Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Loi climat : les sénateurs en accord avec les députés pour voler au secours des moulins à eau
Par Public Sénat
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Bis repetita. Comme à l’Assemblée nationale, l’hémicycle du Sénat aura imposé son point de vue sur la délicate question des moulins à eau, contre l’avis du gouvernement. Depuis des années, plusieurs objectifs, difficiles à concilier, se heurtent. D’un côté se trouve la préservation de la biodiversité en favorisant notamment le franchissement des poissons migrateurs sur les cours d’eau : c’est ce qu’on appelle la « continuité écologique ». De l’autre côté, se pose la question de la sauvegarde patrimoniale de milliers de moulins à eau, source potentielle d’énergie renouvelable avec la « petite » hydroélectricité. En première lecture du projet de loi climat et résilience, ce 17 juin, les sénateurs sont finalement revenus à la rédaction de l’Assemblée nationale sur l’article 19 bis C. La sénatrice Martine Filleul (PS) ne croyait pas si bien dire en disant que ces histoires de moulins allaient encore « donner du grain à moudre » au débat parlementaire.
L’article, introduit en séance par de nombreux députés au cours d’une longue nuit de débats, vise à « définitivement exclure la possibilité de financer la destruction des retenues de moulins ». Saisis par des associations de sauvegarde de moulins, les députés ont voulu mettre fin aux aides plus incitatives pour la destruction des moulins que celles prévues pour les aménagements destinés à faciliter la circulation des poissons. Au Sénat également, les contentieux locaux autour des moulins à eau, entre propriétaires et l’administration, sont bien connus.
Les députés ont entériné un « principe de non-destruction des moulins à eau », selon Guillaume Chevrollier (LR)
Lors des travaux en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, les sénateurs pensaient avoir trouvé la bonne formule. L’article modifié, sous la plume du rapporteur Pascal Martin (Union centriste) et de Laurence Muller-Bronn (LR), précisait que l’obligation de continuité écologique ne pouvait pas « servir de motif » pour justifier de la destruction d’un moulin à eau ou de ses éléments permettant d’exploiter la force du courant, sauf s’il s’agit d’une volonté du propriétaire ou si ce dernier ne peut être identifié. En cas de désaccord entre le propriétaire et l’administration sur la façon de restaurer le passage des poissons, une procédure de conciliation était prévue par l’article.
Aux yeux du sénateur Guillaume Chevrollier, il fallait revenir à rédaction de l’Assemblée nationale, avec son « principe de non-destruction des moulins à eau ». « Elle offrait un degré de protection supérieur pour les propriétaires de ces ouvrages. Un vote conforme permettrait d’engager une politique de continuité écologique plus apaisée », a-t-il appelé. Le sénateur LR de Mayenne est l’auteur d’un récent rapport d’information, intitulé « Rompre avec la continuité écologique destructive : réconcilier préservation de l’environnement et activités humaines ».
Son amendement prévoyant un retour exact à la version sortie de l’Assemblée nationale a contrarié la ministre de la Transition écologique, qui comptait beaucoup sur la lecture au Sénat pour faire évoluer l’article. « On s’est retrouvés avec une rédaction qui partait de l’autre côté du balancier », a souligné Barbara Pompili. La commission de l’aménagement du territoire du Sénat était parvenue à « un point d’équilibre », selon elle. A l’inverse, les amendements introduits par les députés n’avaient « pas été suffisamment préparés en amont ». Sa secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, Bérangère Abba, elle aussi présente sur les bancs du gouvernement, a estimé que le débat avait été introduit de façon « un peu brutale ».
Barbara Pompili s’était engagée à conserver la modification des rapporteurs du Sénat en commission mixte paritaire
Daniel Gremillet (LR), auteur d’une récente proposition de loi sur le développement de l’hydroélectricité, ainsi que la présidente de la commission des affaires économiques ont insisté sur la nécessité d’adopter l’article dans les mêmes termes que les députés, afin de le sceller d’ici la fin de la navette parlementaire. « Cela fait des années qu’on attend cette disposition pour les moulins […] Au moins, on est sûr qu’il y a une base juridique », a insisté Sophie Primas (LR). Il s’agit en effet d’un point crucial de la procédure parlementaire : tant qu’un article n’est pas adopté de façon conforme d’une assemblée à l’autre, l’article peut continuer de faire l’objet de modifications, y compris d’une suppression. Même le rapporteur Pascal Martin a finalement lâché sa rédaction, décidant de s’en remettre au choix des sénateurs. « J’ai entendu beaucoup d’entre vous. Vous vous inquiétiez de la possible disparition de cet article à l’issue de la commission mixte paritaire », a-t-il témoigné. La commission mixte paritaire (CMP) est l’organe où députés et sénateurs tentent de trouver un accord sur leurs textes.
Les assurances de la ministre Barbara Pompili n’y auront rien changé : les sénateurs ont choisi d’adopter l’article tels que les députés l’ont voté. « Je prends l’engagement formel qu’en commission mixte paritaire on ne supprimera pas cet article », avait-elle promis, alors que le gouvernement ne siège pas dans cette instance. « Si vous fermez l’article maintenant, on a un vrai problème de régression environnementale potentielle. » Barbara Pompili avait également indiqué que « de nombreux députés », « quel que soit leur banc » étaient venus la trouver après leur vote, craignant d’avoir « fait une bêtise en allant trop loin ».
De « nouveaux soucis » en perspective ?
Les écologistes se sont également opposés à leurs collègues qui souhaitaient effacer « la rédaction de compromis » trouvée en commission. « Il faut être clair. Cette restauration des continuités écologiques est une priorité européenne », a rappelé Ronan Dantec, en référence aux objectifs fixés en 2000 par la directive-cadre sur l’eau. Son collègue Daniel Salmon a lui averti que l’article des députés allait également créer de « nouveaux soucis » et braquer les associations, avec des « recours au niveau européen ». De leur côté, les socialistes ont tenté d’approfondir les mécanismes de conciliation. « La culture et la nature ne doivent pas être opposées », avait appelé le sénateur PS Jean-Pierre Sueur.
Une majorité de votes s’est dirigée pour le rétablissement de l’article tel qu’il est sorti de l’Assemblée nationale, à l’issue d’une suspension de séance de dix minutes. Elle avait été demandée par le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot (Union centriste), visiblement embarrassé par le détricotage du travail des rapporteurs. Comme un médiateur, Didier Mandelli (LR) a encouragé le gouvernement à inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée la proposition de loi sénatoriale de Daniel Gremillet sur l’hydroélectricité (adoptée le 13 avril), afin de résoudre « toutes ces questions qui nécessitent beaucoup d’attention ». De quoi apporter de l’eau au moulin des sénateurs.