Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Que retenir du discours de politique générale d’Édouard Philippe au Sénat ?
Par Public Sénat
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Le Premier ministre prononce à partir de 09 h 30 une autre version de son discours de politique générale, qui a été approuvé mercredi à l'Assemblée par 363 députés (163 voix contre et 47 abstentions), une majorité légèrement moins large qu'en juillet 2017.
C'est la première fois qu'une déclaration de politique générale sera soumise à un vote dans une Chambre haute tenue par l'opposition. Une simple marque de « respect », indique Matignon. Mais qui pousse aussi le Sénat à majorité de droite (LR et centriste), à clarifier sa position vis-à-vis d'Emmanuel Macron. Face au risque de division entre ceux tentés par un vote contre et ceux préférant l'abstention, Bruno Retailleau, président du groupe LR, a appelé mercredi soir ses troupes à s'abstenir, alors qu'à l'Assemblée 81 des 104 députés LR se sont prononcés contre.
La déclaration d'Édouard Philippe sera suivie des déclarations d'orateurs de chaque groupe parlementaire.
« Répondre à l’urgence écologique sera le premier axe de l’acte II du quinquennat »
Si Édouard Philippe a choisi d’utiliser l’article 49 alinéa 4 de la Constitution, à savoir la demande d’approbation de sa déclaration de politique générale à la chambre haute, c’est pour exprimer « son respect du bicamérisme, par esprit de clarté et de responsabilité dans un moment de bascule de notre vie politique qui nous invite à dépasser des clivages anciens ».
Depuis son dernier discours de politique générale au Sénat (le 5 juillet 2017), la « conviction » du gouvernement « qu’il y a urgence à réformer le pays n’a pas changé ». Comme le Premier ministre l’a rappelé dans une référence à peine voilée à la crise des gilets jaunes, « nos concitoyens ne s’expriment pas seulement les jours d’élections ». « Chez beaucoup d’entre eux s’exprime un violent rejet des injustices territoriales et fiscales ». « Pour beaucoup la politique est devenue un sentiment d’incompréhension et de dépossession ». Toutefois, le Premier ministre a mis en avant « qu’en même temps » s’exprimait chez les Français « une inspiration à l’engagement ».
Notamment en faveur de la planète, et « répondre à l’urgence écologique sera le premier axe de l’acte II du quinquennat » a-t-il indiqué. « Nous allons accélérer la transformation environnementale de notre économie et de nos transports, rendre plus incitatives et plus accessibles les aides à la rénovation énergétique, en finir avec un consumérisme qui consiste à jeter, à gaspiller avec une insouciance inconsidérée » a-t-il énuméré renvoyant à son discours d’hier devant les députés sont « les mesures qui transformeront nos modes de production, de transports, de consommation, de vie ».
Citant le philosophe Michel Serre, le Premier ministre souhaite « défendre une écologie de la courbe et non de la rupture ». « Je ne crois pas à l’écologie du grand soir, je crois à une écologie qui agrège qui embarque qui change les actes et pas uniquement la une des journaux ».
Fiscalité : une baisse de 27 milliards sur le quinquennat
« Partout en France, des femmes et des hommes peinent à boucler leur fin de mois. Dans leurs contributions sur la plateforme du Grand débat, ils étaient nombreux à dénoncer le coût de la vie que nous lisons parfois comme un « coup » qui nous met à terre », a expliqué Édouard Philippe.
« Pour ces hommes et ces femmes, nous voulons que les impôts pèsent moins et que le travail paye mieux. C’est pour eux que nous baisserons l’impôt sur le revenu de 5 milliards et que nous supprimerons la totalité de la taxe d’habitation », a-t-il annoncé, évoquant un gain de 350 euros en moyenne pour les 12 millions de foyers qui correspondent à la première tranche de l’IRPP et de 180 euros en moyenne pour la tranche suivante.
« Au total, les impôts des ménages baisseront de 27 milliards d’euros durant ce quinquennat. Ces baisses seront votées dans le projet de loi de finance et seront effectives dès le 1er janvier 2020 », a-t-il détaillé.
Néanmoins, le Premier ministre alerte. « Vous mesurez autant que moi le coût de ses mesures. Rien n’est jamais gratuit, c’est pourquoi l’annonce de ces baisses d’impôt exige une discipline. Il n’y a pas d’autres solutions que de trouver des économies et de travailler plus », prévient-il.
« Nous avons en matière de finances publiques un bilan qui nous donne de la légitimité. En 2017, au prix d’un effort remarqué et parfois contesté, nous avons enfin ramené le déficit sous la barre des 3 %. En 2018, nous avons stabilisé la dette. Pour la première fois depuis 40 ans, les dépenses publiques ont reculé en volume. Certains considèrent ces chiffres comme insuffisants, je les renverrai à leurs propres bilans », visant sans les nommer les sénateurs LR et PS qui ont fait partie des majorités gouvernementales sous le quinquennat Sarkozy puis Hollande.
Pour Édouard Philippe, « Le plein-emploi n’est ni une utopie, ni un néologisme allemand »
« En parallèle, il nous faut travailler davantage. Revaloriser le travail implique de rénover profondément notre système d’assurance-chômage. Le plein-emploi n’est ni une utopie, ni un néologisme allemand. C’est un objectif réaliste auquel on a trop longtemps renoncé faute de vision et de courage ».
Édouard Philippe a annoncé qu’il détaillerait la semaine prochaine avec Muriel Pénicaud la manière dont le gouvernement veut réformer l’assurance-chômage pour « inciter au retour à l’emploi durable ». « Nous voulons responsabiliser les entreprises qui abusent des contrats courts avec un mécanisme de bonus-malus sur les cinq à dix secteurs qui utilisent le plus dans notre économie ces contrats courts. Nous voulons permettre aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants de se lancer dans de nouveaux projets », a-t-il expliqué.
« Nous voulons que le travail paye toujours mieux que l’inactivité. Nous assumons la dégressivité de l’indemnisation pour les salariés dont les revenus sont les plus élevés, car ce sont ceux qui retrouvent le plus facilement un emploi. C’est une affaire d’équité et de justice dans une société de liberté et de responsabilité », a-t-il annoncé.
Retraites : « Disons la vérité aux Français, il faudra travailler plus longtemps »
Le premier ministre a rappelé la volonté du gouvernement de mettre en œuvre la réforme de la dépendance, qui « sera un grand marqueur social de ce quinquennat ». Un projet de loi sera présenté à la fin de l’année afin de déterminer « la stratégie et la programmation des moyens nécessaires ». « Dès le prochain » budget de la Sécurité sociale, « une première étape se fera avec des mesures favorisant le maintien à domicile et l’investissement dans les Ehpad ».
Autre grande réforme attendue : celle des retraites. Les détails seront connus en juillet. Il s’agira de créer un système « universel » pour avoir « les mêmes règles et les mêmes droits pour tous, quel que soit le statut ». Le système sera « plus redistributif, car l’écart entre les pensions les plus modestes et les plus aisées sera réduit », tout comme l’écart entre les retraites « entre hommes et femmes ». Et d’ajouter : « Disons la vérité aux Français, il faudra travailler plus longtemps ». Si l’âge légal est maintenu à 62 ans, il y aura un âge d’équilibre qui incitera à travailler plus longtemps.
Réorganisation des collectivités locales : Édouard Philippe annonce deux projets de loi au Sénat
Édouard Philippe annonce que deux projets de lois seront adoptés dans les prochains mois, dont l'un avant les élections municipales du printemps 2020 (lire notre article). Le premier répondra aux problèmes rencontrés par les maires dans l’exercice de leur mandat. Le second prépare un « nouvel acte décentralisation », en ouvrant la voie à la différenciation territoriale.
Un projet de loi intitulé « engagement et proximité » sera déposé « avant le mois juillet », après une phase d’échanges entre l’exécutif, présidents de groupes au Sénat et associations d’élus. Il vise à corriger les défauts de la loi territoriale de 2015, dite « loi NOTRe ». Car selon Édouard Philippe, elle a « parfois créé des irritations qu’il convient de corriger », notamment du point de vue de la répartition des rôles entre communes et intercommunalités. Le texte doit également répondre aux problèmes rencontrés par les maires dans l'exercices de leurs fonctions.
L’autre projet de loi, dont Jacqueline Gourrault sera en charge, sera présenté « avant la fin du premier semestre 2020 » et sera appliqué « avant les échéances électorales de 2021 » (les élections départementales et régionales). Ce « nouvel acte de la décentralisation » devra « achever les transferts de compétences », selon Édouard Philippe. Parmi lesquelles : le logement, les transports ou encore la transition écologique, au cœur de son discours. Ce projet de loi « décentralisation et différenciation » ouvrira la voie à la différenciation territoriale.
Quant à la suppression totale de la taxe d'habitation, les modalités précises seront au menu de la prochaine loi de finances.
« S’engager dans la révision constitutionnelle sans l’accord du Sénat n’est tout simplement pas possible »
Dans cette « stratégie de proximité des services publics », le Premier ministre développe dans son discours, ce qu’est « France service » : « L’idée est simple : construire un guichet unique avec des agents polyvalents, capables de répondre à nos concitoyens dans leurs démarches administratives. »
Il s’agit de mettre en place « des horaires d’ouverture élargie », « des agents polyvalents, formés » : « Dès le 1er janvier 2020, je souhaite que 300 maisons « France service » soient pleinement opérationnelles. Et le président de la République, comme le gouvernement, se sont engagés à ce que d’ici la fin du quinquennat, nous puissions disposer au moins d’une de ces maisons à haut niveau de services par canton. »
Édouard Philippe est revenu sur la réforme des institutions : « Le président de la République a proposé aux Français de réviser la Constitution du 4 octobre 1958 pour l’adapter aux bouleversements de notre démocratie (…) S’engager dans la révision constitutionnelle sans l’accord du Sénat n’est tout simplement pas possible et n’aurait donc aucun sens. C’est pourquoi depuis un an nous avons essayé de discuter et de trouver un compromis. »
Le Premier ministre a rappelé les priorités du gouvernement : les territoires, la participation citoyenne, la justice.
« En parallèle, des gestes ont été faits pour parvenir à un consensus. Les dispositions relatives au fonctionnement des assemblées ont été retirées (…) Les dispositions relatives au cumul des mandats dans le temps ont été assouplies pour en exclure les maires des communes de petite taille et prévoir une entrée en vigueur progressive. Le président de la République a accepté de revoir sa proposition de baisse d’un tiers du nombre de parlementaires pour viser une réduction d’un quart qui permet une juste représentation territoriale et l’introduction d’une dose significative de proportionnelle à l’Assemblée. Concrètement aujourd’hui, il me semble que nous ne sommes pas éloignés d’un accord sur le projet de loi constitutionnelle. Mais pas sur le projet de loi organique et en particulier, pas seulement sur la question du nombre de parlementaires (…) Nous ne renonçons pas à nos ambitions (…) nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat. »
Édouard Philippe conclut : « Nous sommes prêts et nous sommes ouverts. Les trois textes sont prêts. Cette réforme institutionnelle, nous ne pourrons pas la réussir sans vous. »
« La majorité des sénateurs centristes voteront la confiance à Édouard Philippe »
Premier à s’exprimer parmi les orateurs des groupes parlementaires, le président du groupe centriste, Hervé Marseille a commencé à tirer les enseignements des élections européennes. « Une majorité a d’abord dit oui à l’Europe (…) qui protège ses habitants qui sait qu’elle doit se réformer en se renforçant. Les Français ont ensuite dit oui aux réformes en tout cas la liste soutenue par le président de la République n’a pas enregistrer de désaveu manifeste ».
Hervé Marseille a indiqué ne pas avoir « d’opposition de principe » à l’encontre de certaines réformes présentées par le Premier ministre. Parmi celles qu’il appelle de ses vœux : comme l’objectif de simplification du système de retraites, ou la révision constitutionnelle. Toutefois, selon lui, la question de la réduction du nombre de parlementaires, ne lui parait pas la bonne entrée en matière et rappelle à l'exécutif qu'il est responsable de la fracture avec les territoires, parlant de son « regard distancié et clinique » sur « cette France éloignée des métropoles » et de son « dédain jacobin ». « Mais, j’ai compris que cela allait évoluer et changer. Tant mieux ».
En ce qui concerne l’urgence climatique, nouvel objectif de l’acte II du quinquennat, Hervé Marseille a noté qu’en début de mandat, le ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot était « le palmier qui cachait le désert ». « Il nous faut clarifier notre politique énergétique faute de quoi l’accélération écologique plafonnera vite à 80 km/h » a-t-il prévenu.
Avant de saluer « la volonté d’écoute du Sénat » du Premier ministre, Hervé Marseille a indiqué que son groupe serait « aux côtés du gouvernement à chaque fois qu’il s’agirait de promouvoir les réformes utiles au pays ». En conséquence, « de nombreux sénateurs de mon groupe voteront favorablement la proposition que vous leur faites. Les autres exprimeront par leur abstention une retenue bienveillante » a-t-il conclu.
« Cette abstention est tout sauf un chèque en blanc » annonce Dominique Estrosi Sassone, au nom du groupe Les Républicains
En l’absence de Bruno Retailleau, retenu en Vendée en raison de l’hommage rendu aux trois sauveteurs de la SNSM décédés lors du passage de la tempête Miguel, c’est la sénatrice Dominique Estrosi Sassone qui a pris la parole au nom du groupe Les Républicains. Elle est notamment revenue sur la réforme constitutionnelle. « Oui, une révision est possible. Elle est possible si le gouvernement fait preuve de cette ouverture que vous mettez pourtant en avant », a-t-elle expliqué.
« Autant, nous saluons votre décision d’avoir renoncé à certaines atteintes au Parlement. Autant, nous déplorons que sur la question de la représentation des territoires et donc sur celle du nombre de parlementaires vous sembliez privilégier le rapport de force, voire la pression », a-t-elle dénoncé
La sénatrice a souligné que ce point de représentation des territoires est « majeur, car il touche à la justice territoriale ». « Il est juste que tous les territoires soient représentés, il est juste qu’il n’y ait pas plus de 20 départements ne disposant que d’un sénateur et que cette garantie fasse l’objet d’une disposition constitutionnelle », a-t-elle expliqué.
« Autrement dit, c’est en partant de l’exigence d’équité et de représentativité territoriale que le nombre de sénateurs doit être fixé, et non pas à partir d’une logique arithmétique sinon technocratique. N’ajoutons pas aux fractures géographiques une déchirure démocratique en éloignant encore un peu plus la République des territoires », a lancé la sénatrice.
Dominique Estrosi Sassone a annoncé que le groupe Les Républicains s’abstiendra majoritairement. Dans son discours, elle a souligné la position du Sénat sur des dossiers comme les Ordonnances travail ou la réforme de la SNCF, où les parlementaires n’avaient pas bloqué la volonté du gouvernement. « C’est au nom de ces différences que nous assumons et de ces convergences que nous espérons, que le groupe LR s’abstiendra majoritairement. […] Cette abstention est tout sauf un chèque en blanc. Ni opposition systématique, ni adhésion automatique, telle est notre ligne de conduite. Cette ligne, nous la tiendrons. Parce qu’au-delà de nos appartenances, il y a la France. Parce que nous tenons à nos convictions, parce que nous croyons à ce que nous défendons », a-t-elle conclu, sous les applaudissements des collègues de son groupe.
Claude Malhuret : « Les LR ne pouvaient que s’effeuiller comme un artichaut »
Comme à chaque discours à la tribune, Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et Territoires, s’en est donné à cœur joie. L’ex-sénateur LR rhabille tout le monde pour l’hiver et le suivant, non sans un certain humour corrosif.
Le Rassemblement national ? « Parti népotiste », « parti recordman des rendez-vous judiciaires » et « dont la dirigeante a fait la preuve de son incompétence absolue lors de la présidentielle » alors que ses électeurs imaginent « sauver l’économie ». La France insoumise ? Mélenchon est qualifié de « leader minimo de la France soumise à Cuba »… « Les cascades d’exclusions ont délié les langues » et « on sait maintenant comment, avec son égérie, il dirigeait leur groupuscule ».
Le PS ? « François Hollande a mené avec constance une politique qui ressemble à celle d’une enseigne que j’ai vue l’autre jour sur la route : restaurant ouvrier, cuisine bourgeoise ».
Et la droite ? « Je ne crois pas que la droite soit morte. Mais elle est partie ». Il ajoute : « Mon parti ne pouvait que s’effeuiller comme un artichaut, une feuille lors de la défaite de 2012, une feuille lors du match de boxe Copé-Fillon, une feuille en refusant de choisir entre Le Pen et Macron au 2e tour de la présidentielle, une feuille lors des européennes ».
S’il soutient globalement le gouvernement, il pointe le manque d’assurance sur le « non-dérapage des dépenses publiques » ou un « mécano fiscal » non-abouti. Quant à la réforme de la Constitution, il s’amuse des difficultés qui persistent : « Elle semble devoir rester un certain temps dans le cloud comme on dit aujourd’hui. Je l’y laisse donc. On aura l’occasion d’en reparler quand elle redescendra du ciel »…
Pour François Patriat, le temps du « dépassement des clivages » est venu
Le président du groupe LREM du Sénat, François Patriat a commencé par se dire « fier » du travail accompli par le gouvernement. Puis le sénateur de Côte-d’Or s’est réjoui de l’utilisation de l’article 49 alinéa 4 de la Constitution. « Cette démarche entend valoriser l’institution sénatoriale et les élus qui y siègent », « courageuse », selon lui.
Puis François Patriat a estimé qu’était venu le temps du « dépassement des clivages ». « Le dépassement ce n’est pas renoncer à ses convictions. C’est d’accepter de partager avec d’autres venus d’horizon divers, les analyses et les voies du redressement.
L’ancien socialiste n’a, lui, pas abandonné sa « quête d’une plus grande justice sociale », citant le « plan pauvreté », « les avancés en faveur des personnes handicapées » ou « la baisse historique du chômage ».
« Face à l’urgence écologique, sociale, démocratique, politique, réformer est ce que l’on doit réussir ensemble » a-t-il enjoint. Sans surprise, son groupe votera « largement » la confiance du gouvernement.
Eliane Assassi : « « Nous ne soutiendrons pas ce projet qui s’attaque en profondeur à la solidarité nationale »
En réponse au discours d’Edouard Philippe, Eliane Assassi, présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, a tenu à rappeler au Premier ministre que « la colère est toujours là » en ce qui concerne une partie des citoyens français. « Faire une liste des colères à la Prévert, ne suffira pas à les apaiser » a prévenu la sénatrice. « Vous n’en avez pas fini avec celles et ceux qui sont majoritaires dans le pays, avec tous ceux qui aspirent à une vie meilleure. »
« Votre acte II a un goût de réchauffé » déclare la sénatrice. « Imperturbablement vous tracez la voie du libéralisme le plus archaïque qu’il soit ».
La présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste a reproché au Premier ministre d’aborder l’écologie sans remettre en question le système lui-même : « Votre dessein c’est le mirage d’un capitalisme vert, propre, succédant à celui qui a abimé notre planète et l’humanité. »
La sénatrice de la Seine-Saint-Denis a également voulu souligner le total clivage entre la politique du gouvernement et celle de son groupe : « Votre vieux discours réformateur vise toujours et encore à réduire les droits sociaux, arrachés parfois au prix du sang, plutôt que d’assurer le bonheur commun pour un juste partage (…) Votre acte II, c’est la remise en cause du système de retraites par l’avènement du système par points et la diminution des droits des chômeurs, futures vaches à lait de la sacro-sainte réduction des déficits et d’aides en tout genre (…) Notre projet est diamétralement opposé (…) Il faut travailler moins, moins longtemps, pour partager le travail. Et nous portons en ce sens la marche vers la semaine des 32 heures et le retour à la retraite à 60 ans. »
Pour conclure, Eliane Assassi a, sans surprise, annoncé que son groupe ne voterait pas la déclaration du Premier ministre : « Nous ne soutiendrons pas ce projet qui s’attaque en profondeur à la solidarité nationale et qui n’est pas « ni de gauche, ni de droite » mais tout simplement de droite. »
Patrick Kanner : « Vous êtes remontés sur votre nuage de certitudes »
Le président du groupe PS, Patrick Kanner, a dénoncé le discours du premier ministre. « La présentation de l’acte 2 se passe comme si la crise sociale avait été un entracte après l’acte 1. Vous êtes remontés sur votre nuage de certitudes » lance le sénateur du Nord. « Ce projet social d’envergure n’existe toujours pas » ajoute-t-il.
Sur la réforme des retraites, il pointe le « tour de passe-passe de l’âge pivot, d’âge d’équilibre à 63 ans, 64 ou 65 ans » qui va « contraindre les personnes aux revenus faibles à retarder leur départ à la retraite ». « Pendant ce temps, les personnes les mieux rémunérées pourront capitaliser et partir avant l’âge pivot pour compenser le nouveau malus ».
Patrick Kanner appelle à une « nécessaire conférence sociale sur les salaires » ou à des mesures comme « l’encadrement des loyers » ou une « fiscalité affectée aux transports collectifs ». Il reconnaît au premier ministre la volonté de « porter de nouveaux droits, comme la PMA ». Le PS le soutiendra sur ce point.
Quant à la réforme des institutions, il lui reproche de vouloir « faire porter la responsabilité » de son échec à la Haute assemblée. Il y voit « une manœuvre, alors qu’un accord raisonnable est toujours possible ».
Voyant dans la volonté de faire voter le Sénat sur son discours comme « une trappe à soutiens », il dénonce à la tribune les tentatives de l’exécutif d’attirer des votes : « Je sais qu’un de vos ministres au moins, est en train d’envoyer des SMS, y compris à mon groupe, en ce moment même. Et j’en ai la preuve… » Une dizaine de sénateurs PS seraient tentés de s’abstenir.
« Restez à 80 km/h pour les mesures libérales mais accélérez à 90 pour les mesures sociales » demande Jean-Claude Requier
Le président du groupe RDSE, Jean-Claude Requier a estimé que la transition écologique « était devenue une nécessité absolue et devait dépasser les clivages partisans ». Il a également salué certaines mesures prises par l’exécutif en faveur du pouvoir d’achat comme « l’annulation de la hausse de la CSG sur les retraites, le report de la hausse du carburant, des taxes sur l’énergie ou la facilitation des primes exceptionnelles ».
Le président du groupe RDSE a également demandé au Premier ministre de « corriger le déséquilibre » entre les mesures de droite « déjà bien nourries » et celle de gauche. « Restez à 80 km/h pour les mesures libérales mais accélérez à 90 pour les mesures sociales » a-t-il demandé avant d’indiquer que son groupe était partagé sur le vote confiance. Certains voteront pour, d’autres s’abstiendront ou voteront contre.
Réduire la dépense publique, Édouard Philippe « sait que ce n’est pas un exercice facile »
Édouard Philippe a répondu aux sénateurs, remerciant ceux ayant « formulé un soutien général ou majoritaire ou parfois existant » à sa déclaration de politique générale. Précisant qu’il n’allait pas détailler l’ensemble des mesures qui seront inventées, il a expliqué que ces dernières dépendront « des discussions avec les associations d’élus et les parlementaires ». « Donner les dispositifs arrêtés alors qu’ils sont en cours de préparation n’est pas possible, chacun ici peut le comprendre. »
Néanmoins, interpellé par Patrick Kanner (PS), Édouard Philippe a précisé que les recommandations sur la réforme des retraites seraient rendues par le Haut-commissaire en juillet et qu’elles sont « extrêmement éloignées » de ce qu’a indiqué le président du groupe socialiste.
Le Premier ministre est revenu sur la dépense publique. « Depuis 2007, le rythme de progression de la dépense publique et de la dette publique n’a jamais été refroidi ou calmé », a-t-il rappelé, soulignant que « pendant très longtemps, nous avons fait au fond comme s’il ne fallait pas tout compter, dans le calcul de la dette publique », prenant l’exemple de la dette de la SNCF.
« La dette publique comme la dette écologique sont des fardeaux que nous laissons reposer sur les épaules de nos enfants. Je suis convaincu de la nécessité de stabiliser cette dette et de la réduire. Je sais que ce n’est pas un exercice facile », a-t-il expliqué, appelant les sénateurs à s’intéresser non pas aux chiffres en valeur absolue, mais au rythme de croissance de la dépense publique.
« Si on veut faire de la réduction de la dépense publique vite, on utilise le rabot, si on veut réduire dans la durée, il faut faire des réorganisations », a-t-il indiqué. « Il faut donc faire en sorte que nous puissions réorganiser la façon de produire un service, la façon d’organiser un dispositif d’accompagnement public pour faire en sorte de la progression de cette dépense. C’est plus intelligent, mais c’est plus lent et ça exige probablement plus de travail et plus de travail collectif ».
« Certains attendent les actes que j’ai annoncés, d’autres les redoutent. […] Je voudrais dire à l’ensemble des sénateurs ma détermination à mettre en œuvre la méthode que j’ai évoquée devant l’ensemble du parlement », a conclu Édouard Philippe, avant que les sénateurs aillent approuver ou non sa déclaration de politique générale.
Le Sénat rejette le discours de politique générale du gouvernement
Sans surprise, le Sénat a voté contre le discours de politique générale prononcé par Édouard Philippe, ce jeudi. Seuls 71 ont voté pour. 93 ont voté contre et 181 sénateurs se sont abstenus.
Le mot d’ordre du groupe LR, majoritaire au Sénat, a bien été suivi. Une grande partie des élus de la chambre haute se sont donc abstenus. Sur 345 votants, 181 se sont abstenus. « Le groupe sera très majoritairement sur une même position qui sera l’abstention » avait prévenu, hier, Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat.
Pour rappel, le recours à l’article 49.4 de la Constitution permet à l’exécutif de demander aux sénateurs de voter après le discours de politique générale mais le vote ne peut entraîner une censure du gouvernement contrairement à l’Assemblée nationale.