C’est aujourd’hui la journée mondiale des réfugiés. Une journée qui se déroule dans un contexte de crise migratoire aiguë en Europe et dans le reste du monde.
« Ce n’est pas en construisant des forteresses que l’on va durer longtemps dans cette situation » prévient Rony Brauman, ancien président de Médecins Sans Frontières (MSF). « L’enjeu primordial (…) c’est d’organiser à l’échelon global (…) les mouvements de population. Ceux-ci durent depuis que l’humanité existe, ils ne vont pas s’arrêter (…) Sachant que la plus grande partie, plus de 90 / 95% de la mobilité, se fait à l’échelon local. Ce sont des gens qui se déplacent dans leur pays ou dans les pays frontaliers autour d’eux. Et une toute petite partie, d’ailleurs généralement des gens (…) plus éduqués (…), cherche à gagner un autre pays (…) Cette mobilité-là, il faut l’organiser. Elle est possible à organiser, des pistes existent, des cadres de travail ont déjà été fixés. Mais l’ambiance du moment, l’hystérie avec laquelle cette question est traitée, rendent pour l’instant cet enjeu tout à fait inaudible. »
Interrogé sur le fait que l’opinion publique française semble majoritairement réfractaire à l’idée d’accueillir les réfugiés de l’Aquarius, Rony Brauman répond : « Je vois que la société est partagée. Elle l’a toujours été (…) Le sondage dont il a été question, montre qu’il y a (…) entre 40 et 50% de gens qui sont plutôt favorables ou franchement favorables à l’accueil des migrants. Cela veut dire quelque chose tout de même ! Cela veut dire que l’esprit d’ouverture, l’idée qu’un pays ne peut pas vivre entièrement replié sur lui-même, mais doit être accueillant, n’est pas mort. »
Pour l’ancien président de Médecins Sans Frontières, face au repli et aux peurs d’une partie de la population, les dirigeants se doivent de « rassurer » et de « donner des axes » : « La question de la migration et donc l’enjeu de la mobilité à l’échelle mondiale, est un enjeu absolument primordial. Il est d’ordre économique, d’ordre social, d’ordre culturel. C’est d’une certaine manière, une partie de notre avenir à tous, qui se joue là. Prendre cette question par le petit bout de la rétraction purement défensive, c’est à mon avis, se tromper. »
Interrogé également sur le projet de loi asile et immigration, discuté en ce moment au Sénat, Rony Brauman déclare : « Dans son esprit général, il est répressif, il est défensif. Il ne manifeste pas les signes d’ouverture, qui sont des signes d’ouverture politique. Je ne parle pas simplement d’ouverture humanitaire. Quoi que, cela compte ! Parce que (…) la valeur d’une société se juge aussi à la manière dont elle traite les plus faibles, les plus vulnérables de ses membres ou de ceux qui arrivent. Qu’il s’agisse des prisons (…) des handicapés (…) des gens qui ont peu les moyens de se défendre. C’est un indicateur extrêmement sensible de la façon dont s’organise une société. Et lorsque l’on devient plus offensif, plus dur, avec certaines populations vulnérables, c’est l’ensemble de ceux qui sont vulnérables qui finissent par en payer le prix. »
Vous pouvez voir et revoir l’entretien avec Rony Brauman, en intégralité :
OVPL : interview de Rony Brauman, ancien président de MSF (en intégralité)