Loi séparatisme : la majorité sénatoriale divisée ?
A quelques heures de l’examen du projet de loi confortant les principes de la République, une ligne incarnée par le président du groupe LR, Bruno Retailleau aimerait imposer sa marque sur ce texte en visant particulièrement la lutte contre l’islamisme radical. Mais l’examen du projet de loi en commission des lois a déjà laissé paraître des divisions au sein de la majorité sénatoriale.

Loi séparatisme : la majorité sénatoriale divisée ?

A quelques heures de l’examen du projet de loi confortant les principes de la République, une ligne incarnée par le président du groupe LR, Bruno Retailleau aimerait imposer sa marque sur ce texte en visant particulièrement la lutte contre l’islamisme radical. Mais l’examen du projet de loi en commission des lois a déjà laissé paraître des divisions au sein de la majorité sénatoriale.
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Imposer le principe de neutralité aux accompagnants des sorties scolaires et aux élus locaux, interdire le port du burkini dans les piscines, le port du voile dans les compétitions sportives, ou encore le port du voile aux mineures… Autant d’amendements déposés par le groupe LR sur le projet de loi confortant les principes de la République.

« On ne peut pas parler du séparatisme sans parler du voile qui est l’étendard du séparatisme »

Le 18 mars dernier, au micro de Public Sénat, Bruno Retailleau était clair sur ce qu’il entendait faire du projet de loi du gouvernement. « Je considère qu’on ne peut pas parler du séparatisme sans parler du voile qui est l’étendard du séparatisme ; qui veut dire aux femmes qu’elles sont d’un rang inférieur aux hommes ; qui signifie aussi qu’on sépare une partie de la population française par rapport à la communauté nationale. Il faut avoir le courage de le dire. Il faut aussi avoir le courage de le voter ».

Cette injonction du sénateur de Vendée, s’adressait à la majorité sénatoriale de la droite et du centre. En effet, le 18 mars dernier, les arguments tels qu’exposés par celui qui s’affirme comme prétendant à la prochaine élection présidentielle, n’ont pas fait mouche en commission des lois.

Très porté sur les questions entourant identité nationale, la laïcité ou encore l’immigration, Bruno Retailleau a fait face ce jour-là à une première déconvenue : le rejet en commission des lois d’un amendement qui visait à étendre le principe de neutralité aux accompagnants des sorties scolaires. Il visait notamment à interdire le port du voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires. Après avoir fait l’objet d’âpres discussions, il est rejeté suite à une égalité de votes. Des sénateurs centristes et LR s’y opposent.

« Il y a eu match nul puisque l’amendement a obtenu 15 (voix) pour et 15 contre et dans ces cas-là, il est rejeté », relativisait Bruno Retailleau.

Un amendement identique sera de nouveau débattu en séance publique ce mardi. Son vote sera d’ailleurs scruté de près car il est porté de longue date par une partie de la droite du Sénat. Il fait écho à la proposition de loi de Jacqueline Eustache-Brinio, proche de Bruno Retailleau, que le Sénat a adopté (163 voix pour, 114 voix contre) le 20 octobre 2019. En mai 2019, dans le cadre de l’examen du projet de loi sur « l’école de la confiance », un amendement en ce sens avait également été adopté par le Sénat sans pour autant survivre à la navette parlementaire.

« Vouloir tout mettre dans la loi », ce n’est pas le souhait des centristes

Un autre amendement rejeté en commission fera l’objet d’une attention particulière. « J’y suis très attachée. C’est un symbole extrêmement fort » indiquait à publicsenat.fr, la rapporteure LR, Jacqueline Eustache-Brinio. L’amendement vise à « inscrire dans la charte de l’élu local la nécessité pour celui-ci de ne pas porter de signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse durant les réunions des organes délibérants des collectivités ».

Mais là encore, ça coince du côté des centristes. « Il y a des problèmes de sensibilités. On ne peut pas légiférer sur tout. Il faut laisser de la liberté aux élus […] et ne pas corseter l’ensemble de la vie publique locale […] Il y a un danger, un fondamentalisme qui s’exprime […] Il peut choquer certains de nos concitoyens. Mais il faut laisser la place aux initiatives locales, aux maires, aux conseils municipaux pour trouver des solutions qui soient harmonieuses. Vouloir tout mettre dans la loi, les décrets et les circulaires, ce n’est pas notre souhait », prévenait le président du groupe centriste, Hervé Marseille, le 18 mars.

Interdiction du port du voile pour les mineures

Un autre amendement déposé par la sénatrice LR, Valérie Boyer sera, là encore, l’objet de débats au sein de la majorité. Comme le proposaient avant elle, les députés LREM, Aurore Bergé et Jean-Baptiste Moreau, la sénatrice souhaite interdire le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans l’espace public. A lecture des motifs de l’amendement, le port du voile est ici visé. « Nous devons considérer que le voilement des mineures peut représenter des risques pour l’épanouissement physique, mental, moral et social des enfants », est-il mis en exergue.  « Je me suis placée sur le plan de la maltraitance des enfants. On ne peut pas faire une distinction entre des filles qui seraient soi-disant pudiques et d’autres impudiques. Il faut tout simplement respecter le principe de fraternité », fait valoir Valérie Boyer.

L’adoption de cet amendement reste incertaine comme le rappelle Jacqueline Eustache-Brinio. « Je ne veux pas anticiper vote dans l’hémicycle, mais la commission des lois s’est déjà positionnée et a rejeté l’amendement. Je trouve inadmissible le voilement des fillettes mais c’est un sujet qui doit être travaillé au niveau de la protection de l’enfance », souligne-t-elle jugeant que le véhicule législatif n’est pas le bon.

« Le séparatisme peut venir de tous bords »

Enfin, avant même l’examen du texte en séance publique, on observe un premier recul de la part du patron de la droite sénatoriale. Bruno Retailleau avait promis de « nommer clairement les choses » en mentionnant « le séparatisme islamisme » dans l’intitulé du projet de loi. L’amendement de son groupe se limite finalement à la « lutte contre le séparatisme ». « Nous avons choisi le mot séparatisme au sens large car on ne sait pas à l’avenir quelle religion peut poser problème », explique Jacqueline Eustache-Brinio, corapporteure LR du texte.

« Le séparatisme peut venir de tous bords […] ce ne sont pas les islamistes qui ont fait l’assaut du Capitole […] On ne sait pas quel sera le culte le plus prosélyte demain. Ce ne sera peut-être pas l’islam. Il est bien de rappeler que chez nous, on fait une grosse séparation entre le spirituel et le temporel et ce texte vient le rappeler », confirme Dominique Vérien, corapporteure centriste.

 

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