Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.
Retraites : « Il faut que députés et sénateurs LR aient un langage commun, sinon, ça devient ridicule »
Par François Vignal
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Vous reprendrez bien un peu de retraites ? Après la trêve des confiseurs et les excès des fêtes, le gouvernement a fait ce mercredi sa rentrée, bon pied bon œil, pour le premier Conseil des ministres de 2023. A moins d’une semaine de la présentation par Elisabeth Borne de la réforme des retraites, la première ministre reçoit à nouveau les partenaires sociaux. Elle va aussi s’entretenir par téléphone avec le président du groupe LR de l’Assemblée, Olivier Marleix, d’ici la fin de semaine, et jeudi, avec son homologue du Sénat, Bruno Retailleau. La locataire de Matignon sait bien que les députés LR ont « la clé » à l’Assemblée, comme l’a dit le nouveau patron du parti, Eric Ciotti, fin décembre, à la sortie de Matignon, du fait de la majorité relative.
Alors qu’Emmanuel Macron avait fixé comme engagement de campagne un report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, Elisabeth Borne a assuré de nouveau sur France Info que cet âge n’était « pas un totem », ajoutant étudier « d’autres solutions qui permettent d’atteindre […] l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2030 ». Une porte ouverte vers la position que défend depuis quelques années la majorité sénatoriale de droite et du centre, avec un report de l’âge à 64 ans et une accélération de la réforme Touraine sur la durée de cotisation, soit 43 années de cotisations requises pour une retraite à taux plein, dès la génération 1967, au lieu de 1973. « J’ai le sentiment que ce sera 64 ans », a déclaré sur RTL le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, reçu la veille par Elisabeth Borne.
« C’est une question de tactique parlementaire. A quel moment on lâche »
Tout semble indiquer que l’atterrissage se fera autour de cette position. Reste à savoir si le gouvernement mettra les 64 ans sur la table dès la ligne de départ, c’est-à-dire le 10 janvier, lors de la présentation de la réforme, ou s’il se garde une marge de négociation – et de mise en scène de cette dernière – pour le débat au Parlement. « C’est une question de tactique parlementaire. A quel moment on lâche », confie un député Renaissance rodé à l’exercice des débats.
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Le gouvernement met en avant les autres points de la réforme à venir : carrières longues, pénibilité, retraite minimum à 1200 euros nets, travail des séniors. Des questions que mettent aussi dans la balance les sénateurs LR. L’exécutif espère bien « identifier des accords », explique ce midi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, qui note : « Il y a des groupes politiques qui ne font pas partie de la majorité, et qui portent eux-mêmes une réforme qui a la couleur, l’odeur et le goût de la réforme que nous portons. Donc je me dis qu’en cohérence, il ne serait pas illogique qu’une partie de l’opposition, notamment à droite de l’échiquier politique, s’associe aux voix de la majorité pour adopter une réforme ». Regardez :
« Elisabeth Borne se rapproche de nos idées. C’est très bien »
Au Sénat, on ne boit pas encore complètement du petit-lait, mais on constate qu’« Elisabeth Borne se rapproche de nos idées. C’est très bien », apprécie le sénateur LR René-Paul Savary, qui porte l’amendement retraites tous les ans pour son groupe dans le budget de la Sécu. Aujourd’hui, les sénateurs LR sont prêts à assumer un vote pour la réforme du gouvernement. « Allons-nous défendre ce que nous avons toujours défendu ? Ou bien allons-nous glisser dans les sables mouvants du reniement ? » demandait fin décembre Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR, dans une tribune publiée dans Le Figaro.
« On n’est pas là pour faire de l’obstruction. On est là pour que les choses bougent », soutient Catherine Deroche, présidente LR de la commission des affaires sociales, qui l’assure : « On n’a pas d’état d’âme du tout ».
« Le courage, c’est de savoir attendre. La France n’est pas prête », selon le député LR Raphaël Schellenberger
Au Palais Bourbon, c’est une autre histoire. Car les LR ne sont pas encore tous sur la même ligne sur les retraites. Comme nous l’expliquions, entre les sénateurs, où le groupe est cohérent, et les députés, difficile parfois d’y voir clair. Olivier Marleix proposait en décembre sur Public Sénat un report à 63 ans, mais au même rythme que la réforme du Sénat. D’autres députés LR sont, à l’opposé, constructifs et prêts à voter la réforme, quand d’autres encore, comme Aurélien Pradié, ne veulent pas entendre parler d’un report de l’âge et mise uniquement sur la durée de cotisation.
Raphaël Schellenberger, député LR du Haut-Rhin, qui avait soutenu le député du Lot pour la campagne interne LR, va plus loin. Pour lui, il faut carrément suspendre la réforme. « La France fait face à de nombreuses crises », avance Raphaël Schellenberger. « On a une société complètement écartelée. Il faut reconstruire avant de montrer qu’on a des petits bras musclés et de faire une grosse réforme. Le courage, c’est de savoir attendre. La France n’est pas prête à un tel chantier et il n’y a pas d’urgence », soutient le député du Haut-Rhin, qui ajoute :
La réforme des retraites aujourd’hui, c’est organiser la chienlit. Celui qui sera responsable du bordel, est celui qui provoque l’étincelle dans une pièce remplie de gaz.
Le député pense que la période des vœux, où les députés seront en circonscription, au contact de la population, permettra à ses collègues de se rendre compte que les Français sont contre la réforme.
« Une majorité de députés LR ne sera pas loin de la position des sénateurs »
Mais cette position est aujourd’hui minoritaire chez les députés LR. Et au Sénat, on croit en la capacité des LR à trouver, à la fin, une ligne commune. En décembre, Eric Ciotti avait soutenu l’idée et le principe d’une « réforme », voulant discuter du « rythme et du calendrier » « Il y a un travail de groupe à faire au niveau de l’Assemblée. Nous, nous l’avons fait ce travail depuis de nombreuses années », souligne René-Paul Savary. Autrement dit, la réflexion ne serait pas encore tout à fait mûre chez les députés.
Histoire de faciliter un rapprochement, « Bruno Retailleau et Eric Ciotti doivent se rencontrer prochainement, ce sera certainement un sujet de discussion », confie la présidente de la commission des affaires sociales. Mais en cas de couac à droite, Catherine Deroche met en garde : « Il faut qu’entre députés et sénateurs LR, on ait un langage commun, sinon, ça devient ridicule. On ne peut pas avoir des candidats qui ont défendu la réforme des retraites et dire que non, ce n’est pas le moment ».
Confiante, Catherine Deroche pense malgré tout « qu’une majorité de députés LR ne sera pas loin de notre position. On peut avoir un discours commun », « il n’y a pas de raison ». « Olivier Marleix a la volonté d’aboutir, c’est sûr », estime encore un observateur.
Eric Woerth : « LR ne peut pas se renier »
L’un des anciens amis des LR les incite à soutenir la réforme. C’est Eric Woerth. L’ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy est depuis juin dernier député du groupe Renaissance. « LR ne peut pas se renier. Je pense que les principaux dirigeants, qui sont responsables, ne peuvent pas dire non à une réforme qui sera sans doute celle que les LR auraient faite s’ils avaient été au gouvernement », affirme le député de l’Oise, qui prône pour sa part un report « à 65 ans ». Il continue : « Je pense qu’in fine, LR votera cette réforme, je le crois profondément. Cela nécessite que le gouvernement ne recule pas, ne cède pas à la rue, soit fort et c’est plutôt le cas aujourd’hui ».
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Eric Woerth, qui a porté le report de l’âge de 60 à 62 ans, voit quelques similitudes avec la période actuelle : « Je suis le dernier LR à avoir mené une réforme des retraites. Je l’ai rédigée, soutenue à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les questions qui se posent sont les mêmes. Ceux qui ont peur, ceux qui hésitent, ceux qui tournent autour du système sans rentrer dans le vif du sujet, et ceux qui rentrent dans le vif du sujet ». Pour l’ancien ministre, une telle réforme « restera impopulaire, par principe. On le comprend. Mais personne n’est revenu sur la réforme à 62 ans, qui a été critiquée, comme personne ne reviendra sur la retraite à 64 ou 65 ans ».
Le 49.3 au secours des députés LR ?
Si les difficultés des LR à partager une ligne commune persistent, les débats à l’Assemblée pourraient peut-être leur simplifier les choses… en évitant d’avoir à voter sur l’ensemble du texte. « Ça va passer avec les LR, à condition qu’il n’y ait pas d’obstruction de la gauche. Sinon, on ne pourra pas tester le vote LR », prédit un député Renaissance. Autrement dit, si l’obstruction empêche les débats d’avancer, le gouvernement n’aura pas d’autre choix que de passer en force avec le 49.3. « Mais avec la tonalité des discussions, on sentira la bienveillance des LR » pour la réforme, imagine le même député. Reste qu’adopter la réforme des retraites à coup de 49.3 ne serait pas la meilleure porte de sortie pour le gouvernement.