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Réforme des retraites : ces mesures prises par décret qui inquiètent les sénateurs
Par Public Sénat
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C’est l’un des angles morts de la réforme des retraites : une partie des mesures en faveur d’une meilleure prise en compte de la pénibilité, de l’usure des travailleurs ou encore sur les carrières longues ne figurent pas dans le projet de loi que le Parlement s’apprête à examiner. Alors que ce versant de la réforme est largement mis en avant par le gouvernement pour faire valoir son souci d’équilibre face au report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans à l’horizon 2030, le véhicule législatif choisi par l’exécutif - un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS) -, ne permet pas d’introduire des dispositions qui sortent du champ financier. Cette situation devrait contraindre l’exécutif à agir par décret sur certains points, comme l’a précisé Olivier Dussopt, le ministre du Travail, mercredi soir lors de son audition par la commission sénatoriale des affaires sociales.
« Les décrets, on sait ce qu’il en est. Soit, ils ne sont jamais pris, soit ils nous réservent certaines surprises »
Dans son propos liminaire, le ministre s’est longuement attardé sur le dispositif « carrières longues », que le gouvernement entend élargir, notamment en y incluant les « trimestres de congés parentaux cotisés au titre de l’assurance vieillesse », ce qui devrait bénéficier aux femmes dont les carrières professionnelles ont pu être bousculées par des maternités. Manière aussi, pour le locataire de l’hôtel du Châtelet, d’assurer le service après-vente après la maladresse de son collègue Franck Riester, qui a reconnu lundi que l’allongement de la durée de travail allait « un peu pénaliser » les femmes. « Je précise pour la sincérité et la transparence des débats que vous ne trouverez pas, dans le PLFRSS, trace de ces mesures car elles relèvent d’une nature réglementaire, donc nous les prendrons par décret », a toutefois reconnu Olivier Dussopt.
« Pourquoi n’avez-vous pas fait un véritable projet de loi sur les retraites ? », lui a lancé, agacée, la sénatrice socialiste Monique Lubin. « Vous nous dites que toutes les mesures d’accompagnement seront prises par décret. Or, les décrets, on sait ce qu’il en est. Soit, ils ne sont jamais pris, soit ils nous réservent certaines surprises comme celle que l’on a eue le 23 décembre avec le décret sur l’indemnisation des chômeurs », a-t-elle taclé. Et d’ajouter : « Je sais très bien pourquoi vous êtes passé par un PLFRSS, pour des raisons de politique politicienne, c’est bien dommage car les salariés, les futurs retraités, méritaient mieux que ça. »
Le PLFRSS pourrait permettre au gouvernement d’avoir recours plus librement à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Si l’utilisation de cet outil est limitée à un seul texte par session ordinaire, cela ne concerne pas les textes budgétaires. Passer par un PLFRSS permet donc à l’exécutif de sauvegarder « une cartouche » pour un autre projet de réforme. Par ailleurs, l’examen d’un budget de financement de la sécurité sociale est encadré par l’article 47-1 de la Constitution. Les députés auront 20 jours pour adopter le texte en première lecture, faute de quoi le gouvernement pourra transmettre son texte initial au Sénat, qui aura seulement 15 jours pour l’amender et le voter. Si une commission mixte paritaire ne parvient pas à accorder les deux chambres, une seconde lecture est prévue mais au-delà d’un délai total de 50 jours sans adoption par le Parlement, le gouvernement est autorisé à mettre en œuvre sa réforme par ordonnances.
« Comment allons-nous pouvoir introduire des amendements avec l’article 40 ? »
Il n’y a pas que les élus de gauche qui s’agacent de la méthode du gouvernement. La majorité sénatoriale de droite et du centre, bien que favorable à la réforme, n’entend pas donner un blanc-seing à l’exécutif. « Ce n’est pas parce que l’inspiration de la réforme emprunte au désormais fameux amendement Savary [du nom du sénateur à l’origine du report de l’âge légal de départ à la retraite voté chaque année par le Sénat, ndlr] que nos exigences s’en trouvent amoindries ! », a relevé mercredi soir Catherine Deroche, la présidente (LR) de la commission des affaires sociales.
Le doyen Jean-Marie Vanlerenberghe, membre du groupe Union centriste, a voulu alerter le ministre sur la marge de manœuvre qui serait laissée aux parlementaires durant les débats : « Comment allons-nous pouvoir introduire des amendements avec l’article 40 ? », a-t-il interrogé, en référence à une disposition de la Constitution qui considère comme non recevables les amendements qui entraînent une baisse des ressources publiques. « Vous me demandez de faire preuve d’ouverture d’esprit ? Ce n’est pas ce qui me caractérise le plus… », a ironisé Olivier Dussopt. Avant de rassurer l’élu : « Il y a un certain nombre de dispositions qui nécessiteront, évidemment, de faire preuve de cette ouverture. »
Un second projet de loi « d’ici l’été » sur les mesures en faveur du travail des seniors
Autre angle mort : une large partie des dispositifs consacrés à l’employabilité des seniors ne figure pas non plus dans ce projet de loi de finances rectificative. « Il y a des mesures qui relèvent très directement de ce texte, notamment pour faciliter les transitions, comme la retraite progressive ou l’accès au cumul emploi-retraite », a indiqué Olivier Dussopt. En revanche, les modalités de l’index senior, créé par cette loi, seront fixées ultérieurement. « Nous avons la volonté de l’appliquer aux entreprises de plus de 300 salariés, nous prévoyons un dispositif de sanctions financières pour les entreprises qui se soustrairaient à cette obligation de publicité », a précisé le ministre.
Globalement, les questions relatives à la formation des travailleurs plus âgés feront l’objet d’un autre projet de loi dont l’examen sera proposé au Parlement « d’ici l’été », promet le ministre. La place accordée aux seniors est « une condition de réussite de la réforme », a-t-il voulu souligner. Ce second texte contiendra aussi des mesures relatives à la mise en place de France Travail, qui doit remplacer Pôle Emploi, et à « l’accompagnement renforcé des allocataires du RSA ». Il s’agit d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui avait souhaité établir « un meilleur équilibre des droits et devoirs » pour les bénéficiaires de cette prestation sociale.