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Loi de programmation militaire : le Conseil constitutionnel va être amené à se prononcer sur l’étude d’impact
Par François Vignal
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Un nouveau coup dur pour le gouvernement ou une simple péripétie ? La loi de programmation militaire (LPM) pour 2024-2030 connaît une première difficulté à l’Assemblée. En conférence des présidents, il a tout simplement été décidé de suspendre de l’ordre du jour le texte, qui prévoit un budget de 413 milliards d’euros sur la période pour la défense. Ce sont les députés LR, suivis par les autres groupes d’oppositions, qui ont mis en cause la qualité de l’étude d’impact, qui accompagne le projet de loi. Les oppositions ont ainsi pu mettre en minorité le gouvernement, qui ne dispose que d’une majorité relative.
Les députés LR pointent des lacunes sur « les dispositions financières » de la LPM
« La Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale, saisie à la demande du président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix, a constaté – fait rare – une méconnaissance des conditions de présentation fixée par la loi organique relative à l’application de l’article 39 de la Constitution au sujet de la loi de programmation militaire 2024-2030 », explique dans un communiqué le groupe LR, qui pointe « la faiblesse de l’étude d’impact […] concernant les dispositions financières du texte ». Selon la loi organique 15 avril 2009, l’étude d’impact doit porter sur « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales » du texte, ainsi que sur les « coûts et bénéfices financiers attendus ».
« Dans à peine 7 pages sur les 376 que compte l’étude d’impact, rien n’est mentionné sur les programmes industriels menés en coopération, ni sur la composition des 13 milliards d’euros de recettes non fiscales prévues par la LPM, ou les conséquences de l’inflation », détaille le communiqué des députés LR.
Article 39-4 de la Constitution
En cas de désaccord entre la conférence des présidents et le gouvernement, c’est au Conseil constitutionnel de se prononcer sous huit jours. En attendant, l’inscription à l’ordre du jour est suspendue.
Les députés ont recours ici précisément à l’article 39, alinéa 4, de la Constitution. Il dit que « les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la conférence des présidents et le gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours ». Ce qui devrait arriver. « Il y aura bien une saisine, vraisemblablement par la première ministre », affirme au HuffPost l’entourage de la présidente de l’Assemblée nationale.
« L’excessive prudence du Conseil constitutionnel », lors d’une décision du même type, en 2014
Depuis son introduction dans la réforme de 2008 de la Constitution, ce n’est que la seconde fois que le Conseil constitutionnel s’apprête à être saisi au nom de l’article 39-4. La première fois, c’était au Sénat, sur la réforme territoriale de François Hollande portant la fusion des régions. Le 26 juin 2014, la conférence des présidents du Sénat, dans une alliance de circonstance entre les groupes UMP, communiste et RDSE, avait « constaté la méconnaissance des règles fixées par la loi organique du 15 avril 2009 », comme le rappelle Bertrand-Léo Combrade, professeur des universités en droit public à l’Université de Poitiers, dans un article universitaire publié en 2014.
Or au terme des huit jours, les Sages avaient validé la procédure, sans une décision pour le moins clémente pour le gouvernement. « Le contrôle du respect des règles « formelles » n’a pas été exhaustif, tandis que l’examen de la substance de l’étude d’impact a, quant à lui, été exercé avec la plus grande retenue », écrivait l’universitaire, soulignant aussi que « le Conseil constitutionnel n’a pas relevé que l’étude d’impact avait omis de respecter plusieurs exigences de l’article 8 de la loi organique qui sont applicables ». En conclusion, Bertrand-Léo Combrade écrivait que « le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel des conditions de présentation d’un projet de loi et, en particulier, du contenu de l’étude d’impact, s’avère ainsi empreint de la plus grande retenue »… Du fait de « l’excessive prudence du Conseil constitutionnel », le professeur de droit public estimait que le 39-4 « ne constitue pas un instrument efficace de gel du processus législatif en cas de manquement aux conditions de présentation des projets de loi ». De quoi peut-être donner une idée sur le sens de la décision que pourrait prendre le Conseil constitutionnel sur la LPM
Le sénateur LR Cédric Perrin n’exclut pas que cela entraîne « du retard » dans l’examen du texte
Le sénateur LR Cédric Perrin, qui suit le dossier de la loi de programmation militaire, n’est pas surpris de la décision de ses collègues députés. « Dès le 19 janvier, au moment où le Président annonçait les 400 + 13 milliards d’euros, j’avais mis en cause le fait que les 13 milliards étaient insincères car ils provenaient de recettes incertaines, venant en partie de ventes immobilières, d’efforts de l’industrie de la défense et de vente de fréquences », souligne le sénateur LR du Territoire de Belfort, vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. Il ajoute :
13 milliards, ça fait 2 milliards par an sur 7 ans. Ce n’est pas une paille.
« A un moment, il faudra des efforts pour avoir des éléments qui nous permettent de travailler en toute sincérité », avance Cédric Perrin, qui n’exclut pas que « si le Conseil constitutionnel vienne à donner raison à (ses) collègues de l’Assemblée. Le risque pour la LPM, c’est qu’il demande au gouvernement de refaire une étude d’impact et qu’il y ait du retard ». « Cela peut potentiellement repousser l’examen d’une semaine au Sénat », ajoute le sénateur LR, « mais ça ne va pas changer la donne fondamentalement ». Le texte est censé être examiné par les députés « mi-mai et aux alentours de la mi-juin au Sénat, pour une promulgation autour du 14 juillet », expliquait la semaine dernière le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu.
Le sénateur PS Rachid Temal, chef de file de son groupe sur le texte, soutient la démarche des députés. « Nous avions prévenu au Sénat le ministre des Armées que faute de réel « Livre blanc » construit avec le Parlement sur le monde de demain, et donc les armées nécessaires, ce projet de LPM manquerait de cohérence et de robustesse », a tweeté le sénateur du Val-d’Oise.
« Certains pensaient que ça passerait comme une lettre à la poste »
Alors que le sujet paraissait plutôt ne pas faire l’objet de grosses dimensions, le contexte politique instable, depuis la réforme des retraites, n’est peut-être pas non plus pour rien dans l’action des députés LR. « Certains pensaient que ça passerait comme une lettre à la poste. J’ai l’impression que c’est un peu plus compliqué que ça… » constate Cédric Perrin, qui ajoute :
Il y a des gens qui n’ont pas envie d’être la béquille du gouvernement. Et sur la LPM, il y a des exigences à mettre en avant. Ce ne sera peut-être pas aussi simple qu’ils le pensent.
Le sénateur LR du Territoires de Belfort pense qu’« une fois de plus, le Sénat va devoir être constructif et faire des propositions. Mais il faudra que le gouvernement nous écoute ». D’ici là, la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat auditionne justement ce mercredi matin Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, sur la LPM. S’il n’est pas là pour se prononcer sur la constitutionnalité du texte, son regard sur les dispositions financières tombe à pic.