Anne Hidalgo et le Parti socialiste : je t’aime, moi non plus

Anne Hidalgo et le Parti socialiste : je t’aime, moi non plus

Anne Hidalgo n’était pas présente au congrès du Parti socialiste qui se déroule ce week-end à Villeurbanne. Une absence qui n’a rien d’un hasard et qui trahit une stratégie politique de la candidate, qui ne veut pas se faire enfermer dans l’étiquette « socialiste », tout en mobilisant les militants et les moyens du parti.
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Par Louis Mollier-Sabet / Image et son : Quentin Calmet

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L’ombre de l’édile parisienne plane sur le 79e congrès du Parti socialiste, et pour cause Anne Hidalgo est la grande absente du week-end à Villeurbanne. La candidate déclarée à l’élection présidentielle n’a pas encore été investie par son parti, mais la motion d’Olivier Faure, qui a recueilli plus de 72 % des voix, la mentionne explicitement comme candidate du Parti socialiste à la présidentielle. Les militants devront d’ailleurs voter pour désigner le candidat que soutiendra le Parti socialiste à l’élection présidentielle, selon des modalités qui seront décidées pendant le congrès. C’est donc sans leur probable future candidate que les militants socialistes ont investi leur premier secrétaire, révisé leurs statuts et voté le projet du parti pour 2022 à cette même élection.

« Anne Hidalgo trace sa route vers la présidentielle »

Un faux problème pour les soutiens d’Anne Hidalgo. Rémi Féraud, sénateur socialiste de Paris, le rappelle, la maire de Paris a largement été à la rencontre des militants socialistes avant de lancer sa campagne. Elle était en effet à Blois aux universités d’été du parti et à Montpellier, aux journées parlementaires des socialistes. « Elle avait d’autres engagements » rajoute poliment ce proche d’Anne Hidalgo. Mais Rémi Féraud le concède, quelque chose a changé depuis la fin du mois d’août. « Elle a déclaré sa candidature […] et trace sa route vers la présidentielle » explique le sénateur de Paris. Les logos, les congrès et les motions du Parti Socialiste, ce sont autant de « faux problèmes. » Bref, Anne Hidalgo est socialiste et « souhaite le soutien » de son parti, mais il faut « pouvoir élargir ensuite comme dans toute campagne présidentielle. » Elle est la candidate du parti à la présidentielle et laisse aux militants et au bureau national le soin de régler les détails statutaires, « l’intendance » chère au général de Gaulle.

Il est vrai que la Vè République – et notamment l’élection du Président de la République au suffrage universel direct – a été construite contre le « régime des partis. » On peut penser ce que l’on veut de la maxime gaulliste, les règles du jeu sont ce qu’elles sont, comme l’explique Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice socialiste de Paris : « La présidentielle, c’est la rencontre entre un homme ou une femme et les Français. Les soutiens des partis politiques ont toujours été une bonne chose, mais ça n’a jamais été l’histoire de la Vè République. On ne peut plus aujourd’hui, et on ne l’a jamais fait hier, être seulement le candidat d’un appareil. »

Une « socialiste » et « une femme libre »

L’histoire constitutionnelle a bon dos. Dans des temps pas si reculés, les prétendants à la présidence de la République se bousculaient pour mener la bataille sous l’étendard de la rose socialiste. D’ailleurs, Marie-Pierre de la Gontrie reste « lucide » sur l’état des forces en présence à gauche. « Le Parti socialiste n’a plus l’influence qu’il a eue à une période » lâche quand même la sénatrice socialiste. On comprend en fait qu’Anne Hidalgo ne veut pas s’enfermer dans une candidature « socialiste » tributaire de logiques d’appareil qui ne jouissent pas nécessairement d’une popularité sans limite dans l’opinion, tout en mobilisant sa famille politique.

C’est une ligne de crête escarpée sur laquelle marche Hidalgo. Cédric Van Styvendael, maire socialiste de Villeurbanne, le sent bien, la maire de Paris va devoir redoubler d’habileté pour mener sa stratégie à bien. D’après lui c’est pour le moment un « sans-faute » : « Anne Hidalgo le dit assez bien : je suis socialiste et une femme libre. Je crois que c’est bien la rencontre de ces deux identités qui va permettre aux Français et aux Françaises de se reconnaître : une fidélité au Parti socialiste et en même temps des idées qui peuvent rassembler beaucoup plus largement. »

« L’important c’est de continuer à s’ouvrir »

L’édile de Villeurbanne fait d’ailleurs partie de cette nouvelle génération de maires cuvée 2020 dont s’est entourée Anne Hidalgo en formant son « équipe de France des maires. » Et si Cédric Van Styvendael, Johanna Rolland ou Michaël Delafosse sont tous des maires socialistes, ils ont été élus dans des majorités bien plus larges qui ne reposaient pas uniquement sur l’étiquette « PS ». Anne Hidalgo semble vouloir se placer dans la même dynamique.

Choix significatif à cet égard, elle a fait de la maire de Nantes sa directrice de campagne. Johanna Rolland est assez claire sur la relation de l’équipe d’Anne Hidalgo au Parti socialiste, notamment sur le projet porté par le parti pour 2022 et présenté au congrès par Boris Vallaud : « Pour nous c’est évidemment important. Mais l’important c’est aussi de continuer à s’ouvrir, d’aller chercher des paroles, des regards d’experts, d’acteurs de terrain, d’ONG, d’associations. » Concrètement, le programme d’Anne Hidalgo sera produit par son équipe et présenté « prochainement », pas par le parti.

Entre gagner l’investiture de son parti – avec tout ce que cela implique de force de frappe militante et financière – et ne pas s’enfermer dans l’opinion comme candidate du Parti socialiste, Anne Hidalgo ménage la chèvre et le chou. Quitte à prendre le risque de se couper de sa base militante ? En même temps, pour qu’une socialiste occupe l’Elysée au soir du 24 avril 2022, il va falloir prendre des risques hautement plus périlleux que lors de ce 79è congrès du Parti socialiste.

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