmente avec 10 000 licenciés supplémentaire par rapport à 2008. Pour autant, ce chiffre serait trompeur selon Laurence Rossignol, puisque les pays limitrophes ont interdit la chasse à courre, de nombreux veneurs étrangers viendraient chasser en France. Une position partagée par le porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, Christophe Marie : « Une nouvelle catégorie d’équipage étranger vient chasser en France. Il ne s’agit en aucun cas d’un nouvel engouement des Français pour cette pratique. La France doit arrêter de récupérer toutes les traditions cruelles abolies ailleurs ». Néanmoins, pour François Patriat, il y aurait un véritable engouement sur la chasse à courre. « Il suffit de se rendre à une chasse à courre pour voir que beaucoup de monde accompagne cette chasse, à pied ou à vélo par exemple. »

Un sujet loin d’un consensus politique

Si une proposition similaire d’interdiction avait été déposée en 2005 par des députés UMP et en 2013 par des députés écologistes, cette nouvelle tentative ne semble pas avoir plus de chances d’aboutir. Surtout que pour François Patriat, la priorité n’est pas là :« Je pense que le parlement doit avoir d’autres priorités aujourd’hui, ce n’est pas le moment pour intervenir sur un sujet que je trouve, à titre personnel, secondaire » De plus, avec une majorité de droite et du centre et une bonne représentation des intérêts des chasseurs au sein du Sénat, théoriquement, l’interdiction de la chasse à courre ne devrait pas venir de la chambre haute.

En outre, à la surprise de beaucoup, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir rouvrir les chasses présidentielles, fermées en 2010 par Nicolas Sarkozy. Quelques journées dans l'année, une trentaine de personnalités invitées en raison de leur influence, des politiques, des hauts-fonctionnaires, des dignitaires étrangers ainsi que des grands patrons, se retrouvaient pendant un week-end pour aller chasser l'oiseau ou le sanglier dans les domaines présidentiels de Rambouillet, Marly ou Chambord. Sur ce point François Patriat appelle lui aussi de ses voeux la réouverture de ces chasses. « Une journée de chasse à Chambord, c’est un formidable outil diplomatique, ça participe véritablement au rayonnement de la France auprès de chefs d’entreprise ou de dirigeants étrangers. »

De fait, l’évolution sur ce sujet pourrait venir d’ailleurs, comme le souligne Christophe Marie : « En France, la chasse a été pendant longtemps intouchable. Ce que nous essayons de faire, c’est de faire prendre conscience aux Français de la cruauté de ces pratiques, et c’est le cas, on y arrive, les mentalités changent et le sondage le montre. On appelle donc le politique à prendre lui aussi conscience de ce changement, de cette attente, et à arrêter de se soumettre tout le temps à l’immobilisme du lobby des chasseurs »





 

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