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A Paris, les campements ont disparu, pas les migrants “invisibles”
Par Claire GALLEN
Publié le
Près de six mois après la fermeture du centre de premier accueil, aucun campement de migrants ne s'est reconstitué à Paris et l'Etat renforce son dispositif d'hébergement, mais quelque 500 personnes dorment toujours à la rue, inquiétant les associations qui peinent à toucher ces "invisibles".
Il est 7H30 ce matin de septembre, et une soixantaine d'hommes dorment sur des cartons, près d'un centre d'accueil du XIVe arrondissement. "Hier j'étais 101e sur la liste, peut-être que je serai 70e aujourd'hui", lance Abdoulkadir, un Soudanais, en faisant allusion aux numéros distribués à l'intérieur pour gagner un centre d'hébergement.
Une salariée de France terre d'asile (FTDA) lui donne un numéro de téléphone où appeler pour sa procédure d'asile. L'association est là pour renseigner, mais aussi identifier où dorment les migrants, très dispersés aujourd'hui : les derniers campements ont été démantelés en mai-juin dans le nord-est de Paris, notamment au "Millénaire", le long du canal Saint-Denis, où 1.700 personnes s'entassaient dans des conditions dégradantes.
Du côté de l'Etat, on se félicite d'une situation "stabilisée" grâce à des mises à l'abri régulières (380 à 400 par semaine).
"Le nombre s'est stabilisé mais pendant l'été il était plus élevé", souligne Dominique Versini, adjointe à la lutte contre l'exclusion de la Ville de Paris. 488 migrants à la rue étaient recensés mardi, contre 800 environ fin juillet, selon FTDA. "On a passé l'été à gérer la situation de crise sur le terrain" avec notamment la mise à disposition de gymnases, ajoute Mme Versini.
Pour Louis Barda de Médecins du monde (MdM), l'absence de campement "est liée à la dispersion policière". "Les gens dorment dans des halls d'immeuble, des garages, dans des interstices sous le périphérique... et essaient au maximum de se rendre invisibles", ajoute-t-il.
- "Angle mort" -
Comme par le passé, les migrants se regroupent à Saint-Denis, porte d'Aubervilliers... Ismat, jeune Afghan, assure avoir dormi sur les quais d'une station de tramway en construction, porte des Poissonniers. "Je suis là depuis trois jours, j'essaie de demander l'asile", explique-t-il.
Pour ces migrants "fatigués, usés", MdM déploie trois fois par semaine une camionnette de soins. L'association Aurore distribue 800 petits déjeuners chaque matin. Les Restos du Coeur et la Chorba assurent des soupes populaires.
Pour les associations, "c'est un peu compliqué de trouver un lieu pour se poser et apporter des soins", soupire-t-on chez Médecins sans frontières.
L'Etat, lui, défend son circuit de prise en charge, avec une plate-forme téléphonique pour accéder à la procédure d'asile en "moins de trois jours". Même si le service est devenu payant (6 centimes l'appel), "nous donnons 300 rendez-vous par jour", explique Didier Leschi, directeur général de l'Ofii (Office français d'immigration et d'intégration).
Deux centres d'accueil de jour ont aussi ouverts pour les hommes. Sur l'île de la Cité, l'accès au local se fait par tirage au sort, chacun piochant un jeton sous l'oeil des touristes. "Je viens depuis un mois, je n'ai jamais de chance", soupire Mamadou, un Malien, finalement "repêché" par les salariés.
Enfin, l'Etat va créer d'ici fin septembre "1.200 places d'hébergement d'urgence supplémentaires" en Ile-de-France - pour les migrants avant leur orientation en CAES (centres d'accueil et d'examen des situations) où ils lanceront leurs démarches.
Jusque fin mars, un "centre de premier accueil", porte de la Chapelle" remplissait ce rôle de "sas", souligne-t-on à la ville de Paris. Sauf que "les gens pouvaient venir sans conditions", assure Mme Versini, pour qui le concept "a fait ses preuves".
Les associations aussi plaident pour la réouverture d'une structure de ce type, directement accessible et clairement identifiée.
"Quand les gens arrivent, il n'y a pas de lieu où se rendre spontanément. C'est pour ça qu'on court tout le temps après", estime Pierre Henry de FTDA, pour qui le premier accueil reste "l'angle mort" du dispositif.
Mais pour l'Etat, pas question de revenir à ce type de structure. "L'idée n'est pas de concentrer sur un seul lieu" les arrivants, explique-t-on à la préfecture de région.