Séparatisme : « Soyez fidèle à Manuel Valls » ! Gérald Darmanin prend à partie Patrick Kanner
Coup d’envoi de l’examen au Sénat du projet de loi confortant les principes de la République. Dès la discussion générale, la tension était palpable dans l’hémicycle où les échanges entre le ministre de l’Intérieur et le président du groupe PS, Patrick Kanner auteur d’une motion de rejet du texte, ont viré en attaques politiques.
C’était prévisible, dès la discussion générale, le débat autour du projet de loi confortant les principes de la République a révélé des positions irréconciliables.
A la tribune, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a reconnu, un « texte difficile » « qui touche à l’intime » tout en vantant « un texte de fermeté » « face au séparatisme qui mène au terrorisme ».
Pour mémoire, le projet de loi confortant les principes de la République va occuper le Sénat durant une dizaine de jours. Ce texte de 55 articles couvre un champ très large. Il vise à accroître le contrôle des associations, la transparence des cultes et de leur financement. Il entend lutter contre la haine en ligne, ou encore encadre plus sévèrement l’instruction à domicile et renforce le principe de neutralité dans le service public.
« Notre mot d’ordre est clair : pas un euro d’argent public pour les ennemis de la République », a martelé Marlène Schiappa, ministre chargée de la Citoyenneté en rappelant le « contrat d’engagement républicain » que le projet de loi impose aux associations pour recevoir des subventions publiques. La ministre a également rappelé le volet en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes du projet de loi comme la lutte contre la polygamie, les certificats de virginité et les mariages forcés.
« Il est urgent que nos agents publics, sachent que l’Etat sera toujours à leurs côtés »
Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti a lui, mis en avant l’approche globale de différents ministères de ce qu’il nomme un « texte de liberté ». En ce qui concerne la Chancellerie, le projet de loi ajoute les infractions d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme à la liste de celles donnant lieu à une inscription au fichier des auteurs d’infractions terroristes (Fijait). On retient aussi une nouvelle incrimination pénale à l’article 18 dont la rédaction a été guidée par l’assassinat de Samuel Paty. Il sanctionne de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la mise en danger d’autrui par la diffusion d’informations personnelles, même si cette mise en danger n’est pas suivie de faits. La peine est portée à 5 ans et 75 000 euros d’amende, si la victime est mineure ou dépositaire de l’autorité publique.
« Il est urgent que nos agents publics, en première ligne face à ses dérives séparatistes, sachent que l’Etat sera toujours à leurs côtés et que la loi les protégera désormais plus complètement », a-t-il estimé.
« A chaque fois que l’école s’éloigne de la République, elle s’éloigne d’elle-même »
Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer a rappelé le rôle central de l’école dans « la consolidation de la République ». « A chaque fois que l’école s’éloigne de la République, elle s’éloigne d’elle-même. Ça a pu arriver, ça ne doit pas arriver ». Le ministre a rappelé son bilan pour consolider la laïcité dans l’école de la République comme la création du conseil des Sages de la laïcité. « Il reste du travail à faire sur l’école hors contrat et sur l’instruction en famille » a-t-il justifié en réponse au rejet par la majorité sénatoriale du régime d’autorisation préalable à l’instruction à domicile. « Outre le risque constitutionnel, le régime d’autorisation voulu par le gouvernement instaure une suspicion généralisée à l’endroit des familles qui pratique l’instruction en famille de manière régulière. Ce n’est pas acceptable et c’est la raison pour laquelle nous avons supprimé l’article 21 en commission », a rappelé Stéphane Piednoir rapporteur LR pour la commission de la culture.
« Ce texte ne suffira pas à construire l’immense rempart, il n’en sera que la première pierre » a jugé la corapporteure LR du texte, Jacqueline Eustache-Brinio en présentant les différents apports du Sénat.
Patrick Kanner « ne souhaite pas participer à cette hystérisation du débat »
Le ton est monté d’un cran lorsque le président du groupe PS, Patrick Kanner a déposé sa question préalable, une motion visant à rejeter l’ensemble du texte. « Cette loi est une loi de contraintes, une addition de mesures d’ordre public : nouveaux délits au pénal, contrôle des associations, fermeture des lieux de culte. Un tiers des articles du texte instaure des procédures de contrôle et plus d’un quart définit des peines d’emprisonnement. » […] Moi, je ne sais pas si l’extrême droite se ramollit ou si le gouvernement s’affermit. Toujours est-il que, sur le sujet qui nous anime aujourd’hui, on ne distingue plus guère la copie de l’original […] « Avec vous, Monsieur le ministre, les choses sont simples. Soit on est contre le terrorisme, soit on est pour l’islamo-gauchisme. Comme il doit être reposant de voir les choses à travers cette vision binaire. Nous ne souhaitons pas participer à cette hystérisation du débat. Nous ne céderons pas à la facilité qui consiste à utiliser des abstractions pour frapper les esprits, dans une période où la politique est dominée par des objectifs de communication » a-t-il dénoncé.
« Où est passée la gauche qui défend la laïcité ? »
Gérald Darmanin n’a pas ménagé le sénateur dans sa réplique. « Vous nous donnez des leçons alors que vous-même, vous vous alliez avec les pires extrémistes du parti de gauche […] Je préfère avoir M. Sarkozy comme modèle que M. Mélenchon […] Ou est passée la gauche qui défend l’école publique ? Où est passée la gauche qui défend la laïcité ? […] Soyez fidèle à Manuel Valls, soyez fidèle à Bernard Cazeneuve, soyez fidèle à Clemenceau, soyez fidèle à Chevènement […] Vous qui avez laissé partir les électeurs de gauche au Front national. Vous qui avez préféré la voix formidable des salons parisiens, de Terra Nova, plutôt que d’écouter le peuple et les ouvriers ».
Malgré le soutien du groupe écologiste et communiste la motion du groupe PS n’a pas été adoptée.
« Ce texte aurait pu s’appeler Samuel Paty ou Arnaud Beltrame »
Pour Bruno Retailleau, « ce texte aurait pu s’appeler Samuel Paty ou Arnaud Beltrame ». Le président de la droite sénatoriale a bien reconnu des « mesures utiles » dans ce texte, sans pour autant aller « au bout des choses ». « Vous n’osez pas parler du voile » a-t-il déploré. Des amendements en ce sens ont d’ailleurs été déposés par son groupe afin de l’interdire aux accompagnatrices scolaires. « Le séparatisme islamiste ne vient pas de nulle part. Il a été encouragé par le communautarisme, lui-même encouragé par une immigration dont on a perdu le contrôle » a-t-il ajouté.
« Elaboré après l’assassinat de Samuel Paty, ce texte facilitera-t-il la lutte contre le mal qu’il dénonce ? Je crains que non. Il tend surtout à renforcer le contrôle social » considère au contraire, la vice-présidente du groupe écologiste du Sénat, Esther Benbassa.
Même interrogation du côté du sénateur PS, Jean-Pierre Sueur. A quoi sert ce texte ? Si le but est de lutter contre le salafisme, contre le djihadisme radical et violent, regardez les articles les uns après les autres et dites-moi ceux qui seront efficaces. Et vous verrez qu’on accroît les contraintes de toutes choses y compris pour les associations sans pour autant aller dans le sens des objectifs affirmés ».
En conclusion de la discussion générale, Gérald Darmanin a réaffirmé l’un des enjeux du projet de loi : « Ne pas faire basculer du côté des islamistes, la très grande majorité des musulmans qui bien évidemment se posent des questions […] car ils voient un certain nombre de caricatures de leur foi […] attention à cette mesure de trop qui (les) ferait basculer du mauvais côté » […] « Refusez une partie parce que vous voulez le tout n’a jamais fait une politique d’un parti de gouvernement », a-t-il mis en garde la majorité sénatoriale qui souhaite durcir le texte.
Le Sénat examinera le projet de loi jusqu’au jeudi 8 avril.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.