Anti-immigration, projets immobiliers : la gestion contestée d’un ancien maire frontiste à Cogolin

Anti-immigration, projets immobiliers : la gestion contestée d’un ancien maire frontiste à Cogolin

Depuis 2014, Marc-Étienne Lansade est la tête de la ville de Cogolin, non loin de Saint-Tropez. Élu sous l’étiquette Front national, il a pris des mesures sécuritaires et anti-immigration tout en multipliant les projets immobiliers pharaoniques… Le journaliste Pascal Lorent, habitant de Cogolin, l’a suivi pendant quatre ans, histoire du gestion municipale contestée y compris par ses propres partisans.
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Par Amélia Morghadi

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La ville de Cogolin est une commune située dans le golfe de Saint-Tropez dans le Var. Elle est l’une des onze villes françaises gérées par le Front national depuis 2014, comme Hénin Beaumont, ou encore Fréjus, mais on en parle moins. Au lendemain de l'élection du maire Marc-Etienne Lansade, le cinéaste Pascal Lorent décide de tenir la chronique d'une mandature contestée par une partie de la population.

Lui-même n’y croyait pas. Sa candidature était un tour d’essai. Elu avec 53 % des voix, Marc-Etienne Lansade se retrouve en 2014 à la tête d’une large majorité de 25 conseillers frontistes sur 33…à la tête de cette petite commune du Var. Jacques Sénéquier, maire divers droite de Cogolin de 1995 à 2014, se souvient de l’élection : « Quadragénaire, gendre idéal, propre sur lui, personne ne le connaissait. On l’a pris un peu en rigolant quand il est arrivé : on n’aurait pas dû ». Une majorité qui, au fil des ans, va petit à petit s’éroder.

Dès les résultats de l’élection, l’opposition se structure, avec à sa tête, Michel Dallari, élu divers droite. Du côté des citoyens, un collectif « Place Publique » voit le jour pour organiser la riposte et la vigilance face aux futures mesures frontistes. Et ils ne vont pas être déçus.

Charte anti-migrants et fermeture du musée de la ville

« Quand la population qui est dans les rues, n’est plus une population autochtone de Caucasiens, mais de gens qui sont tous issus de l’immigration, ça n’est pas du racisme que de considérer que c’est une réalité ». Le maire parle  « cash » et n'hésite lier immigration et propos sécuritaires dans la même phrase.  Et la population applaudit. Dés les premiers mois aux abords de la ville, un campement de Roms est démonté à coups de tractopelles municipales. Le tout, mis en scène dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, où l’on voit Marc-Etienne Lansade, se féliciter de la destruction du camp, au milieu des restes des affaires des roms probablement « volées » selon les propres mots du maire.

Le conseil municipal adopte aussi, comme dans la plupart des villes gérées par le FN, une charte anti-migrant, un texte destiné à s'opposer à l'accueil de arrivants expulsés de la jungle de Calais.

« Baisse de fonds pour les associations, hausse des dépenses du personnel, augmentation de la rémunération des élus, disparition du drapeau européen, baisse subventions de l’école de la ville… » les premières décisions sont dénoncées par l’opposition.  Mais si au départ ses opposants craignent d'abord les mesures autoritaires d’un maire d’extrême droite, très vite ce sont sa gestion de l’argent public et son affairisme qui vont lui être reprochés.
A commencer par la décision du conseil municipal de vider le seul musée de la ville, « La demeure Sellier », pour le privatiser et le transformer en hôtel.

 

Destruction d'un camps de Roms et fermeture d'un musée à Cogolin
02:43

Les chantiers immobiliers

Le maire de Cogolin construit beaucoup. La plupart de ses ambitions pour la commune, sont des projets immobiliers. Création de logements, résidence haut de gamme pour le troisième âge, centre médical, réfection de la place des boules, juste devant le « café des sports » le quartier général des militants frontistes… les chantiers ne manquent pas.

Mais il rêve surtout de réaménager les marines de Cogolin, un des plus vastes ports de la Côte d’Azur, pour créer un complexe touristique, à coup de cession de terrains municipaux à bas prix, ou d'aménagement de zones protégées. Dans une autre vie ce fils de bonne famille, élevé dans le 16e arrondissement de Paris, a étudié le droit avant de se lancer dans l’immobilier à Levallois – Perret.

« Je suis plus un homme de création que de gestion. Je crée, je vends »

Clientélisme et liens avec Levallois-Perret

Et ce sont ces liens avec une personnalité proche des époux Balkany, (ndlr : poursuivis pour corruption passive et blanchiment de fraude fiscale) qui vont intriguer l’opposition municipale.  Marc-Etienne Lansade ne cache pas sa volonté d'aménager la commune rapidement et fait appel à Jean-Marc Smadja, cousin des époux Balkany, qui assiste à tous les conseils municipaux où il est question d’urbanisme : « Je suis plus un homme de création que de gestion. Je crée, je vends » concède t-il.

Les parcelles communales sont bien souvent vendues à des prix défiants toute concurrence, des terrains bradés, cédés au tarif de terres parcelles non constructibles. Malgré l’opposition de certains habitants, et les recours les promoteurs défrichent rapidement, sans faire attention aux espèces protégées.

Pour Francis Jose-Maria, président du collectif « Place publique » et opposant au maire  : « Dans la politique menée par Marc-Etienne Lansade, les premiers servis sont les relations proches » dénonce t-il.

La folie immobilière du maire de Cogolin
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« Il est autant frontiste que moi je suis communiste, c’est juste de l’ambition et des intérêts »

Mais les critiques vont aussi rapidement venir de son propre camp. Au fil des ans plusieurs conseillers municipaux frontistes vont se désolidariser du maire. Pour Didier Monnin, ex-secrétaire départemental du FN, le Front national n’est qu’une étiquette pour le maire : « La politique, il n’en a strictement rien à faire. Si demain il doit dire qu’il est socialiste, il dira qu’il est socialiste ». Anthony Giraud, ancien conseiller municipal dans la majorité frontiste, aujourd’hui répudié, est lui aussi de cet avis : « Il est autant frontiste que moi je suis communiste, c’est juste de l’ambition et des intérêts » déclare-t-il.

Le maire isolé dénonce l’acharnement de la presse locale, qui chaque jour fait « le décompte des divisions », sans rien changer de sa politique.
En septembre 2017, le maire quitte d'ailleurs le Front national, évoquant un manque de considération, tandis que le parti lui reproche une politique municipale jugée trop libérale.

« Cogolin, ville à vendre » est une chronique amère d’un habitant qui voit une ville et des valeurs qui lui tiennent cher, peu à peu s’étioler.

Soupçon de de clientélisme à Cogolin
03:24

 

 

 

« Cogolin, ville à vendre », un documentaire à retrouver le samedi 21 juillet à 23 h 30 et le dimanche 22 juillet à 10 heures.

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