Aides aux boulangers : « Il faut apporter une réponse structurelle aux PME », demandent les sénateurs

Aides aux boulangers : « Il faut apporter une réponse structurelle aux PME », demandent les sénateurs

Face aux lourdes difficultés que connaissent les boulangers frappés de plein fouet par la hausse du prix de l’énergie, le gouvernement a promis des aides et le report du paiement de leurs impôts et cotisations sociales. « Un pansement sur une jambe de bois », pour les sénateurs qui recevront une délégation de boulangers, vendredi.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Il y a quelques semaines, la traditionnelle baguette de pain française était inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. La hausse du prix de l’énergie va-t-elle la faire figurer dans la liste du patrimoine en péril ?

En effet, les 33 000 artisans boulangers voient leur facture d’énergie flamber à tel point que certains pourraient mettre la clé sous la porte. Même si le ministre de l’Economie a réfuté, ce mercredi, sur France Inter toute une « vague de fermetures et de faillites ». « Aujourd’hui, moins d’1 % des entrepreneurs envisagent de fermer ou de ralentir leur production », a assuré Bruno Le Maire.

80 % des boulangers n’ont pas droit au bouclier tarifaire

Certes, le bouclier tarifaire présenté à l’automne dernier doit permettre de limiter la hausse des prix du gaz et de l’électricité à 15 % mais « 80 % des boulangers n’y ont pas droit », rappelle Serge Babary (LR), président de la délégation aux entreprises du Sénat. « Pour en bénéficier, l’entreprise ne doit pas dépasser les 10 salariés et 2 millions de chiffre d’affaires mais aussi ne pas dépasser une puissance électrique de 36 kilovoltampères. « Ça passe pour les fours anciens mais ceux qui ont investi dans des fours modernes ne rentrent pas dans les clous. 15 % d’augmentation, c’est déjà beaucoup mais quand on est face à des multiplicateurs allant de 6 à 10 ce n’est plus tenable », rappelle le sénateur.

Raison pour laquelle, une proposition de loi visant à supprimer le critère lié à la puissance pour bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité a été déposée par le sénateur LR, Fabien Genet. Elle devrait être examinée prochainement en séance publique.

Pour l’heure, la Première ministre, Élisabeth Borne a annoncé que les petits commerçants parmi lesquels les boulangers pourraient demander le report du paiement de leurs impôts et cotisation sociale afin de soulager leur trésorerie. Bruno Le Maire a quant à lui mis la pression sur les énergéticiens, leur demandant « de faire plus, mieux et tout de suite » tout en menaçant ceux qui n’ont pas respecté la charte de bonnes pratiques signée en octobre dernier de dévoiler leurs noms. Selon cette charte, les fournisseurs d’électricité devaient prévenir au moins deux mois à l’avance leurs clients qui ne bénéficiaient pas des tarifs réglementés.

« On se dirige vers une re-giletjaunisation de la France »

Confrontés à la fois à l’augmentation du prix des matières premières et à la hausse des prix de l’énergie, les boulangers seront autorisés à résilier sans frais leurs contrats « lorsque les prix ont explosé de manière prohibitive », a précisé Bruno Le Maire.

« Un pansement sur une jambe de bois », dénonce la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas qui adjure le gouvernement à apporter « une réponse structurelle » aux TPE et PME sans quoi, on se dirige vers une re-giletjaunisation de la France ».

« On focalise sur les boulangers, mais on recense des difficultés aussi chez d’autres artisans comme les charcutiers, les traiteurs et les teinturiers… Une mobilisation est prévue le 23 janvier. Il faut faire attention à ne pas voir resurgir une forme de poujadisme car dans ce milieu, lorsqu’on fait faillite, on perd tout. Donc, dans un certain sens, ils n’ont rien à perdre », alerte Serge Babary. Vendredi 6 janvier, la commission des affaires économiques du Sénat auditionnera une délégation de boulangers.

Les représentants des restaurateurs, qui réclament eux aussi des aides pour payer leurs factures d’énergie, seront reçus à leur tour par Bercy, jeudi.

« La politique du chèque et la pression sur les énergéticiens, ça ne fonctionne pas, constate Sophie Primas. Elle demande « une nouvelle architecture du prix de l’électricité en Europe ». A savoir une décorrélation du prix du gaz et de l’électricité, une solution régulièrement invoquée pour limiter l’impact de la crise de l’énergie, depuis le début de la guerre en Ukraine.

Dans son viseur, le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) mis en place il y a une dizaine d’années, afin de permettre l’ouverture à la concurrence du marché de la production d’électricité. Le but était de forcer EDF à vendre une partie de son électricité nucléaire produite en grande quantité et à bas coût à ses concurrents, les fournisseurs dits « alternatifs », pour en quelque sorte rééquilibrer le marché.

Le tarif de l’électricité est déterminé selon le principe du « coût marginal » avec comme référence la production de l’énergie la plus coûteuse (gaz, charbon) afin d’inciter les exploitants à continuer de produire pour faire face aux pénuries. La guerre en Ukraine a fait naître un paradoxe. La France produit une électricité peu chère, grâce à son parc nucléaire et les énergies renouvelables mais la paye aux prix fort en raison de sa participation au marché européen.

Mais décorréler du prix du gaz et de l’électricité ne fait pas vraiment des émules chez nos voisins européens. « « Il n’y a pas un seul pays qui a un mix énergétique qui ressemble à un autre. La France ne dépend pas beaucoup du gaz, l’Allemagne et l’Italie en dépendent beaucoup. Il faut arriver, à 27, à se mettre d’accord sur des mesures qui permettent de satisfaire les contraintes et de répondre aux uns et aux autres », avait expliqué Laurence Boone, la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, auditionnée au Sénat en octobre dernier.

« On ne peut pas accepter que l’Allemagne nous mette dans cette situation. D’autres pays comme l’Espagne et le Portugal ont déjà pris des libertés avec le marché européen. On ne peut pas rester prisonnier du dogme des pays du Nord. La seule réponse que doit apporter le gouvernement, c’est de la fermeté au niveau européen », tance Sophie Primas.

« Qu’attend Emmanuel Macron pour enfin sortir la France du marché européen de l’énergie de cette folie qui aligne le prix de l’électricité sur celui du gaz ? Cela fait des mois qu’on en parle et toujours aucune décision ! Bientôt, pour des milliers de nos PME et de nos petits commerces, il sera trop tard », a tweeté mardi, le patron de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau.

« Lorsqu’il s’agit de voter un texte en ce sens, il n’y a plus personne »

De quoi faire sourire le sénateur communiste, Fabien Gay. « On est train de se diriger vers l’instauration du communisme en France ». « J’entends les interventions de la droite sénatoriale depuis septembre. Mais lorsqu’il s’agit de voter un texte en ce sens, il n’y a plus personne », tacle-t-il. Une référence à sa proposition de loi visant à étendre les tarifs régulés de l’électricité à toutes les collectivités, rejetée en décembre dernier.

Le sénateur de Seine Saint Denis défendra dans l’hémicycle le 12 janvier prochain une proposition de résolution visant « à sortir le système électrique des mécanismes concurrentiels ». Le texte propose de revenir à une politique tarifaire décidée par l’État, grâce à un calcul des prix de l’électricité basé avec les coûts de production. Le texte bénéficiera-t-il cette fois-ci de l’appui de la majorité sénatoriale ? « Avant d’être majoritaire, une idée est minoritaire », philosophe Fabien Gay. « Ce serait quand même mieux d’agir avant que le pays soit à feu et à sang », ajoute-t-il.

 

 

 

Dans la même thématique

Paris: French Government Weekly Cabinet Meeting
5min

Politique

Pour Bruno Retailleau, les conditions sont réunies pour rester au gouvernement

Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.

Le

Aides aux boulangers : « Il faut apporter une réponse structurelle aux PME », demandent les sénateurs
4min

Politique

Retraites : « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », dénonce Ian Brossat

C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».

Le

Aides aux boulangers : « Il faut apporter une réponse structurelle aux PME », demandent les sénateurs
4min

Politique

« Consternés », « dépités », « enfumage » : après sa rencontre avec François Bayrou, la gauche menace plus que jamais le Premier ministre de censure

Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.

Le