Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les sénateurs ont débattu d’une série d’amendements visant à accroître la taxation sur l’alcool. Tous ont été rejetés, provoquant la colère d’une large partie de la gauche de l’hémicycle. De son côté, avec le soutien de la ministre de la Santé, la rapporteure générale de la commission des affaires sociales promet de travailler à une proposition de loi transpartisane sur le sujet.
Pénurie de soignants : Catherine Deroche juge « ubuesque » que le ministère n’ait pas de données en temps réel
Par Public Sénat
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La situation ne s’annonce guère réjouissante pour les Français qui auront besoin de consulter des professionnels de santé dans les années à venir. Auditionnée ce 17 février par la commission d’enquête du Sénat sur la situation de l’hôpital et du système de santé, la directrice générale de l’offre de soins au ministère de la santé (DGOS) fait part de sa préoccupation sur l’évolution de la démographie médicale à moyen terme, et donc par ricochet, sur la prise en charge des patients. « Nous voyons bien que nous avons une question démographique au moins jusqu’en 2030, s’agissant des personnels médicaux. » Julienne Katia se réfère notamment aux données publiées l’an passé par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé ou encore aux chiffres de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Dress). Les mêmes travaux font une projection d’une hausse de 14 % des besoins dans les formations médicales « au cours des cinq prochaines années ».
D’ici à ce que le nombre de médecins augmente, le creux démographique risque de donner des sueurs froides aux prochains gouvernements. « Nous allons devoir adapter notre organisation pour y faire face », avertit Julienne Katia. D’autant que les difficultés concernent également le nombre de personnels paramédicaux, c’est-à-dire les infirmiers et les aides-soignants. « La crise a laissé des marques, avec des professionnels qui ont quitté l’hôpital dans des proportions que nous avons du mal encore à mesurer », reconnaît la directrice générale de l’offre de soins. Certains étudiants ne parviennent même pas au terme de leur formation, dans les Institut de formation en soins infirmiers (IFSI). « Certains établissements nous remontent de vraies difficultés », confie-t-elle.
Pas de remontée automatique des postes vacants
Cette pénurie de soignants est l’un des principaux problèmes auxquels s’attelle la commission d’enquête. Celle-ci a été lancée en novembre après l’enquête du Conseil scientifique, qui a constaté 20 % de lits fermés dans les hôpitaux. Le ministère de la Santé a fait état en décembre d’un nombre de lits « globalement » en recul de 2 % sur un an (soit 5 700 lits), après avoir mené une enquête auprès de 1 100 établissements de santé.
Julienne Katia est pour le moment dans l’impossibilité de fournir des chiffres exhaustifs sur les personnels non médicaux, en dehors des grandes enquêtes menées par la Dress. Pas de données par catégories de spécialistes. « Nous n’avons pas de système d’information qui permette de dire, à tout moment, quels sont les vacances de postes, le nombre de professionnels, ça, nous ne l’avons pas […] Quand nous souhaitons avoir des éléments, nous conduisons des enquêtes, avec les établissements de santé et leurs représentants, qui nous permettent de remonter des données. »
La rapporteure Catherine Deroche (LR) n’a pas caché son étonnement. « Ça me paraît un peu ubuesque. Comment se fait-il que la DGOS ne puisse pas avoir des tableaux de bord actualisés du nombre de personnes ? » Elle ajoute : « Bercy sait tout, sur tout le monde, et nous, en santé, on ne sait pas combien il y a de personnels manquants, on ne sait pas quel est le flux des personnels, où passent nos étudiants en médecine quand ils ont terminé leurs études ? […] À un moment, il va falloir qu’on arrive à des indicateurs actualisés, réguliers, sans passer par de grandes études, des organismes… » Bernard Jomier, président de la commission d’enquête (apparenté PS), ajoute malicieusement : « ou par des cabinets privés ». « Ou par des cabinets privés, ça, c’est un autre sujet, une autre commission d’enquête », poursuit Catherine Deroche, en référence aux travaux d’Éliane Assassi (PCF) et Arnaud Bazin (LR).
« Vous êtes directrice générale de la DGOS, vous n’êtes pas en situation de décrire le mode de travail des ARS ? »
Pas plus que des chiffres actualisés, les sénateurs n’ont pas obtenu de réponses sur les rouages des décisions dans les agences régionales de santé (ARS), dans l’évaluation des besoins en santé. « On a beaucoup constaté que différents acteurs ne comprenaient pas comment s’élabore cette décision. Le travail des ARS n’est pas public », fait remarquer Bernard Jomier. Bref, comment se construisent les schémas régionaux d’organisation des soins ?
L’administration centrale s’est montrée peu disserte sur les arcanes des ARS. « Je ne sais pas comment concrètement travaillent les ARS avec les uns et les autres dans l’élaboration de ces schémas », reconnaît la directrice générale de la DGOS. « Les élus ne savent pas non plus. Vous êtes directrice générale de la DGOS, vous n’êtes pas en situation de décrire le mode de travail des ARS ? » s’étonne Bernard Jomier. Julienne Katia précise que le rôle de son administration est de « construire des outils juridiques en matière d’autorisation, d’organisation des soins, des outils financiers ». Charge ensuite aux ARS de les « décliner ». « Mon rôle, c’est de donner la boîte à outils », résume-t-elle.
Quant au « temps de trajet maximal acceptable » d’une population pour rejoindre une maternité, autre question concrète des sénateurs, là aussi, la DGOS renvoie la balle aux échelons inférieurs. « Cela peut être différent d’un territoire à l’autre. Le rôle de l’administration n’est pas de construire un jardin à la française en imposant des règles uniformes sur tout le territoire, c’est de construire des obligations minimales. »