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Retraites : les sénateurs LR critiquent « les limites de l’index seniors » et feront d’autres propositions
Par François Vignal
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L’index mis à l’index. Les députés ont rejeté mardi soir l’index seniors, l’une des mesures de la réforme des retraites. Une première alerte pour le gouvernement, due notamment au vote contre de 38 députés LR, ainsi que 6 abstentions issues du même groupe. Les regards se tournent dès à présent vers le Sénat, qui examinera le projet de loi en commission le 28 février et en séance à partir du 2 mars. Le gouvernement compte sur la Haute assemblée pour revenir sur ce vote.
Alors que l’exécutif veut faire travailler les Français plus longtemps, l’enjeu est de répondre au faible taux d’emploi des seniors dans le pays. Selon le texte du gouvernement, l’index seniors serait obligatoire dès novembre 2023 pour les entreprises de plus de 1.000 salariés, à partir de juillet 2024 pour celles de plus de 300, et à partir de juillet 2025 pour celles de plus de 50 salariés, suite à des amendements adoptés à l’Assemblée. En cas de non-publication de l’index, l’entreprise serait passible d’une sanction jusqu’à 1 % de sa masse salariale. Le gouvernement s’est montré ouvert à renforcer les sanctions.
A l’issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, n’a pas caché avoir besoin maintenant des sénateurs. « Le gouvernement souhaite que cet article puisse être restauré lors de l’examen du texte au Sénat », a-t-il affirmé. « Nous verrons avec le Sénat s’il y a possibilité de le rétablir. On verra avec le Sénat, avec les sénateurs, dans quelles conditions c’est possible », espérait dès le matin sur France Inter le ministre du Travail, Olivier Dussopt.
Le gouvernement peut saisir le Sénat avec le « texte qu’il a initialement présenté », soit avec l’article 2 sur l’index des seniors
Etonnamment, les deux ministres ne semblent pas totalement informés de la procédure. Il faut dire que c’est une première. Car le gouvernement n’a en soit pas besoin du Sénat pour rétablir l’article 2. Il peut le faire lui-même. Petit point de technique parlementaire : dans le cadre du recours au fameux article 47-1 de la Constitution, si les députés ne vont pas au bout, comme c’est probable, c’est le texte du gouvernement, complété des amendements qu’il souhaite retenir, qui arrive sur le bureau du Sénat. L’article LO111-7 du Code de la Sécurité sociale est très clair sur ce point : « Si l’Assemblée nationale n’a pas émis un vote en première lecture sur l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale dans le délai prévu à l’article 47-1 de la Constitution, le gouvernement saisit le Sénat du texte qu’il a initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l’Assemblée nationale et acceptés par lui ».
A noter que le rejet de l’article 2 vient d’un vote contre l’article, et non de l’adoption d’un amendement de suppression. Raison de plus qui permet au gouvernement de présenter au Sénat un texte avec l’article 2. Mieux : on pourrait même considérer, selon un expert du droit parlementaire, que le gouvernement n’aurait pas le droit de présenter le texte sans l’article 2…
« On ne peut pas réduire uniquement cette question-là à un index », avance Bruno Retailleau
Si la technique parlementaire est essentielle, l’enjeu est aussi éminemment politique. Même si l’article 2 fait son retour d’office pour l’examen au Sénat, la question est de savoir ce que feront les sénateurs de cet index des seniors. Et là, tout n’est pas encore écrit.
Comme à l’Assemblée, les sénateurs LR ne voient pas d’un très bon œil l’index. Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, ne le cache pas : « Premièrement, on a toujours eu des doutes sur la constitutionnalité de l’index seniors. Deuxièmement, on a des réticences pour l’élargir aux PME, car un index n’est valable que sur des nombres significatifs. Et troisièmement, nous serons beaucoup plus imaginatifs que d’établir un index pour l’emploi des seniors. On ne peut pas réduire uniquement cette question-là à un index », nous affirme le patron des sénateurs LR, qui explique que son groupe « a quelques pistes, qu’il faut arbitrer ».
« L’index seniors est un truc bureaucratique et technocratique », dénonce Marc-Philippe Daubresse
Au groupe LR, certains sont clairement opposés à la mesure. « A titre personnel, je suis contre l’index », soutient ainsi la sénatrice LR de l’Aisne, Pascale Gruny, vice-présidente du Sénat, qui était « responsable RH en entreprise ».
« En accord avec le vote des députés LR qui ont voté contre hier », son collègue Marc-Philippe Daubresse résume au micro de Public Sénat son état d’esprit : « Il faut arrêter de mettre les séniors à l’index, plutôt que mettre des index des séniors, qui sont encore un truc bureaucratique et technocratique », lance le sénateur LR du Nord, qui propose plutôt de « baisser les charges pour les petites entreprises, en donnant des mesures incitatives pour mieux employer les seniors, oui. Mais faire un index et des contraintes […], non, ce n’est pas la bonne méthode ». Regardez :
« Pour les uns, l’index n’est pas suffisamment coercitif, pour les autres, il l’est trop »
Plus mesuré, le sénateur LR, René-Paul Savary, qui sera rapporteur du texte au Sénat, n’est pas plus allant sur le fond. « Nous allons voir (si on le rétablit), car l’index a ses limites. Pour les uns, il n’est pas suffisamment coercitif, pour les autres, il l’est trop. Globalement, je ne suis pas convaincu que ce soit le seul dispositif qui permettrait de développer davantage l’emploi des seniors », confirme le sénateur de la Marne, auteur chaque année de l’amendement qui a inspiré le gouvernement sur le report à 64 ans et les 43 ans de cotisations. Regardez :
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Mais pour la droite sénatoriale, il faut néanmoins « travailler sur cet emploi des séniors ». « Il y a un sujet seniors, et pas forcément un sujet index », résume René-Paul Savary, qui rappelle qu’il est l’auteur « d’un rapport sur le travail des séniors », rédigé en 2019 avec la socialiste Monique Lubin. « Nous souhaitons un dispositif qui soit acceptable et fonctionnel, qui soit ni une contrainte, ni trop incitatif, qui soit le témoin d’une volonté partagée entre les employeurs et les employés », explique le sénateur. Et d’ajouter :
Nous avons d’autres propositions.
« Nous sommes favorables à l’index des séniors, mais à un index renforcé », affirme Hervé Marseille
Problème : les LR ne seront pas les seuls à avoir des idées. Leurs alliés du groupe Union centriste, sans qui LR n’a pas de majorité au Sénat, comptent aussi se faire entendre sur le sujet. Mais pas dans le même sens… « Nous sommes favorables à l’index des séniors, mais à un index renforcé », explique Hervé Marseille, à la tête du groupe UC. Les sénateurs centristes, qui tenaient une réunion en début d’après-midi sur les retraites, vont défendre l’idée « de descendre le seuil » d’application, prévu à 300 salariés.
Les centristes vont même défendre « un bonus/malus, en sanctionnant les entreprises qui n’agissent pas et en favorisant fiscalement, ou sur les cotisations, les entreprises vertueuses ». Une idée défendue aussi par les députés Modem notamment. Par ailleurs, selon Hervé Marseille, l’index des séniors ne risque « pas d’être considéré comme un cavalier social (qui risquerait d’être censuré par le Conseil constitutionnel, ndlr), car les amendes iront à la caisse de la Sécurité sociale », ce qui ferait le lien budgétaire, nécessaire sur un PLFRSS.
Le groupe LR « assez hostile au bonus/malus »
On le voit, cette question risque d’être un point de désaccord entre LR et l’Union centriste. « On est assez hostile au bonus/malus », reconnaît Bruno Retailleau, qui pointe « l’exemple de la taxation Delalande, qui remonte à 30 ans, qui était une pénalisation des entreprises qui licenciaient des salariés de plus de 50 ans. Les faits ont montré que ce n’était pas la meilleure solution, car elle a été abandonnée ».
Les centristes trouveront-ils un allié de circonstance sur le bonus/malus avec le groupe socialiste ? « L’index des seniors, nous considérons au groupe PS que c’est une tarte à la crème. Il n’apportera strictement rien », commence Monique Lubin (voir vidéo ci-dessous). Mais la sénatrice PS de Gironde, qui sera chargée du texte pour son groupe, ajoute en revanche que « le bonus/malus est un outil dont on peut parler. Mais il n’est pas le seul ». Elle ajoute : « Les centristes ne seront les seuls à proposer (le bonus/malus). Je pense qu’il y aura beaucoup d’amendements autour de l’emploi des seniors ».
« L’index, ça pénalise. Le label, ça valorise »
A moins qu’un compromis puisse être trouvé au sein de la majorité sénatoriale. « L’index, ça pénalise. Le label, ça valorise. Il y a quand même une voie de passage entre les deux, (….) sans mettre des bonus, des malus, un truc simple », a avancé en fin de matinée René-Paul Savary, lors de l’audition des représentants du patronat en commission des affaires sociales. « L’index, ça peut pénaliser, pourquoi pas au-dessus de 300 salariés. Le label, ça peut valoriser, pourquoi pas entre 50 et 300 salariés », imagine le Monsieur retraites du groupe LR, qui évoque une autre piste : « Le CDI seniors ». « Cela évite que le salarié aille au chômage et vous gardez son expérience, sa compétence », avance le sénateur, à l’adresse des représentants patronaux. Et d’ajouter : « J’avais cette idée depuis deux/trois jours. Je ne sais pas si on pourra la mettre dans la loi. Mais il faut qu’on obtienne du gouvernement des engagements ». Cette idée de CDI seniors « fait partie des pistes », confirme-t-on du côté du groupe LR.
Il existe déjà un CDI inclusion, à destination des plus de 57 ans en difficulté, mis en place par la proposition de loi LREM de 2020 qui expérimentait les « territoires zéro chômeur ». Les débats diront si les sénateurs creusent cette idée lors du passage du texte au Sénat.