Réforme de l’irresponsabilité pénale : Les LR et les centristes déposent un texte commun
Les groupes LR et centristes vont déposer une proposition de loi pour réformer le régime de l’irresponsabilité pénale. S’ils se défendent de vouloir « juger les fous », ils considèrent qu’il est impératif de légiférer notamment pour permettre aux victimes d’avoir accès à un procès.
Par Héléna Berkaoui
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L’affaire Halimi est dans toutes les têtes quand il s’agit d’évoquer la réforme de l’irresponsabilité pénale. L’arrêt de la Cour de cassation qui a confirmé l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi avait suscité de nombreuses réactions indignées. Il y a à peine un mois, la Cour actait le fait qu’il n’y aurait pas de procès pour le meurtre de cette femme de 65 ans, de confession juive, tuée en avril 2017 à Paris.
Au Sénat, des travaux ont été lancés dès 2019 pour revoir le cadre de l’irresponsabilité pénale. La sénatrice centriste, Nathalie Goulet, avait déposé une proposition de loi en ce sens dès janvier 2020 et c’est à l’initiative de son groupe parlementaire qu’un débat avait été organisé avec l’ancienne garde des Sceaux, Nicole Belloubet, pour examiner les contours d’une telle réforme.
Suite à l’arrêt de la Cour de cassation, le président de la République s’est engagé à lancer une réforme, le garde des Sceaux ayant annoncé dans la foulée un projet de loi pour la fin mai. Une démarche qui fait grincer des dents au Sénat où l’on attend que les travaux des parlementaires soient pris en compte (lire ici).
Réunis pour annoncer le dépôt d’une proposition de loi commune, les présidents des groupes LR, Bruno Retailleau et centriste, Hervé Marseille, ont souligné l’étendue des travaux des parlementaires. Le sénateur LR, Jean Sol, co-auteur d’un rapport sur l’expertise psychiatrique en matière pénale et Nathalie Goulet ont par ailleurs esquissé l’esprit de la proposition de loi qu’ils s’apprêtent à déposer.
« On ne touchera pas aux dispositions fondamentales de notre droit tel qu’il existe : on ne juge pas les fous », expose en premier lieu la sénatrice centriste de l’Orne. « Mais il faut savoir qu’il y a aujourd’hui plus de 350 non-lieux pour irresponsabilité pénale par an et en 2018, il y a eu plus de 13 000 classements sans suite pour irresponsabilité pénale », poursuit Nathalie Goulet (voir la vidéo ci-dessous).
« Vous avez donc 20 000 victimes qui n’ont jamais eu de procès, qui n’ont jamais pu faire leur deuil et en même temps 20 000 auteurs qui sont dans la nature et pour lesquels on n’a pas d’explications ni de suivi donc c’est un sujet, au-delà de l’affaire Halimi, qui est absolument majeur », affirme la sénatrice. A noter que dans le cas de l’affaire Halimi, le mis en cause a été interné. Les auteurs de crime dont l’irresponsabilité pénale est établie sont généralement placés dans des unités pour malades difficiles (UMD), des services hospitaliers psychiatriques spécialisés dans le traitement des malades mentaux présentant un danger pour eux-mêmes ou pour autrui.
« La question n’est pas de juger les fous, la question concerne ceux qui se sont placés dans cet état-là. Il faut modifier la loi pour permettre de poursuivre des personnes qui sciemment se sont placées dans cette situation de folie pour échapper quelque part à la responsabilité pénale », résume François-Noël Buffet (LR), président de la commission des Lois.
Aujourd’hui, l’article 122-1 du Code pénal, qui définit l’irresponsabilité pénale, prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Et tout est dans le « au moment des faits ». Comme le rappelle Bruno Retailleau, leur texte acterait que « dès lors que l’abolition du discernement est provoquée par un acte volontaire, il y a responsabilité ». Concrètement, dans le cas du meurtrier de Sarah Halimi qui a été pris « d’une bouffée délirante » au moment des faits, suite à une consommation importante de cannabis, l’irresponsabilité pénale ne pourrait être établie.
Les travaux communs de la commission des Affaires sociales et de celle des Lois, agiront également sur les conditions de l’expertise psychiatrique en matière pénale. Dans son rapport, Jean Sol dénonce « les conditions matérielles de leur pratique : une formation unanimement dénoncée comme insuffisante, une rémunération peu incitative… ». Mais aussi une hausse constante des demandes d’expertises psychiatriques avec toujours moins de moyens.
Chez les professionnels du droit, ce projet de réforme inquiète fortement. Interrogée par Public Sénat en avril, la présidente de l’union syndicale des magistrats s’opposait fermement à cette réforme. « On ne peut pas avoir une réglementation aussi nette. Il y a une zone grise où vous pouvez prendre des produits toxiques et avoir un terrain pathologique », prévenait Céline Parisot. Une telle réforme posera de nombreuses questions, selon elle : « L’auto-intoxication est-elle délibérée ? Est-ce qu’elle vient sur un terrain pathologique ? Est-ce un déclencheur ou un facilitateur du passage à l’acte ? » Dans une tribune publiée dans Le Monde, Daniel Zagury, l’auteur de l’expertise initiale du meurtrier de Sarah Halimi se prononce, lui, pour une réforme « mais pas n’importe comment ».
Le texte sera présenté en commission le 19 mai et arrivera en séance publique le 25 mai. Les sénateurs attendent ici que le gouvernement se saisisse de leur proposition de loi et de leurs travaux plutôt que de faire cavalier seul sur « un sujet majeur ».
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.