Soins palliatifs : « La France se situe au 10e rang mondial », explique Sarah Dauchy

Soins palliatifs : « La France se situe au 10e rang mondial », explique Sarah Dauchy

Auditionnée par la commission des Affaires sociales du Sénat, la présidente du conseil d’orientation stratégique du centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), Sarah Dauchy, a dressé un état des lieux des soins palliatifs en France et a pointé les manques de ressources et d’informations.
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Par Pierre Maurer

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La fin de vie anime les débats parlementaires depuis quelques semaines. Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, plusieurs propositions de lois ont été déposées et pressent le gouvernement de légiférer sur ce sujet épineux. Ce mercredi matin, la commission des Affaires sociales du Sénat s’est penchée sur l’état des soins palliatifs en France en auditionnant Sarah Dauchy, la présidente du conseil d’orientation stratégique du CNSPFV, organisme du ministère de la Santé chargé de contribuer à une meilleure connaissance des conditions de la fin de vie en France, soit d’éclairer « les citoyens sur leurs droits ». Pour l’heure, les sénateurs attendent des « perspectives » alors que le dernier plan gouvernemental pour développer les soins palliatifs a pris fin en 2018. Un nouveau plan devrait être lancé prochainement.

Manque de ressources et d’informations

Sarah Dauchy, psychiatre de formation dresse un constat en deux points : « L’application actuelle des lois est insuffisante par manque de ressources, et par manque de connaissances des Français ». Quelques chiffres : les nombreux travaux du centre ont mis en lumière le « caractère limité » des soins palliatifs, la France disposant ainsi de 164 unités de soins palliatifs pour environ 1880 lits. « 20 % des patients ressortent des unités de soins palliatifs pour retourner chez eux. Un tiers des patients ne décèdent pas. Environ 20 % des unités mobiles de soins palliatifs interviennent à l’extérieur », détaille Sarah Dauchy. En bref, cette offre de soins est « en dessous des objectifs fixés par le plan de 2018. « Aujourd’hui, on a 2,8 lits de soins palliatifs pour 100 000 habitants », souligne-t-elle. Sarah Dauchy poursuit : « Normalement il y a 10 postes d’aides-soignantes prévus pour 10 lits, mais en réalité il y a en moyenne 6,8 aides-soignantes pour dix lits. Les effectifs sont donc en dessous des ratios et les équipes mobiles sont insuffisamment pourvues. Seul un Ehpad sur 10 a une infirmière la nuit ». Et sur les 552 000 patients décédés en 2014, « seuls 44 % d’entre eux ont reçu des soins palliatifs ». En clair, selon la présidente du CNSPFV, en plus des manques de ressources, le dialogue sur la fin de vie doit se faire le plus tôt possible avec le patient pour définir son futur traitement, et faire mieux connaître les possibilités à sa disposition.

Car l’insuffisance de connaissances des Français est majeure : « 40 % d’entre eux » ne savent pas qu’il y a une loi sur la fin de vie, explique-t-elle. « 18 % seulement des Français de plus de 50 ans ont rédigé leurs directives anticipées, et 54 % ne souhaitent pas le faire. 91 % des personnes n’en ont pas discuté avec leur médecin », ajoute-t-elle. La dernière loi Claeys-Leonetti est toujours mal appliquée. Début mars, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé le lancement d’un nouveau plan au Sénat à compter du mois d’avril.

« Il faut améliorer le mode d’accès aux directives anticipées »

Sans surprise, les questions des sénateurs s’orientent sur les moyens. « Serait-il pertinent d’équiper les Ehpad de lits de soins palliatifs ? », interroge la sénatrice LR Corinne Imbert. « Quelle est la part des bénévoles dans les équipes mobiles et quelle est leur formation ? », embraye sa collègue LR Christine Bonfanti-Dossat. « Les lits de soins palliatifs sont des lits médicaux et donc dans des établissements médicaux. Les équipes qui interviennent dans les Ehpad sont constituées de médecins généraux et d’infirmiers libéraux », répond Sarah Dauchy. Les bénévoles sont formés et soutenus par des associations. Selon elle, « il faudrait une revalorisation du temps de la fin de vie. Une sédation profonde et continue demande du temps : ce temps actuellement n’est pas valorisé. Le vieillissement de la population n’est pas compensé par la formation ».

Ensuite, « il faut améliorer le mode d’accès aux directives anticipées. Le dossier médical partagé n’est pas ouvert à tous les Français et la question technique qui va se poser sera la possibilité d’actualiser en permanence ce registre », prévient-elle. Pour l’heure, beaucoup de patients préfèrent l’échange oral aux directives écrites, recourant donc au dispositif de la personne de confiance. « Ce qui rend difficile d’anticiper la fin de vie, c’est qu’il est compliqué d’envisager sa propre fin de vie. Y penser très tôt, au moment où on n’est pas très concerné, faciliterait les choses », insiste-t-elle, ouverte à l’idée suggérée par la sénatrice LR Florence Lassarade d’impliquer le notaire dans le processus. « On n’a pas besoin d’être dans une unité de soins palliatifs pour que le décès se passe bien », rappelle tout de même Sarah Dauchy.

« Si vous aviez été à notre place dans l’hémicycle ces dernières semaines, qu’auriez-vous voté ? », l’interpelle la sénatrice centriste Nadia Sollogoub. La médecin ne répond pas directement mais fournit quelques chiffres de comparaison avec le reste du monde.  « En matière de soins palliatifs, la France se situerait au 10e rang mondial, 5e pour la qualité des soins, et 22e pour l’accès aux soins », expose-t-elle. Un modèle qu’il lui semble urgent d’améliorer, d’autant plus que la crise du covid-19 a mis en exergue le « manque cruel de directives anticipées ». Elle conclut : « La crise du covid-19 a été source de drames humains. Il est urgent qu’on arrive à avoir une politique chiffrée… »

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