Faire fonctionner davantage les centrales à charbon, c’est l’objectif du projet de décret du ministère de la Transition écologique. Ce sont les deux dernières centrales à charbon de France, celle d’EDF à Cordemais (Loire-Atlantique) et celle de l’énergéticien GazelEnergie à Saint-Avold (Moselle), qui sont concernées.
La preuve que la France « est en retard »
« Ce n’est ni une bonne nouvelle, ni une bonne solution » assure Zélie Victor, responsable transition énergétique au Réseau Action Climat. Une preuve que la France « est en retard sur ses objectifs » en matière de transition énergétique et dans le développement des énergies renouvelables. Selon le Réseau, la France a du mal à gérer les pics de consommation et continue « de gérer dans l’urgence car elle n’est pas en capacité d’anticiper faute de vraies politiques ambitieuses. »
Barbara Pompili « fait fi de la loi Climat »
Depuis le 1er janvier, les centrales à charbon sont normalement limitées à un seuil d’émission de gaz à effet de serre équivalent à environ 700 heures de fonctionnement sur l’année. Un niveau fixé dans la loi énergie climat pour aller vers leur fermeture. Le projet de décret prévoit d’élever ce seuil à 1.000 heures « pour la période comprise entre le 1er janvier 2022 et le 28 février 2022, correspondant à la pointe de consommation hivernale », indique le ministère sur son site Internet. « C’est affligeant de voir à quel point le gouvernement est capable de se dédire. Avec ce décret, Barbara Pompili fait fi de la loi Climat et renie ses engagements », affirme Jean-François Husson. Le sénateur LR qui se dit « modéré habituellement », est « en colère » : « Cette décision va à l’encontre de la volonté de la France de sortir des énergies fossiles. » La part du nucléaire, qui représente actuellement 70 % du mix énergétique français, ne devrait plus en représenter que 50 % en 2035. « Le reste du mix est censé être composé d’énergies renouvelables et non de charbon. »
Une « situation exceptionnelle » assure le gouvernement
Le ministère de l’Ecologie garantit que ce projet de décret s’inscrit dans le cadre d’une « situation exceptionnelle », arguant du fait que le charbon n’a produit que 0,3 % de l’électricité française en 2020 avec deux centrales uniquement encore en fonctionnement. Le ministère se veut rassurant et promet qu’il est hors de question que la transition énergétique se fasse au détriment de la sécurité d’approvisionnement. Ajoutant que le calendrier de fermeture des centrales à charbon sera maintenu. Celles du Havre et de Gardanne ont déjà été fermées. Celle de Saint-Avold fermera comme prévu au 31 mars 2022. Tandis que la centrale de Cordemais pourra être éteinte après la mise en service de Flamanville prévue pour 2023.
Le projet de décret doit faire également « l’objet d’une consultation publique, en cours, jusqu’au 20 janvier 2022 et d’un avis du Conseil supérieur de l’énergie. Il ne pourra ensuite être publié que quatre jours après la fin de la consultation, donc pas avant fin janvier.
Production nucléaire en baisse
Le 30 décembre, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) a indiqué « relever son degré de vigilance pour janvier » et a émis une alerte sur l’approvisionnement du pays en électricité, fragilisé par l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires. Quatre réacteurs des centrales nucléaires de Chooz (Ardennes) et de Civaux (Vienne) sont fermés suite à la détection d’anomalies. Conséquence : les capacités de production nucléaire française ont été abaissées à un niveau historiquement bas : entre 43 et 51 GW en janvier, pour une capacité totale de 61,4 GW. Un plus grand nombre que prévu de réacteurs nucléaires est donc à l’arrêt, des mesures exceptionnelles (interruptions de courant chez de grands industriels, baisse de tension) pourraient être prises fin janvier ou en février, pour éviter des coupures pour les particuliers.
« Le charbon vient pallier les faiblesses du nucléaire »
Le sénateur écologiste, Ronan Dantec, y voit une situation « ironique » : « On nous dit que grâce au nucléaire on n’utilise pas le charbon et là on veut recourir au charbon pour pallier les faiblesses du nucléaire. C’est la démonstration de la fragilité de nos installations vieillissantes dont les pannes de réacteurs sont fréquentes. » Et d’avertir : « On ne pourra pas, sauf à prendre plus de risques – garder le stock actuel de centrales nucléaires, c’est une illusion française. »
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