« Il n’y a pas pour nous de crainte, il y a la volonté d’agir utilement pour protéger les Français » affirme au micro de Public Sénat la ministre chargée des Relations avec le Parlement, Nathalie Delattre, face à l’hypothèse du vote par les députés RN d’une motion de censure.
Pauvreté : « La fracture sociale n’est plus à l’ordre du jour, alors que c’est une question fondamentale », alertent les sociologues
Par Public Sénat
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Mise en place le 26 janvier dernier, à la demande du groupe Les Républicains du Sénat, la mission d’information sur la lutte contre la précarisation et la paupérisation multiplie les approches croisées afin d’évaluer l’ampleur de ce phénomène qui ne fait que s’accentuer depuis la crise sanitaire.
Après avoir reçu, les représentants de l’Insee ou encore les associations caritatives (voir nos articles ici et ici) la mission auditionnait ce mardi Claire Auzuret, docteure en sociologie de l’université de Nantes, Nicolas Duvoux, professeur de sociologie à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et Serge Paugam, directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS) et directeur de recherche au CNRS.
« La notion de sortie de la pauvreté va au-delà d’un seuil de revenu »
Le Secours catholique a annoncé le chiffre de 10 millions de pauvres en 2020. Pour rappel, le seuil de pauvreté correspond à 60 % du niveau de vie médian de la population, soit un peu plus de 1 050 euros. Mais comme l’a rappelé en introduction Nicolas Duvoux, « aucun indicateur ne donnera une vision absolument correcte de la pauvreté […] C’est une condition sociale qui est vécue en première personne.
« La notion de sortie de la pauvreté va au-delà d’un seuil de revenu […] Cette notion doit aussi tenir compte d’autres indicateurs comme celui de la position sociale et de la stabilité professionnelle qui est associée au type de contrat de travail signé par les personnes […] la possibilité de se nourrir et d’accéder aux loisirs, les caractéristiques du réseau familial, amical et de voisinage ou encore de la possibilité de se passer des aides légales de manière durable » a notamment listé Claire Auzuret.
Néanmoins le seuil de pauvreté permet de mesurer des tendances. « La pauvreté d’aujourd’hui touche des actifs et leurs enfants ce qui n’était pas le cas il y a quarante ans. Le taux de pauvreté monétaire était beaucoup plus important dans les années 70, peut-être était-il vécu de manière différente parce qu’il touchait des personnes âgées, des indigents qui n’avaient pas encore accès à des systèmes de retraite », a souligné Nicolas Duvoux.
La pauvreté « interpelle l’ensemble du corps social »
Lors de cette table ronde, l’ensemble des chercheurs ont rappelé l’objet de leurs recherches sur la pauvreté. « Si on s’intéresse à la pauvreté ce n’est pas simplement pour identifier les pauvres. C’est aussi parce que ça interpelle l’ensemble du corps social […] Les personnes qui perdent peu à peu leur attachement social, perdent en même temps la confiance dans les institutions républicaines » […] trop de personnes sont en situation de progressif détachement » a expliqué Serge Paugam.
Pour Claire Auzuret « un halo de pauvreté » a pu être identifié lors de la crise des Gilets Jaunes, « avec une multitude de visages, de travailleurs, de jeunes actifs, d’étudiants, de familles monoparentales, de retraités… », symbole selon elle « d’une inadéquation entre la pauvreté monétaire et la pauvreté subjective ».
« En 1995, tous les candidats parlaient de fracture sociale »
Au moment où l’idée d’un revenu universel revient au goût du jour y compris dans les rangs de la droite, les Serge Paugam invite à réfléchir « à une politique plus globale qui permet de repenser la protection de plusieurs millions de personnes dans la société française ».
« Les personnes qui sont les plus modestes se trouvent aujourd’hui prisent en étau entre une incitation qui peut être éventuellement coercitive à retourner sur le marché du travail et une situation d’absence d’emploi disponible » souligne Nicolas Duvoux qui évoque « une injonction paradoxale ».
En conclusion, Serge Paugam préconise « un élan global de solidarité ». Il y en avait un élan de solidarité dans les années 90. Ce n’est pas par hasard qu’en 1995, tous les candidats parlaient de fracture sociale […] La fracture sociale n’est plus à l’ordre du jour alors que c’est la question fondamentale que l’on doit aborder. Il faut cet élan, cette envie de reconstruire un autre modèle social pour créer une société plus inclusive ».