Vaccin : Sanofi va produire « 20 millions de doses par mois à partir de septembre » pour les Européens

Vaccin : Sanofi va produire « 20 millions de doses par mois à partir de septembre » pour les Européens

Les commissions des Affaires sociales et des Affaires économiques auditionnaient ce matin Olivier Bogillot, président de Sanofi France, qui est notamment revenu sur la stratégie industrielle du groupe en matière de production de vaccin et de recherche et développement.
Louis Mollier-Sabet

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L’entreprise pharmaceutique Sanofi a été largement décriée depuis le début de la crise sanitaire, et particulièrement à cause de l’incapacité du groupe français à produire un vaccin dans les mêmes délais que ses concurrents. Interrogé à ce sujet par les présidentes des commissions des Affaires sociales et des Affaires économiques, Catherine Deroche et Sophie Primas, Olivier Bogillot a défendu la stratégie de Sanofi dans le développement d’un vaccin contre le covid-19.

Vaccin français : « Le choix de mars était un choix rationnel, et si c’était à refaire, on le referait. »

Vaccin français : « Nous avons choisi la technologie que nous maîtrisions le mieux. » O. Bogillot
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Le président de Sanofi France a d’abord tenu à rappeler la chronologie du développement des vaccins contre le covid-19 et donc le contexte dans lequel Sanofi a fait ses arbitrages industriels et technologiques : « Le code génétique du covid-19 est publié par les autorités chinoises au mois de janvier [2020]. Au mois de mars les industriels se positionnent sur différents types de technologies : l’ARN messager, l’adénovirus, les protéines recombinantes ou les vaccins inactivés. A ce moment-là, il n’y a aucun précédent de vaccin à ARN messager, aucune preuve que cela peut marcher. L’adénovirus a un précédent, c’est Ebola, avec des plus et des moins. C’est par rapport à ces moins nous choisissons la plateforme de la protéine recombinante : l’avantage c’est que son efficacité a été prouvée par le vaccin de la grippe saisonnière. »

Finalement, le président de Sanofi France assume un choix de long terme : « On sait que cela va être plus long, mais on a une garantie supérieure que cette technologie-là peut fonctionner. A posteriori c’est facile de se dire « pourquoi ne pas avoir choisi l’ARN messager ? ». Nous avons eu le choix et nous avons choisi la technologie que nous maîtrisions le mieux. » Olivier Bogillot poursuit : « Moi aussi j’aurais préféré vacciner les Français avec du Sanofi. Mais le choix de mars était un choix rationnel et si c’était à refaire, on le referait. » Or ce choix avait pour conséquence inévitable de développer un vaccin « dans le meilleur des cas » en juillet : « 15 mois c’était le maximum que l’on pouvait faire, il s’avère que l’on fera plutôt 18-19 mois avec un vaccin qui arrivera en automne. » Face aux critiques, Olivier Bogillot s’efforce tout de même de rappeler : « Le vaccin le plus rapide avant le covid-19 c’était le vaccin contre Ebola qui avait pris 4 ans. Les vaccins ARN messagers qui sont arrivés au bout de quelques mois c’est extraordinaire, il va falloir maîtriser ces technologies. »

D’autant plus, argumente encore le président de Sanofi France, qu’au-delà de la « course » au développement du vaccin, l’enjeu est ensuite de produire suffisamment de doses pour pouvoir mettre en place une véritable couverture vaccinale : « Il ne s’agit pas que de développer des vaccins, mais aussi de les produire en quantité industrielle. Après la course au développement d’un vaccin, on voit aujourd’hui que la vraie tension s’opère sur les capacités de production. »

« Il faut que la France se dote de capacités de production en termes d’ARN messager. »

« Il faut que la France se dote de capacités de production en termes d’ARN messager. » O. Bogillot
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Or sur ce point, Olivier Bogillot ne tarit pas d’éloges sur l’importance des « capacités de production » de Sanofi, et notamment sur le territoire national : « Nous avons des capacités industrielles très fortes et moins dépendantes que d’autres à l’Asie. Nous avons 18 usines en France, dans 9 régions sur 13, c’est une vraie présence sur le territoire. C’est plus de 11 000 salariés en France qui travaillent dans nos usines. Sur cette année où ils ont été fortement mobilisés, ils se sont démenés : la production du doliprane a été multipliée par 3, c’est un exploit. »

Une fois les vaccins développés par d’autres groupes pharmaceutiques, ceux-ci se sont donc tournés vers Sanofi pour la production : « Notre fierté c’est que l’on a mis nos capacités de production au service de BioNtech et de Johnson & Johnson quand nous avons constaté notre retard. Nous allons produire d’ici septembre 20 millions de doses par mois destinées aux patients européens pour régler le plus vite possible cette crise sanitaire. » Agnès Pannier-Runacher avait, elle, annoncé un chiffre de 27 millions de doses par mois en février. En tout cas, le travail de Sanofi sur ces doses restera un travail logistique « d’enflaconnage » et pas de production : « L’enflaconnage est une étape extrêmement complexe et ouvrir une chaîne de production prend généralement entre 12 et 18 mois. Nous allons le faire en 4 mois. On attend que Johnson & Johnson nous donne le vaccin en tant que tel, il n’y a pas de secret industriel partagé. Ils nous donnent leur vaccin à ARN messager et nous, nous mettons en situation de les mettre dans des flacons le plus facilement possible. »

Les sénateurs ont tout de même tenu à revenir sur les vaccins développés par Sanofi, puisque le groupe continue à explorer la piste de la protéine recombinante tout en ayant lancé son propre vaccin à ARN messager : « Nous avons lancé début février notre nouvelle phase 2 sur la protéine recombinante. Les résultats seront disponibles au début du mois de mai. Simultanément, nous avons lancé notre essai clinique sur l’ARN messager. » Au niveau des délais, « pour pouvoir produire du vaccin cela nous emmène jusqu’à 2022, ce qui est tard » reconnaît Olivier Bogillot. Mais d’après lui, le développement de technologies relatives à l’ARN reste fondamental à long terme : « L’arrivée de l’ARN messager a montré que c’était la technologie à avoir pour répondre à une crise sanitaire : c’est rapide à produire et rapide en termes de développement. C’est la technologie à avoir, d’où l’essai de Sanofi. Il faut que la France se dote de capacités de production en termes d’ARN messager. »

Suppression de 400 postes de chercheurs : « C’est aussi ce qui nous permet d’évoluer dans notre secteur »

Olivier Bogillot s'explique sur la suppression de 400 postes de chercheurs français chez Sanofi.
01:37

L’autre sujet qui a interrogé les sénateurs c’est l’annonce faite par Sanofi de la suppression de 400 postes dans un centre de recherche et développement. Olivier Bogillot a tenté de les rassurer : « Cela ne concerne pas le vaccin, mais un autre secteur. Le choix qui a été fait a été un plan de départ volontaire annoncé au mois de juillet dernier. Ceux qui lèvent la main peuvent partir. Vous savez qu’à Sanofi, les plans de départ volontaire se font dans de très bonnes conditions, c’est un plan extrêmement positif pour ceux qui partiront. » Le son de cloche est tout autre chez la CGT : « Le géant pharmaceutique Sanofi prévoit de supprimer 400 postes dans la recherche, alors que la France est confrontée à des pénuries de vaccins et de médicaments essentiels. »

De même chez les sénatrices et les sénateurs de gauche, qui mettent ces suppressions de poste en balance avec les dividendes distribués et les sommes reçues au titre du crédit d’impôt-recherche ou du CICE. Fabien Gay, sénateur communiste, justifie ce raisonnement : « Loin de moi l’idée de participer à un Sanofi bashing, mais la question est extrêmement politique. On parle d’1,5 milliard de crédit d’impôts auquel s’ajoute le CICE. Sanofi France dépend donc d’argent public et les politiques que nous sommes, peuvent aussi poser des questions. » Le sénateur écologiste Daniel Salmon élargit même la perspective du droit de regard sur la stratégie du groupe Sanofi : « Sur le vaccin, je reconnais le droit à l’échec, on peut se tromper dans une stratégie. Ce que ne comprennent pas les Français, c’est le fait que vous versiez de nombreux dividendes, que le crédit impôt recherche vous soit versé mais que vous fassiez des licenciements dans la recherche et développement. C’est une incompréhension. »

D’après Olivier Bogillot, ces suppressions s’expliquent par des choix stratégiques de l’entreprise et ne relèvent pas d’un « désengagement » de Sanofi en France : « Ces restructurations s’expliquent par la transformation de la nature des produits développés par Sanofi. 10 ans après n’avoir fait que de la chimie, nous n’avons plus besoin des mêmes chercheurs. Les produits issus des nouvelles technologies nécessitent des plateformes nouvelles et de nouvelles compétences. Nous avons des molécules sur lesquelles nous ne travaillerons plus demain, d’où le plan de départ volontaire. » Il poursuit : « C’est aussi ce qui nous permet d’évoluer dans notre secteur : c’est la science qui dicte notre manière de nous structurer. Ce plan de départ est un choix assumé. »

« Comment expliquer cette logique uniquement financière ? »

"Ici vous êtes au Sénat et c’est nous qui posons les questions." Jean-Claude Tissot
01:24

Le président de Sanofi France va même plus loin : « Nous investissons plus aujourd’hui en R & D que nous ne l’avons jamais fait. » La France resterait au centre de cette stratégie d’investissement d’après Olivier Bogillot : « Sanofi c’est 2 milliards d’euros d’investissement en Recherche et Développement en France sur 6 milliards pour le groupe. Ce qui fait de Sanofi le 1er groupe du CAC 40 dans l’investissement en Recherche et Développement. » Pour le président de Sanofi France, ces reproches ne prennent pas en compte les investissements du groupe sur le territoire français : « J’entends qu’on fasse des reproches sur la diminution de certains effectifs. J’aimerais qu’on mette aussi en lumière les investissements de Sanofi sur le territoire. On parle moins de l’investissement de 500 millions d’euros annoncé à Lyon, qui va nous permettre d’avoir sur le territoire français l’usine de vaccin la plus moderne du monde. Juste à côté de cette usine, il y a un investissement de 110 millions d’euros dans un centre de recherche sur le vaccin. Avoir un groupe qui effectivement verse des dividendes mais fait des investissements de cette taille-là c’est très important. »

Face à cet argumentaire, Jean-Claude Tissot, sénateur PS de la Loire, a tenu à rappeler à Olivier Bogillot qu’il ne pouvait pas choisir les questions soulevées par les sénateurs : « Je m’interroge sur votre manière de vous adresser à nous. Je trouve que vos réponses sont presque déplacées. Ici vous êtes au Sénat et c’est nous qui posons les questions. » En l’occurrence la question reste la même : « Par rapport aux 4 milliards d’euros de dividendes que vous avez donnés aux actionnaires : comment expliquer cette logique uniquement financière ? » Olivier Bogillot finit donc par justifier le versement de ces dividendes : « Effectivement Sanofi verse des dividendes, c’est une bonne nouvelle. Il y a une forme de confiance dans ceux qui investissent dans le groupe. Dans notre secteur, l’échec c’est la norme et le succès l’exception, les investisseurs font donc des paris extrêmement risqués car il y a beaucoup de candidats au départ et peu de médicaments à l’arrivée. Récompenser ceux qui prennent des risques de long terme c’est une bonne chose. »

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