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A gauche, divisions et règlements de compte autour de la marche contre l’islamophobie
Par Baptiste BECQUART
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Le débat toujours explosif à gauche sur l'islamophobie et la laïcité ressurgit à l'occasion d'une marche organisée dimanche à Paris, à laquelle de nombreux responsables politiques, dont Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, ont appelé à participer.
Pomme de discorde: un texte publié dans Libération le 1er novembre, appelant à cette marche pour "dire stop à l'islamophobie" au moment où les thèmes inflammables du voile, de la laïcité ou du communautarisme font de nouveau l'actualité.
"L'attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre est la manifestation la plus récente" des "actes qui visent" les musulmans, peut-on lire dans la tribune.
L'objet de la polémique se trouve dans des termes utilisés - "islamophobie", lois liberticides"... - et l'identité des initiateurs de la marche, le controversé Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), accusé de liens avec les Frères musulmans, organisation internationale de promotion de l'islam politique.
Signe d'une certaine gêne sur ce point, un des signataires de la tribune, le député LFI Alexis Corbière, a déclaré au Figaro qu'il pensait que "la Ligue des droits de l'homme était à l'initiative de la démarche".
Ont signé la tribune, outre le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, l'homme fort d'EELV Yannick Jadot, le fondateur de Générations Benoît Hamon, le porte-parole du PCF Ian Brossat, la totalité des députés LFI... "La gauche du renoncement, de l'abandon et de la honte", a cinglé l'ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls.
Aucun responsable du Parti socialiste n'a signé l'appel. Un bureau national doit aborder le sujet, mardi soir et le Premier secrétaire Olivier Faure doit faire un discours sur la laïcité dans les prochains jours, indique à l'AFP un membre de la direction socialiste.
Qui explique: "Nous voulons lutter contre les discriminations contre les musulmans mais il ne faut pas tout mélanger. On ne s'inscrit pas sous la bannière +islamophobie+, il y a la volonté de segmenter la population sous cette bannière".
- "Ultimatum" -
"Islamophobie" est un terme qui dérange aussi, traditionnellement, Jean-Luc Mélenchon. "Je conteste le terme d'islamophobie. On a le droit de ne pas aimer l'islam comme on a le droit de ne pas aimer le catholicisme", disait l'Insoumis dans un tweet de 2015.
Pour Djordje Kuzmanovic, qui avait claqué la porte de LFI en 2018 afin de fonder le mouvement République souveraine, Jean-Luc Mélenchon entérine, en signant la tribune, la victoire dans le mouvement "de la gauche à l'anglosaxonne, multiculturaliste, qui n'hésite pas à mêler religion et politique".
"Mélenchon avait à juste titre dit qu'il fallait arrêter de parler du voile parce que ça cachait les vrais débats sur la répartition des richesses. Mais là, en signant, il remet une pièce dans la machine", regrette M. Kuzmanovic.
Selon le journaliste Taha Bouhafs, l'un des initiateurs de la marche de dimanche, le leader insoumis éprouve le besoin de recoller les morceaux avec une partie de son électorat: "Beaucoup de militants Insoumis dans les quartiers ont posé un ultimatum au mouvement" après une polémique similaire cet été, raconte-t-il à l'AFP.
Taha Bouhafs avait en effet mis en cause des propos du philosophe Henri Peña-Ruiz durant l'université d'été du mouvement, en août. "On a le droit d'être islamophobe (...) En revanche, on n'a pas le droit de rejeter des hommes ou des femmes parce qu'ils sont musulmans", avait dit celui-ci, dans l'esprit du tweet de Jean-Luc Mélenchon.
Selon Arnaud Le Gall, un cadre du Parti de gauche, composante fondatrice de LFI, des débats et "des grincements de dents" ont eu lieu chez les Insoumis ces derniers jours, mais "à la marge": "On soutient une minorité ciblée de manière inacceptable, on ne va pas s'en empêcher au prétexte qu'un mot nous gêne".
Preuve que le débat traverse toute la gauche, l'écologiste Yannick Jadot a confié mardi sur France info "ne pas valider l'ensemble du texte", contestant par exemple l'existence d'"un racisme d'Etat dans notre pays". Pour lui, l'essentiel était d'"alerter sur le danger de faire d'une partie de la communauté nationale le bouc-émissaire de notre société".